Chapitre XII

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17 juin 1865

Chers Charity et John Stephenson,

Après la bonté dont vous avez fait preuve à mon égard, il serait bien ingrat de ne pas vous faire part de la vérité.

Je ne compte plus les choses que vous avez faites pour moi : vous m'avez logée, nourrie, vêtue, vous m'avez fait prendre part à vos activités comme si je faisais partie de votre famille et vous avez payé mon billet de train pour que je puisse regagner Londres. Et pourtant, vous n'avez jamais su qui j'étais vraiment. Je vous ait délibérément menti et je suis bien incapable, malgré cela, de le regretter.

Je vous ait dit que je me nommais Lydia Lyndon. Il n'en est rien. Je suis en vérité Wilhelmina Nicholson. Pourquoi ai-je menti sur mon identité me direz-vous ? C'est bien simple : je suis une criminelle. J'ai été internée dans l'asile se trouvant sur une île non loin de Stiffkey. Vous devez sans doute la connaître, on la surnomme"l'île du Silence" dans la région.

La raison pour laquelle j'ai été internée va sans doute vous effrayer, surtout vous Charity qui êtes d'une si douce et délicate nature : j'ai tué mon mari. Dans un souci de bienséance, je vous fait grâce des détails. Suite à cet acte, j'ai été arrêtée par la police, je n'ai pas nié les faits. Cependant, on m'a fait rencontrer un médecin qui a décrété que j'avais agis sous le coup de la folie. J'ai donc été enfermée dans cet hôpital. La bas, avec une camarade, nous avons voulu nous échapper. Il n'existait aucun moyen de sortir. Nous en avons néanmoins découvert un : pour faire diversion, j'ai du tuer la jeune femme qui partageait une cellule avec moi. Nous avons ensuite rejoint la côte à la nage. J'ai marché jusqu'à Stiffkey où je suis rentrée dans l'église sachant qu'on m'y porterai sûrement secours. Et j'avais raison.

En aucun cas je ne suis la jeune fille aimable qui était partie à l'enterrement de sa tante décédée dans la région comme je vous l'ait dit. Quand j'arriverai à Londres, je posterai cette lettre et vous la recevrez dans les jours qui suivrons. Vous saurez alors toute la vérité et vous n'aurez plus la même opinion de moi.

John, vous qui êtes pasteur, priez pour le repos de mon âme malgré mes fautes. Priez qu'on me pardonne.

Charity, vous avez été si bonne avec moi, jamais je n'aurai pensé trouver une amie là où j'irai. Pardonnez-moi de vous avoir menti.

Sincèrement,

Wilhelmina Nicholson.

Je me redresse et appuie mon dos contre le dossier en bois dur du train. Je plie la lettre que je viens de terminer et la met dans une enveloppe. Depuis que je suis dans ce train, j'ai écrit une dizaine de lettres afin de dire toute la vérité aux Stephenson. Une par une, je les aient arrachées, aucune ne me plaisant.

Ne plus leur mentir peut paraître idiot et inutile car après tout, je ne les reverrai jamais. Mais je leur devais au moins cela après tout ce qu'ils ont accompli pour moi. Pendant plusieurs semaines, j'ai eu l'impression d'avoir trouvé une famille dans laquelle je me plaisais. Si j'avais toujours vécu dans cet environnement heureux, je ne serai sans doute jamais devenu ce que je suis aujourd'hui.

Nous n'allons pas tarder à arriver à Londres, je reconnais ce paysage familier. Les nuits qui ont précédés mon départ de Stiffkey, j'ai eu peur d'être reconnue quand je retournerai à Londres. J'ai été bien sotte, Londres est une si grande ville qu'il me serai difficile de croiser une personne que je connais.

Le train ralentit de plus en plus, le bruit des freins qui crissent sur les rails se fait entendre. Je me lève et retire le sac de voyage que m'a donné Charity du porte bagage. Je glisse la lettre que j'ai écrite dans ma poche de manteau. Encore un cadeau de Charity. Je ne crois pas que dans ma vie une personne ait été aussi gentille qu'elle avec moi. En plus des deux robes, du manteau, du sac, de la paire de chaussures et du chapeau qu'elle m'a offert, elle m'a montré une grande amitié et c'est le plus beau cadeau qu'on m'ait jamais fait.

Je me dirige vers la sortie du train, pose mon pieds sur la marche, descend et me retrouve embarquée dans la cohue de la gare londonienne. Je suis sans réfléchir la masse de gens, elle se dirige sans doute vers la sortie. Malgré moi, je jette des regards aux alentours, redoutant de voir une connaissance. Que ce passerait-il si ma mère était à la gare précisément aujourd'hui ? Après tout, elle fait souvent des voyages en trains...

- Wilhelmina ? Que faites-vous là ?

Je me fige, mon sang se glace. Après quelques secondes de réflexion, je me décide enfin et me retourne. Immédiatement, je me détend.

- Levi ! Quelle excellente surprise, je ne m'attendais pas à vous voir ici, m'exclamais-je en adoptant mon ton le plus mondain.

Levi Gardiner est un vieil ami. Avant que je ne me marie, il faisait parti de mes soupirants.

- Je dois dire que c'est réellement une surprise de vous rencontrer ! Après le terrible accident de ce cher Peter, votre mère m'avait prévenu que vous partiez vous installer à la campagne, ajouta-t-il.

Chère maman. La réputation de la famille avant tout. Je ne suis qu'à peine étonnée qu'elle ait caché au public la vraie nature de la mort de mon mari. Si toutes nos relations avaient été mises au courant que sa fille avait assassiné son mari, sa réputation aurait été ruinée. Elle a préféré étouffer un scandale par un beau mensonge, comme elle le fait souvent.

- Je suis en effet partie à la campagne, mais c'était temporaire. Le temps d'aller mieux et de me remettre de la mort de mon mari, répondis-je.

- Votre mère n'a pas mentionné votre retour, dit-il suspicieusement.

- C'est parfaitement normal, elle n'est pas au courant. Je compte lui en faire la surprise, ajoutais-je.

Devant l'air peu convaincue de Levi, je poursuit :

- Voyons Levi, n'êtes vous pas heureux de me voir ?

Ma mine faussement attristée eu un effet immédiat sur lui.

- Bien sûr que je suis content de vous revoir Wilhelmina, s'empressât-il de répondre. Mais votre retour est une telle surprise...

- Il l'est pour tout le monde, coupais-je. Mais au fait, comment allez-vous ?

- Très bien, répondit-il surpris par le changement soudain de sujet.

Nous arrivons à la sortie de la gare, je m'apprête à partir de mon côté mais Levi me retient.

- Voulez-vous que je vous amène quelque part Wilhelmina ?

- Oh... hésitais-je, c'est que... Je ne sais où aller ! Voyez vous je voulais faire la surprise de mon retour pour l'anniversaire de ma mère dans deux jours, alors je ne peux guère rentrer chez moi.

Je lui adressais un sourire angélique pour lui faire avaler mon mensonge.

- Aucun soucis, venez donc chez moi, répondit-il.

- Oh Levi, vous êtes adorable, mais êtes-vous sûr que je ne vous dérangerai pas ?

- Sottise, ça me fera au contraire grand plaisir d'avoir un peu de compagnie. Ma maison est si vide que la solitude est devenue ma plus fidèle compagne.

En guise d'accord, je sourit aimablement. Intérieurement, le rôle que je joue me fait horreur. C'est la Wilhelmina que j'ai joué pendant dans années. La jeune femme d'apparence sotte et mondaine et dont la fonction principale est la décoration. Malheureusement, nécessité oblige, je dois me servir des seules cartes que j'ai encore en main. A savoir une réputation miraculeusement intacte, des relations et une capacité innée pour le mensonge.

Je laissais donc Levi m'ouvrir la porte de la calèche et pris sa main pour me hisser à l'intérieur. Il monte à son tour, ferme la portière et ordonne au cocher de démarrer.





Bonjour, bonsoir !

J'avoue que je suis contente d'avoir eu le temps de publier aujourd'hui. C'est quelque peu inespéré !

J'espère que vous avez aimé ce nouveau chapitre (si je ne me trompe pas c'est le plus long de tout ce roman).

Et à bientôt pour le chapitre suivant !

Raven.

PS : j'aimerai encore remercier les personnes qui votent, lisent et commentent cette histoire. Vous vous reconnaitrez sans doute et franchement, merci à vous !



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