Chapitre III

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Elle passa sa nuit à ressasser ce que lui avait dit Chiara. Elle avait ouvert son agenda et avait remarqué que le rendez-vous avec Ernest était prévu pour vingt heure trente. Elle tenta de refaire le film de la soirée dans sa tête, mais à part le scénario de base, il lui manquait beaucoup trop de détails. Où avaient-ils rendez-vous ? Comment en étaient-ils venus à prendre ce rendez-vous ? Comment s'était-elle sentie en s'apercevant qu'Ernest ne viendrait pas ? Elle fouilla dans son téléphone et n'y trouve nulle part le numéro du jeune homme. Elle trouva cela étrange mais après mûre réflexion, Chiara avait dû servir d'intermédiaire, puisqu'elle aimait avant toute chose être au centre de tout.

Déprimée, elle prit la décision de ne pas se rendre à son travail et attendit la première heure pour prévenir le Docteur Barri. Ce dernier eut l'air surpris, mais surtout agacé, comme il l'était à chaque fois qu'une situation lui échappait.

Elle passa sa journée à tourner en rond, à pleurer et à regarder le plafond depuis sa baignoire. Le plus étrange n'était pas son amnésie mais d'avantage le fait qu'elle ait pu mettre autant de temps à s'apercevoir de sa situation.

Elle se précipita sur son ordinateur portable et chercha sur le moteur de recherche tout ce qu'elle pouvait trouver sur l'amnésie. Elle trouva des informations intéressantes sur l'amnésie ante-rétrograde qui, suite à un événement traumatique, court-circuitait la mémoire à court terme et rendait impossible la création de nouveaux souvenirs. Mais rien n'expliquait le fait qu'elle ait pris conscience de cet état soudainement, comme si elle s'éveillait d'un long sommeil, et que personne de son entourage n'ait remarqué un quelconque changement de sa part.

Après plusieurs heures de recherches acharnées et tandis que l'astre lunaire était déjà haut dans le ciel, elle s'aperçu que cela faisait deux jours qu'elle n'avait rien mangé. Son ventre creux criait famine et cela lui donna le courage de se lever du canapé pour aller fouiller ses placards. Dans son frigo, il y avait des restes dans une boite en plastique rouge, des légumes baignant dans une sauce. Elle huma le tout et décida que cela ferait largement l'affaire. Elle fit réchauffer son plat au micro-onde et s'installa sur le canapé pour manger.

La première bouchée fut atroce, le goût infecte fut assimilé par son cerveau comme de la putréfaction.

Elle recracha tout dans son assiette, avant de courir jusqu'à sa salle de bain où elle se rinça la bouche à grandes eaux. Le souvenir du goût la fit frissonner de dégoût. Elle songea que finalement cette boite devait être dans son frigo depuis bien trop longtemps. Abattue, elle se résigna à sortir chercher à manger, quelque chose de rapide de préférence. Par chance, il y avait un turc en bas de sa rue qui avait ouvert une sandwicherie récemment. Ce serait l'occasion d'y aller. Elle s'habilla en vitesse et sortie de chez elle au moment où l'aspirateur se mit à résonner dans tous l'immeuble et que le bébé de sa voisine se mit à hurler.

Il lui fallut seulement cinq minutes de marches pour arriver au snack minuscule où l'odeur de viande et d'huile saturée embaumait la rue. Elle regarda attentivement la carte et se décida pour un steak-haché-frites afin de ne pas avoir de mauvaise surprise gustative. L'homme qui se tenait derrière le comptoir devait être âgé d'une quarantaine d'années et ne la regardait pas. Elle lui dit "Bonsoir", mais ce dernier, après l'avoir dévisagée ne lui répondit point. Mal à l'aise, elle détourna les yeux et décida de faire mine de rien.

" Je voudrais un steak-frites s'il vous plait..." Dit-elle comme si sa vie en dépendait.

L'homme la dévisageait encore, il avait l'air légèrement attardé. Son collègue arriva à son secours et prit la situation en mains.

" Salade tomate oignon ?" Demanda l'homme dans un français approximatif.

- Oui. Cette fois elle répondit sèchement.

- Sauce mayonnaise ?

- Oui! S'impatientait-elle.

Le premier homme la regardait fixement. Il baragouina dans sa barbe quelques mots en turc puis tapa l'épaule de son collègue et lui dit quelques mots à l'oreille tout en jetant quelques regards furtifs dans la direction de la jeune femme. Encore une fois, et comme d'habitude dans ce genre de situation, elle se fit petite et se recroquevilla sur elle-même.

Elle récupéra son sandwich, paya et se dépêcha de se dérober aux regards hostiles des deux turcs. Elle pressa le pas jusqu'à chez elle, l'odeur de son sandwich était plus qu'appétissante et la faisait saliver. Lorsqu'elle pénétra dans son appartement. Elle envoya balader son sac à main et s'installa enfin sur son canapé où elle déchira le papier qui enroulait son sandwich. Elle enchaîna quelques bouchées dans le but de se remplir l'estomac le plus rapidement possible, essayant de le faire taire par tous les moyens mais elle s'arrêta net. Le goût était effroyable. Pire, il était identique que son précédent repas. 

Celui qui toujours nieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant