Chapitre II

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RDV.

Elle se laissa tomber sur le canapé comme prise d'un soudain malaise. Comment avait-elle pu oublier ces trois derniers mois ? Serait-il possible qu'elle soit devenue amnésique sans s'en apercevoir ? Si c'était le cas, quelqu'un, Chiara ou le Docteur Barri se serait douté d'un changement. Au lieu de cela elle avait vécu machinalement.

Le calme feint de la journée se changeait peu à peu en une véritable panique qui lui donna l'impression d'être absorbée par un gigantesque tourbillon d'émotions ainsi qu'une sensation de gêne au fond de son être.

Elle se dirigea vers la salle de bain où trônait un grand miroir au-dessus de sa vasque et se déshabilla fébrilement en se jaugeant d'un regard noir. Elle était pâle, d'avantage que d'ordinaire, ses cheveux blonds étaient ternes et ses yeux d'un bleu d'ordinaire brillants étaient ternes et éteints.

Une fois nue, elle s'observa quelques secondes puis s'ausculta en espérant presque trouver une marque, une cicatrice, ou tout autre signe qui aurait pu prouver qu'elle avait subi un traumatisme expliquant son amnésie. Elle fouilla son crâne, ses bras, son dos, ses jambes jusqu'à son entre-jambe et n'y trouva rien d'anormal. Seules de vieilles cicatrices qu'elle connaissait bien formaient de temps à autre quelques reliefs sur sa peau lisse.

Soudain, elle songea à la maladie. Elle avait déjà entendu dire que certains cancers du cerveau étaient décelés par des troubles d'ordre neurologiques. Son sang ne fit qu'un tour. Elle chassa cette idée pour se rassurer, mais elle avait beau s'observer attentivement dans son miroir, elle sentait qu'un changement avait eu lieu en elle. Un changement invisible mais perceptible.

Vingt-trois heures. Elle avait pensé à ce fameux rendez-vous toute la soirée, prostrée sur son canapé. Elle n'aurait su l'expliquer mais elle était intimement persuadée que cet événement était lié. La question était de savoir avec qui avait-elle eu rendez-vous et comment celui-ci s'était déroulé. Avait-elle été droguée ?

Elle n'était pas du genre à faire beaucoup de rencontres, son cercle d'ami étant si précaire puisqu'il se limitait à une seule personne, Chiara. Chiara quant à elle, connaissait beaucoup de monde et sortait très souvent, mais ne proposait jamais à la jeune femme de l'accompagner. Victoria savait que Chiara était égocentrique et orgueilleuse, elle aimait être au centre de l'attention et ne supporterait pas qu'un dixième de celle-ci soit détourné par une nouvelle venue, aussi banale et fade soit-elle. Néanmoins, elle ne doutait pas de l'affection que Chiara lui portait, cette dernière aimait venir la voir ou prendre un café avec elle en bord de mer et lui raconter ses histoires de cœur. Elle avait toujours quelque chose à dire, toujours une nouvelle histoire, une nouvelle aventure. Victoria aimait l'écouter parler, elle avait l'impression de vivre, à travers ses histoires, une vie qu'elle n'osait à peine rêver.

En réalité, Chiara s'aimait d'avantages à travers Victoria qu'auprès de quiconque.

Victoria le savait et l'acceptait. Elle qui n'avait pas grand-chose à dire, qui menait une vie routinière et solitaire qui, somme toute, devait paraitre bien ennuyeuse aux yeux des gens normaux, avait tout de même de la chance de ne pas être seule. Ayant connu la solitude toute son enfance, elle était de ceux qui considéraient cet état de fait comme la pire chose qui puisse être. Au moins la compagnie de Chiara faisait rayonner ses journées, sa présence emplissait chaque endroit dans lesquels elles se trouvaient et lorsqu'elles étaient ensemble, Victoria ressentait un immense soulagement, pouvant s'apparenter à de la joie. Au final, cette amitié résultait d'une dépendance mutuelle, Victoria en était consciente et le fait que Chiara dépende d'elle pour donner du sens à son existence lui donnait une once d'autosatisfaction.

Celui qui toujours nieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant