Pourquoi ? [FINI]

VI

Quand j'arrive dans la clairière, maintenant devenue si familière, accueillante, je remarque, à terre, un dessin. Ce n'est qu'un ensemble de sillon dans la terre meuble et l'humus mais je comprends très vite ce que l'œuvre représente. Moi et mon ocarina. Je me reconnais surtout grâce à ma barbe blanche très fournie que la petite a représentée particulièrement dense. Une larme coule le long de ma joue mais c'est une larme de joie. D'amour. Ce lien en lequel je doutais la veille encore.

Je dessine moi aussi l'Enfant Sylvestre. Je n'ai jamais été un dessinateur exceptionnel mais mon application a finalement raison de mon manque de talent et je dois dire que le résultat est plutôt satisfaisant. Une fois mon ''œuvre'' terminée, je recule et m'assoie. La silhouette maigrelette se découpe enfin entre deux arbres. A la lisière de notre sanctuaire, elle marque une pause, puis s'avance, toujours dans sa posture animale. Ses yeux se posent sur mon dessin. Elle l'observe, en fronçant les sourcils. Après quelques minutes, éternelles, elle relève son visage émacié vers moi et, pour la première fois, je vois un sourire l'éclairer. Sourire que je lui rend accompagné d'un rire discret. Elle-même se met à rire, comme nerveusement. A la fin nous rions tous les deux aux éclats, profondément heureux. C'est la première fois depuis des années que je ris et je savoure cet instant de pure félicité en écoutant le rire cristallin de l'Enfant Sylvestre.

Je sens mon corps se secouer tout seul, par spasmes. Pourtant je n'ai pas mal, au contraire, une chaleur nouvelle m'envahit. L'Autre, Champignon, tremble aussi. Le bruit qu'il fait est plus rauque que le mien mais je l'écoute avec autant d'émerveillement que le Bruit qu'il avait créé pour moi. A ce moment, toutes mes questions, tous mes pourquoi, n'ont plus aucune importance. Il n'y a que lui et moi. Je n'ai jamais été aussi bien.