1. La tailleuse et l'inconnu

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Ce n'était pas un jour normal dans le village, Maria le sentait. Les bêtes semblaient nerveuses et les habitants essayaient tant bien que mal de contenir en eux une colère inexpliquée. Au loin on pouvait entendre deux paysans se disputer violemment. Le ciel se faisait de plus en plus sombre, l'air était lourd, comme si un orage pouvait éclater d'un instant à l'autre. Maria choisi d'ignorer cette étrange situation, son travail l'attendait. Elle retourna s'asseoir et reprit son aiguille et son fil, finissant de coudre la robe de Dame Liune, une des femmes les plus influentes du duché.

Maria vivait chez son père avec sa sœur. Son paternel fut autrefois marin mais depuis la mort de son épouse il s'était improvisé pêcheur. Sa sœur, Leina, l'aidait parfois dans son atelier mais elle préférait de loin la compagnie des jeunes et vigoureux fermiers à celle de sa sœur qu'elle trouvait bien trop prude. Maria finissait de coudre l'extrémité de la robe avec un fil doré quand elle entendit frapper à sa fenêtre. Surprise elle lâcha son ouvrage et alla ouvrir. Elle hésita quelques secondes à ouvrir quand elle reconnu Barthéo, le boulanger du village.

C'était un homme massif, qui avait environ 35 ans, il avait une large cicatrice sur la joue, personne n'avait jamais su pourquoi. Il ne parlait que rarement mais il avait une admiration sans borne pour Maria. Chaque jour il venait lui offrir un gâteau préparé par ses soins. Tout le village le prenait pour un idiot mais il s'en fichait, il aimait voir tous les jours se dessiner sur le visage de Maria un sourire radieux. Maria se racla la gorge et ouvrit la fenêtre. L'air pesant s'engouffra dans l'atelier. Elle regarda Barthéo dans les yeux et sourit.

"Qu'est ce que ce sera aujourd'hui ?" Demanda-t-elle avec un air légèrement sarcastique.

"C'est... Un gâteau aux my... Aux myrtilles et à... à l'amande", peina à articuler le grand gaillard, qui une fois de plus eu l'impression de se ridiculiser.

Il baissa le regard et tendit un panier à Maria. Elle eu un petit sourire attristé et tendit sa main vers le visage de Barthéo. Elle prit la joue ferme de l'homme dans la paume de sa main et se pencha pour déposer un baiser sur l'autre.

"Merci", chuchota-t-elle en s'éloignant de lui.

Barthéo releva un visage cramoisi et lui adressa un regard perdu. Il posa le panier sur le rebord de la fenêtre et reparti précipitamment. Maria eu un sourire flatté mais aussi peiné. Elle savait que rien ne se passerait entre elle et lui. Peut être lui l'aimait mais, elle, ne ressentait rien de particulier à part de l'empathie. Elle saisi le panier et le déposa par terre en refermant sa fenêtre. Elle ne prit même pas la peine de jeter un œil à l'intérieur, elle savait que le gâteau serait encore plus délicieux que le précédent.

Le cœur léger elle se remit à sa couture. Il ne lui restait plus qu'à broder les jonquilles du blason de Dame Liune sur le bas de la robe et sa commande serait enfin  honorée. Un bruit sur le carreau l'arracha de ses pensées. Pensant que Barthéo allait peut être enfin avoir le courage de lui faire une déclaration elle se leva d'un traite, se para de son plus beau sourire et ouvrit la fenêtre en enjambant le panier.

Un homme, d'une trentaine d'années, le teint blafard, de longs cheveux brun négligemment attachés et des yeux noisettes avec un léger éclat jaune, habillé noblement, se tenait devant sa fenêtre. Elle ne l'avait jamais vu, elle en était certaine, mais un sentiment familier l'envahi.

"Si j'avais su que la tailleuse était si séduisante je serai venu plus tôt", ricana l'inconnu.

Surprise, la jeune fille reste bouche bée quelques instant mais se repris.

"A qui ai-je l'honneur ?" Demanda gaiement la jeune femme.

"Je suis le Seigneur Enoch", répondit l'homme avec un petit sourire presque imperceptible.

"Eh bien, que me vaut l'honneur de votre visite, Sieur Enoch ?" Questionna-t-elle abruptement, en baissant son regard vers le sol.

Son père lui avait toujours dis de ne pas faire l'affront à un noble de le regarder dans les yeux.

"Il n'y a aucun empressement ma belle, puis-je connaître votre nom, délicate jeune fille ? Et relevez la tête, je vous en prie."

"Euh... Bien sur!" s'exclama-t-elle, "Je m'appelle Maria, Monseigneur."

"Ne vous embarrassez pas de titres inutiles, euh...Maria ? je vous assure que je ne me vexerai pas", rétorqua l'homme.

Maintenant que Maria le regardait, elle détailla son visage. Il était étrangement pale, il avait des yeux doux et vifs à la fois, avec un reflet jaune très étrange, presque surnaturel. Il avait des joues légèrement creuses et un sourire charmeur. A vrai dire il était très séduisant et dégageait un charisme presque oppressant. Il avait un aura particulier, assez gênant. Il était habillé d'une tunique sombre au reflets rouges et bordeaux de très bonne facture. Remarquant le regard de la jeune fille Enoch sourit, d'un sourire presque victorieux.

"Comptez vous me faire entrer dans votre atelier, douce Maria ?"

"Oh, oui bien sur pardonnez moi", bafouilla-t-elle, le regard hagard, "Attendez je vais vous ouvrir la porte !"

Enoch se recula et se dirigea vers la porte, fièrement. Il entendit le grincement d'un vieux loquet et vit la silhouette de Maria se dessiner. Elle était assez grande pour une femme, mais plus petite que lui. Elle portait une tenue ordinaire mais très bien brodée. Elle était assez fine, et très belle. Elle avait des yeux verts jade, très clairs. Elle avait un teint plutôt pale, qui indiquait qu'elle ne sortait pas beaucoup de son atelier. Ses longs cheveux châtains étaient très bouclés et lui arrivaient sans doute dans le bas du dos.

"Entrez, Monseigneur Enoch", s'exclama Maria

"Merci bien, damoiselle", répondit-il avec un sourire légèrement grivois.

C'était bien la première fois qu'on l'appelait « damoiselle ». Elle rougit et referma la porte derrière l'étrange homme. L'atelier était certes petit,mais très rempli. Sur les étagères les fils et les tissus de tout genre se côtoyaient dans un joyeux désordre. De nombreux vêtements jonchaient les tables, les bancs et les coffres. Enoch appréciait l'ambiance qui régnait dans cette pièce, ce qui fut très étrange pour lui qui détestait d'habitude l'architecture mortelle. Il prit une grande inspiration et ferma les yeux.

"Que puis-je pour vous Sieur Enoch ?" Demanda-t-elle, hésitante, voyant l'homme agir singulièrement.

L'homme ouvrit les yeux brusquement et plongea son regard dans celui de Maria, comme si il avait oublié sa présence. Il se reprit et lui répondit avec assurance :

"A dire vrai ma tunique commence à se faire vieille !"


-Fanart de DonkeyHoney (c'est moi tourbilol) -

[Aventures] La tentation du diableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant