Un peu en retard, mais voilà pour ce jeudi ! Cette fois ci, c'est un texte avec des personnages et des lieux totalement inédits que je vous fais découvrir. Ces deux (trois?) nouveaux bébés risquent bien d'avoir une histoire rien que pour eux, voila une bonne occasion d'avoir quelques informations exclusives~
Il faisait une chaleur à mourir hors de la tente. Et dans la tente aussi, d'ailleurs. Morgan Skare s'en fit la réflexion après s'être épongé le front une nouvelle fois. Il avait bien perdu une dizaine de kilos depuis le début de son expédition, et le tissu trop grand de sa chemise ne servait guère plus qu'à empêcher son visage de se liquéfier plutôt qu'à couvrir son embonpoint à présent inexistant.
Voilà plusieurs mois qu'il était partit sur les routes, accompagné de son second, avec la conviction folle qu'il existait d'autres peuples en dehors de leur pays d'origine, l'Altanie. Après de longues années à préparer l'itinéraire le plus sûr pour quitter leur contrée, le chercheur frôlant la cinquantaine et son apprenti tout juste majeur avaient pris la route, un beau matin d'été.
Et le problème était justement là. L'été. Ils étaient partis en été, comme deux bons novices, et plein Sud qui plus est. Autant dire que passé les cinq-cents kilomètres de voyages, non seulement ils avaient arrêté de les compter, mais ils avaient également prit conscience de leur erreur. Ici, sur ces terres inconnues, il faisait beaucoup plus chaud que dans leur cher pays au climat tempéré. Le vieux thermomètre de Morgan atteignait sans peine les 35°c, et le soleil de plomb ne semblait pas prompt à perdre de son éclat.
Ces conditions météorologiques parfaites pour des vacances à la plage rendaient leur expédition bien difficile, et ils avaient finit par monter leur campement sous les arbres immenses d'une forêt sans fin, appréciant avec délice l'ombre et la fraicheur qu'ils apportaient. Si le soleil ne tapait plus aussi fort sous les branches, la température se gardait bien de descendre trop bas, et rendait las l'explorateur.
Cela faisait plusieurs jours qu'ils campaient ici, incapables de reprendre la route sous ce soleil, et Morgan en profitait pour mettre à jour son carnet de voyage et ses notes sur ses récentes découvertes. Ils n'avaient pour l'instant croisés aucun autre individu, où « autochtone » comme il aimait les appeler, mais les yeux experts de son second, beaucoup plus à l'aise sur le terrain que lui, avaient repéré quelques empreintes de loups ici et là.
Le jeune homme était persuadé qu'une meute vivait non loin d'ici et, malgré la chaleur étouffante, s'était mit en tête de la trouver. Morgan s'étonnait toujours de le voir sauter de son lit chaque matin, et disparaître avec entrain entre les arbres pour ne revenir qu'à la tombée de la nuit, éreinté et bredouille. Mais il repartait toujours avec une vivacité et un esprit positif au matin suivant, persuadé que cette fois-ci, il parviendrait à faire une découverte incroyable.
Habitué à cette routine, Morgan ne s'en souciait plus, et s'amusait même de cette idée fixe qui habitait son cadet. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, à seulement quatre heure de l'après midi, il vit la silhouette maigre et débraillée du dit cadet passer par l'entrebâillement de leur tente. Le jeune homme était en nage, haletait même, et prit appui sur le bord du bureau pliable du chercheur pour reprendre son souffle.
Sa chemise collait à sa peau, transparente par endroit tant elle était humide, et il en était de même pour son short en toile. Sous l'œil curieux de son tuteur, Salim Naver, puisque c'était son nom, releva un visage rayonnant de joie vers lui et déclara d'un ton fier :
- Morgan, vous n'allez pas me croire !
- Vraiment ? releva le chercheur avec amusement. Laisse-moi deviné, tu as fini par trouver ta meute de loup ?
- Oh, non, non pas du tout, j'ai trouvé bien mieux que cela !- Eh bien, raconte-moi, qu'est-ce que tu attends ?
- Voilà, en fait, je suivais la même piste qu'hier quand soudain, j'ai perçu un bruit d'eau au loin. D'abord cela m'a étonné parce que hier justement, je ne l'avais pas entendu et...
- Salim. le reprit gentiment l'ainé. Clair et concis, tu te rappelles ?
- Oh oui, pardon. s'empressa de s'excuser le jeune homme, avant de se perdre encore plus dans ses explications. Alors... du coup... euuh... en fait, j'ai trouvé une cascade d'eau et... il faudrait que je vous montre, je suis sûr que cela va vous plaire !
- Très bien, allons donc voir ce que cette cascade à de si particulier pour te mettre dans un état d'euphorie pareil.
- Oh, la cascade est très jolie, mais c'est plutôt ce qui se trouve à l'intérieur qui est intéressant..Et sur cette phrase pleine de mystère, Salim tourna le dos au chercheur et farfouilla dans une vieille valise en cuir au pied de son lit. Il en tira un étui d'appareil photo qu'il passa délicatement à son cou, et rejoint son ainé qui l'attendait à l'entrée de leur tente. Avec son enthousiasme habituel, Salim le guida jusqu'à sa trouvaille, plus fier qu'un paon.
Morgan devait bien admettre que cette cascade était relativement jolie, l'eau claire ayant taillé la roche au fil des siècles pour creuser un profond lac bordé de sol-pleureurs et de roseaux. Jaillissant avec force d'un creux dans la roche, à quelques mettre de hauteur au dessus du lac, l'eau douce recouvrait une grande partie de l'étendue, dissimulant sans aucun doute une ou plusieurs grottes dans la paroi de pierre.
Morgan prit un instant pour s'agenouiller, et plonger ses mains dans ce lac pour se rafraichir le visage. Quelque chose attira son attention, alors qu'il se relevait et époussetait son pantalon. Salim ne parlait plus, et se tenait même bien droit, le regard fixé devant lui, pour une fois sans gigoter. Le jeune homme porta son index à ses lèvres, intimant le silence au chercheur, pour lui faire ensuite signe de le suivre.
A pas de velours, il contourna un arbre et se glissa derrière les rares rochers qui bordaient le lac. Morgan se tapit avec lui dans cette cachette de fortune, et jeta un regard par-dessus les roches. D'ici, on pouvait voir une partie du plan d'eau normalement dissimulée par la cascade, et comme il l'avait deviné, une petite grotte s'ouvrait à la base de la paroi rocheuse.
Si cette découverte fut sans étonnement, c'est avec une surprise et une joie immense qu'il remarqua la jeune femme qui se baignait là, à l'abri de presque tous les regards. Ses longs cheveux roux ondulaient à la surface de l'eau, et ses yeux clos pouvaient laisser croire qu'elle s'était endormie.
Mais il n'en était rien, et d'un mouvement las, elle laissa le bout de sa nageoire remonter à la surface pour replonger doucement, déviant sa trajectoire avec lenteur. Une sirène. Il s'agissait d'une sirène. Émerveillé, incrédule, le chercheur en restait bouche bée. Des sirènes. Elles étaient donc bien réelles, ces êtres mystérieux dont on ne parlait presque plus dans les légendes, vestiges d'un âge oublié où différents peuples du monde auraient cohabités ensembles et qui avaient baignés son enfant d'envie d'aventure.
Après des années de recherche, après même une vie entière passé à défendre l'existence de ces créatures autres qu'humaines sans jamais avoir aucune certitude exacte, lui, Morgan Skare, découvrait enfin qu'il avait toujours eu raison.
Mais au-delà de la fierté d'être dans le vrai, c'est le bonheur de voir son rêve d'enfant, celui là même qui l'avait lancé dans cette longue voie de recherche, se réaliser enfin, qui surpassait toutes ses autres émotions. L'homme était submergé par le bonheur. Et ce n'est pas la jeune sirène que Salim prit en photo avec son petit appareil, mais le visage rayonnant de joie de son ainé, plus rayonnant encore que le soleil de cet interminable été.
End(less)
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Impr'Octobre
AcakSur une idée original de @MelesBadger. Un dérivé du Ink'October où les artistes présentent un dessin par jour, voici un exercice adapté aux écrivains avec un défi de produire un texte de minimum 500 mots par jour. Les thèmes pour l'inspiration sont...