9. Rencontre incongrue (partie 1)

136 11 8
                                    



Il était déjà tard, le soleil était couché et une pleine lune éclairait les rues vides. La maison dormait depuis un petit moment. Maria saisit sa cape de laine bleue cobalt et ouvrit sa fenêtre étriquée. Elle tint fermement la cape et passa ses jambes par la fenêtre en s'appuyant sur son ventre. Elle atteignit une poutre et y appuya la pointe de ses pieds. Les mains solidement accrochées aux rebord de la fenêtre elle sortit entièrement. Suivant la poutre de la pointe des pieds elle atteignit le toit du petit cabanon qui jouxtait la maison. Elle s'y arrêta et sauta gracieusement sur le sol. Il faisait assez froid pour une soirée de septembre. Elle enfila sa cape en prenant le soin de couvrir sa tête. Calmement elle avançait dans les rues désertes en direction de la rivière.

Elle essayait de ne penser à rien mais elle n'y arrivait pas. Il revenait toujours dans ses pensées, nuit et jour. Son cœur s'attendrissait, puis, en une fraction de seconde il devenait aussi dur que de la pierre et se remplissait de haine. Ses poings et sa gorge se serraient, Maria contenait des larmes et avait la vision trouble. Arrivée a la rivière elle s'arrêta, résolue. Elle fixa quelques secondes l'horizon puis s'agenouilla. Elle joignit ses mains et commença à psalmodier. Au fur et à mesure de sa prière des larmes coulaient le long de ses joues, son corps se recroquevillait, son cœur se remplissait de mépris. Elle ne contrôlait plus rien, elle n'avait d'ailleurs jamais rien contrôlée. Elle était maladivement obsédée par cet homme. Elle ne savait plus comment faire. Elle se tournait vers ses dieux impies, pensant que s'ils étaient si bon qu'on le disait ils l'aideraient. Mais rien, jamais rien ne se passait. Il ne quittait son esprit ni ne revenait. Chaque jour elle sombrait un peu plus vers la folie, elle le sentait, son esprit se déformait. Maria se laissa tomber sur le flanc en se recroquevillant encore plus. Ses larmes étaient incontrôlables et elle commença à trembler. De longues minutes passèrent avant qu'elle ne reprenne ses esprits.

La nuit était calme,quelques grillons se faisaient encore entendre. Le clapotis de l'eau était en quelques sorte apaisant. Maria roula sur le dos et fixa les étoiles de ses yeux humides, le cœur battant. Lentement elle se releva et se dépoussiéra. D'un revers de la manche elle essuya les larmes qui perlaient sur son visage et reparti vers chez elle.


Les rues dépeuplées furent envahies d'un bruit étrange, comme si le vent geignait. Le ciel se voilât, l'air devint oppressant. La lune blanche se colora d'une teinte rousse menaçante. Des cris lointains résonnaient indistinctement. Un portail jaune éblouissant se forma. Les chiens se mirent à aboyer et les volets à tambouriner. Une silhouette emmargea de ce tourbillon aveuglant. Ses lourds pas résonnèrent et une ombre immense se dessina sur les murs. Un claquement de doigt retenti et le portail disparu dans un bruit sourd. Enoch se tenait dans une ruelle étroite, il regarda à sa droite en s'attardant sur un volet entrouvert d'où il voyait un œil briller. D'un geste de la main il le claqua et entendit quelqu'un jurer. Il jeta un regard à gauche et ne remarqua qu'un puits entouré de quelques pommiers. Il réajusta son tabard, épousseta son épaule gauche et avança d'un pas assuré.


Elle errait dans les rues, le regard vide. Elle ne savait plus quoi faire. Si les dieux ne l'aidaient pas peut-être le diable le ferait-il ? Le désespoir et le doute la gagnait chaque seconde un peu plus. Ses pas devinrent peu a peu des foulées, qui devinrent à leur tour de grandes enjambées. Maria fuyait. Elle ne savait pas quoi, mais elle le fuyait. Elle ne pensait plus a lui, elle ne pensait qu'à courir.


Alerte, il entendit des pas se rapprocher rapidement. Il n'y avait pas que cliquetis, ce n'était donc pas la garde. « Aucune raison de s'inquiéter »pensa-t-il, « Sans doute un péteux ». Les pas semblaient se rapprocher dans sa direction, de plus en plus précipités.


Elle galopait, seule.Fuyant un désespoir qui s'obstinait à se cacher dans son ombre.Elle ne savait pas ou elle allait, l'avait-elle jamais su ? D'un œil trouble elle aperçu l'angle de la rue principale et s'y précipita.

Le choc fut particulièrement brutal. Enoch et Maria furent violemment projetés au sol. Maria était étendue sur le dos, elle sécha rapidement ses larmes avec le dos de sa main et se redressa lentement, sentant une douleur vive dans le bas du dos. Enoch lui était déjà debout entrain de se dépoussiérer. Il lâcha un juron et releva vivement la tête pour observer celui, qui, pour son plus grand malheur, l'avait poussé à terre. Dès que son regard se posa sur la jeune fille il laissa échapper un léger soupir. Il s'éclaircit la voix en plaquant le revers de sa main gauche contre son dos. Il tendit galamment sa main droite vers Maria en esquissant une légère révérence.

Avec difficulté Maria parvint à s'asseoir. Son dos craquait, elle fixait le sol, une expression de douleur sur le visage. En relevant la tête elle reconnu ses bottines de cuir sombre et son pantalon près du corps.Elle laissa tomber sa tête et sera la mâchoire. Elle prit une grande inspiration et se leva brusquement laissant échapper de son dos un craquement immonde. Ignorant la douleur elle se redressa,droite comme un i et fit face à Enoch.

[Aventures] La tentation du diableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant