III - Châtiment - 2

94 12 0
                                    

Letrajet se passa sans encombre. Les cavaliers chevauchaient à vitesseconstante, sans fatiguer leurs montures. L'expérience leur avaitappris qu'il fallait les ménager.

Sixjours plus tard, ils atteignirent leur première étape : Soli.Ils firent halte dans sa seule auberge, poétiquement nommée« Solitudini viatori ». A Mundo Daemonia, les endroitsles plus perdus étaient au maximum séparés par six jours decheval. Ici, personne ne voulait prendre le risque de croiser unIncube pris de folie.

Ceuxd'Aurelio étaient d'ailleurs ravis. Après avoir passé sixjours à dormir à la belle étoile, ils avaient hâte de partager unbon lit avec un amant ou une maîtresse toute fraîche. Durant cestrajets, Aurelio se fermait aux fornications nocturnes et à sescamarades. Tant qu'on le laissait tranquille, il s'en fichait.D'autant plus que c'était une question de sécurité. Mais tousn'aimaient pas les daemons, et ceux qui ne juraient que par lesdaemones étaient bien contents de voir arriver l'étape.

Ilsgardèrent un semblant de cohérence le temps pour Aurelio et Lucianod'aller prendre des chambres à l'auberge et de donner des ordrespour qu'on s'occupe des chevaux et des repas. Dès que leur chefleur fit comprendre qu'ils avaient quartier libre, les Incubess'égaillèrent dans la rue en direction des bars à Incubes. Il yen avait toujours dans ces étapes, remplis de daemons et de daemonesqui n'attendaient qu'une chose : l'arrivée des Incubesaux limites de leur résistance pour profiter d'eux tant qu'ilsle pouvaient. Aurelio était incapable de dire si c'était lavérité, mais il savait que la rumeur courait que les Incubesn'étaient jamais de meilleurs amants que lorsqu'ils étaientpresque fous.

Lucianolui tapa sur l'épaule et désigna le bar le plus proche d'uncoup de menton :

-Tudevrais y aller aussi.

-Jen'en ai pas envie.

-Nesoit pas idiot. Tu nous mettras tous en danger si tu n'y vas pas.La prochaine étape est à six jours d'ici. Tu perdras le contrôlebien avant qu'on y arrive. Ce n'est pas comme si ta petiteExorciste ne s'attendait pas à ce que tu la trompe.

Ilavait raison, bien sûr, ce qui n'empêchait pas Aurelio d'avoirmauvaise conscience à l'idée d'être contraint de toucher une autredaemone que Léa.

-J'irai,promis-t-il à contrecœur. Mais pas maintenant.

Iln'était pas aussi proche de la folie que les autres, il étaitdonc moins pressé qu'eux de repartir à zéro.

-Siça ne te dérange pas, je vais y aller, moi.

-Nete gêne pas pour moi.

Restéseul, Aurelio alla s'étendre sur son lit, à l'auberge. Le moisqu'il avait passé à Manerium Sceletus lui avait fait oublierl'inconfort des nuits à la belle étoile. Il était plus quecontent de pouvoir s'étendre sur un lit bien rembourré.

Avanttout, par précaution, il avait placé son attrape-rêve au-dessus dulit. L'observant d'un œil morne, il constata qu'il allaitbientôt devoir le changer. Les plumes qui le garnissaient étaientternes, les cordes semblaient usées. Il arrivait en fin de vie, etil était hors de question pour Aurelio de laisser les Marcheursaccéder à son esprit.

Ilferma les yeux. Il avait besoin de repos. Lorsqu'il seréveillerait, il irait au bar à Incube. Il décevrait sa ou sespartenaires par son manque d'entrain et son absence de folie, maislui donnerais le plaisir qu'elle s'attendrait à avoir. Ilreviendrait ici et dormirais à nouveau. Puis, ils repartiraient etferaient une nouvelle étape avant d'arriver enfin, deux jours plustard, à Urbs Aurum.

Sonprojet bien établi, il se déshabilla, se glissa dans les draps etsombra dans le sommeil.

*

La trahison de l'Incube (Murmures de pixies 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant