Temp19te

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Le claquement de la portiere résonne dans le silence du jour qui s'éveille.

Il est tard.
Trop, peut-être.
Il est une heure où
la ville s'oublie quand
le jour se cherche.

Les falaises se détachent de la lumière de l'aube, magnifiques. Elles se dressent fierement au-dessus de la mer agitée.

Elle est glaciale, en ce mois d'hiver.

Comme la main de Louise.

Les crissements de pneus sur le chemin de terre battue fendent les non-dits.
Personne ne parle : tout a été dit.

Ce serait superflu de rajouter des paroles vaines.

Le taxi est reparti.
Elles sont seules.

Anne et Louise, plus les falaises.

Et le vide qui entoure Anne,
sans jamais la laisser.
Comme il s'accroche, ce sentiment de désespoir.
Comme elle est vaine, cette vie trop courte.
Comme elle est belle, Louise, dans la lumière du soleil.

Anne a encore du mal à croire qu'elle soit là, avec elle, loin de chez elle.

Ça comble le trou.
En partie.
L'autre, le gouffre restant, ne partira jamais.

Anne s'approche du bord.
Elle veut voir le soleil
de plus près et s'en brûler la rétine.

La main de Louise est toujours
dans la sienne et elle effleure sa peau de son pouce ; c'est si doux.

Anne sent, Anne sait, que Louise la regarde, mais elle ne dit rien.
Elle ne veut pas gacher le dernier moment qu'elles vont partager.
C'est égoïste ; et c'est comme ça qu'Anne se sent.

Détestable.
Hypocrite.
Laide.
Peureuse.
Lâche.
Inintéressante.
Laide.
Égocentrique.
Laide.
Laide.
Laide.
Laide.

À l'aide.

Sainte AnneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant