Chapitre I

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27 mai 1865

Je suis Wilhelmina. Wilhelmina Nicholson.

On m'avais prévenue et je n'y croyais pas. Mais pourtant c'était vrai. Aujourd'hui, on m'emmène vers cette île qu'on appelle l'île du Silence, vers cette île dont on ne reviens jamais, vers cette île où l'on enferme des malades mentaux. Des fous comme moi.

Jamais je n'aurai pensé que cette histoire me mènerai aussi loin. Je n'aurai pas même songé qu'on irai jusqu'à m'enfermer sur cette île. Le pire étant que je ne me sens pas folle. Mais n'est-ce après tout pas le propre des fous ? Dans ce cas, nous sommes nombreux à l'être.

Cependant, je suis être bien loin de l'image classique qu'on donne des fous. En aucun cas je ne parle seule, je ne chante seule, ou peut importe quel autre comportement pouvant être jugé comme étrange. La seule chose que certains pensent bizarre chez moi, c'est que j'écris. Oui, j'écris pour évacuer mes pensées et consigner ici même mes journées.

Mon emménagement sur cette île m'a même poussé à débuter un nouveau carnet. Et c'est ici, sur le bateau qui m'y emmène, que je le débute.

Je sais néanmoins une chose : ces côtes que je voit s'éloigner, les côtes anglaises, je ne les reverrai probablement jamais. Je suis condamnée à rester enfermée à jamais sur l'île du Silence avec ceux qui dans quelques heures deviendront officiellement mes semblables : les aliénés.

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Arrivée dans le hall immense de cet hôpital, on m'entraine vers le bureau du directeur, m'annonçant que je vais devoir passer un entretient.

J'entre. Cet homme est assez grand et barbu, je m'attendais à un être moins banal. Pour moi, l'homme qui dirigerai cet établissement serait un original puisqu'il lui plaît de s'intéresser aux fous.

- Wilhelmina Nicholson ?

- Oui, répondis-je.

- Asseyez-vous.

C'est un ordre. Sans doute les aliénés ne méritent pas les civilités communes. Faisant abstraction de cela, je m'assoie docilement sur la chaise face à son bureau. Il pose ses coudes sur la table et se penche vers moi comme s'il voulait se rapprocher.

- Savez-vous pour quelles raisons vous êtes ici ?

- Oui.

- Alors, expliquez-moi.

Immédiatement, je comprend qu'il s'agit d'un test pour savoir si je suis encore assez saine d'esprit pour connaître les raisons de mon internement.

- Il y a de cela quatre jours, j'ai poignardé mon mari, Peter Nicholson, et il en est mort, dis-je froidement.

Il semble satisfait. Il a maintenant la preuve que je sais parfaitement la raison de ma venue ici, et si et homme est un tant soit peu intelligent, il aura perçu le ton avec lequel ma phrase a claqué, un ton froid, ce ton qui signifie l'absence de remords, qui signifie que je ne regrette rien.

- Pour quelles raisons l'avez-vous tué ?

- Pourquoi devrai-je me donner la peine de vous répondre, monsieur ? attaquais-je. N'avez-vous donc pas en votre possession un complet dossier me concernant ?

Surpris par ma réponse, il se cale dans le fond de son fauteuil et me dit :

- Vous pouvez sortir. Attendez devant  la porte, l'on viendra vous chercher.

Paisiblement, je me lève, lisse les plis de ma robe et sors la tête haute. Après avoir refermé la porte derrière moi, je l'entend appeler " Infirmière ! Il semblerait que la patiente 147WN ne soit pas aussi dangereuse que nous le pensions. Elle n'aura pas besoin d'une cellule particulière. Mettez là avec la patiente 073GS.".

L'île du SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant