Chapitre XIX

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AVERTISSEMENT : Ce chapitre comporte des scènes de violences explicites.


25 décembre 1865


Des mois maintenant que je suis ici, des mois que je tourne en rond. Des mois que je suis seule dans ma cellule.

Aujourd'hui sera la fin. La toute fin.

Pour la journée de Noël, l'infirmière m'entraine vers la salle de détente des pensionnaires. Là où notre génial plan sera mis à exécution.

Arrivée dans la grande pièce vitrée, décorée d'un sapin pour l'occasion, je me dirige automatiquement vers le sofa où je m'assois invariablement. Je me laisse mollement tomber sur les coussins et la jeune femme assise comme chaque jour près de moi soupire.

- Prête ? demandais-je.

- Bien sûr, répondit Katya.

Trois semaines après mon retour ici, j'ai retrouvé Katya. Rattrapée par la police après sa sanglante vengeance, elle a été forcée de revenir également ici.

Fatiguée de cette vie, fatiguée d'être constamment enfermée, nous avons décidé d'en finir avec tout cela, peut importe ce que cela pourra nous coûter. Il ne pourrons de toute manière rien faire contre nous, tout a été planifié au millimètre.

Katya se lève et se dirige vers le point de la pièce le plus éloigné des infirmières. Celles ci nous regardent suspicieusement. Pour justifier notre déplacement, Katya fait mine de me montrer quelque chose au loin dehors. Je souris, comme si de rien n'était et déjà l'infirmière reporte son regard ailleurs.

Katya plonge alors sa main dans sa blouse, la retire doucement et j'aperçoit une lame briller. Je fais de même et sors le couteau de j'ai discrètement pris ce matin au petit déjeuner.

J'inspire profondément, remplissant mes poumons d'air encore une fois.

- A trois ? demande-t-elle.

Je hoche la tête pour toute réponse. Le compte à rebours est lancé :

- Trois, deux, un... Maintenant !

Sans plus réfléchir à mes actes, je dégaine le couteau et le plante brutalement dans le ventre de Katya. De son côté, elle m'enfonce le sien en pleine poitrine.

Un liquide chaud coule sur moi, ma chemise blanche immaculée rougit soudainement. Katya descends encore le couteau, je sens ma chair se déchirer.

Elle me lâche et s'effondre. Une large tâche vermeille s'étend sur tout son ventre, elle est ainsi plus belle qu'elle ne l'a jamais été.

Je redresse la tête et me rend alors compte que la panique s'est emparé des infirmières et des autres pensionnaires présents. Chacun court de son côté, un joyeux bazar se crée. La priorité des surveillantes est de calmer tout le monde. Exactement comme nous l'avion prévu. Elles ne chercheront pas à nous sauver, un jour ou l'autre, nous serions mortes ici. Au contraire, notre mort sera sans doute la bienvenue, nous allons libérer de la place pour de nouveaux aliénés.

Ma tête me tourne de plus en plus. Portant une main à ma poitrine, je saisis le manche du couteau et l'enfonce encore plus profondément. Suite à ce dernier effort, je me laisse glisser contre le mur pour atteindre le sol.

Katya ne bouge plus, elle ne semble même plus respirer. Elle est partie la première.

Moi, j'attends avec impatience que mon tour vienne, je veux que cette douleur que je m'inflige soit salvatrice. Je veux partir, je n'en peux plus.

Dans un dernier éclair de lucidité, je repense à Levi. J'aimerai tant savoir ce qu'il va penser en apprenant mon décès. Vas-t-on lui expliquer les causes ?

D'ailleurs, où serai-je enterrée ? Mon estomac se noue : pas ici. Pitié, pas ici. Laissez-moi partir en paix, ne me mettez pas en terre sur cette île infernale que j'ai tant voulu quitter.

Ma vue commence à se brouiller. Je ne distingue qu'une vague forme se ruer vers moi, mais j'entend encore nettement sa voix :

- 147WN ? WILHELMINA ? M'ENTENDEZ-VOUS ?

C'est le médecin. Toujours ce même homme. Celui que j'ai tant détesté parce qu'il voulait m'aider, mais qu'au fond j'appréciait quand même un peu car il me transmettait les lettres de Levi. Depuis des mois, il a été mon seul lien avec l'extérieur. Je ne l'en ait jamais remercié en face, mais ma mort prochaine sera mon remerciement : je l'ai trop souvent énervé avec mes remarques, il sera maintenant débarrassé de moi.

Je ne sens plus ses mains sur moi, il s'est sans doute écarté. A bout de force et sentant que la fin est enfin proche, je ferme les yeux.

Toujours on m'a raconté que lorsqu'une personne meurt, elle voit un tunnel avec de la lumière. Mes yeux sont clos et pourtant je ne vois rien. Peut-être est-ce parce que je ne suis pas encore tout à fait morte. Il ne faut encore attendre. Or, cette attente et la plus longue et la plus interminable de toute ma vie. Jamais je n'ai connu pareille impatience. Même le jour de Noël, enfant, je supportait mieux de devoir attendre pour ouvrir mes cadeaux. Aujourd'hui, j'ai finit de supporter. Enfin.

D'ailleurs, nous sommes le jour de Noël. J'ai toujours assez aimé Noël, mais je ne voulais pas avoir à en vivre un ici. Mourir aujourd'hui sera mon cadeau. Et quel cadeau ! Un splendide cadeau ! La délivrance, enfin.

Ma respiration est de plus en plus difficile, je ne cherche pas à survivre, bien au contraire, je me laisse paisiblement mourir.

J'inspire une dernière fois, ma respiration se bloque. Mes poumons se vident du peu d'air qui leur restait, mon cœur s'arrête de battre après quelque secondes, et c'est ainsi que je plonge dans un sommeil éternel.

Libérée, je peux enfin être qui je suis vraiment et ce pour l'éternité.






Bonjour, bonsoir !

Voilà, vous vous en êtes sûrement rendu compte, la fiction touche à sa fin (j'aurai finalement réussi à la terminer pour Noël, comme je le voulais).

Il me reste cependant un chapitre à publier, ainsi que les remerciements dans le chapitre suivant (ou je dévoilerai aussi le résumé de mon nouveau roman).

Vous l'avez peut-être remarqué, mais ce chapitre est un peu plus court que les précédent. J'espère que ça ne vous dérange pas trop. Le vingtième et dernier chapitre sera également un chapitre plus court, mais j'espère néanmoins qu'il vous plaira.

A bientôt,

Raven.

L'île du SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant