Je suis inquiète. Il n'est pas arrivé. Jamais il n'est venu si tard. Jamais. J'ai peur. Peur pour lui. Peur pour moi. De ce que je deviendrai sans lui. Aimer. C'est beau mais ça fait mal. C'est ce que je découvre aujourd'hui. J'aurais préféré ne jamais le savoir. Les larmes aux yeux, je sais ce que je dois faire. Je prends le petit sentier qu'il a tracé à force de venir. Je pourrais courir mais mon appréhension grandissante me freine. La lisière. Frontière symbolique entre mon monde et le sien. Je n'ai jamais réussi à la franchir. Une affreuse question s'installe en moi : Champignon en vaut-il la peine ? Oui. Mais pourquoi ? Je sais bien que mon esprit torturé connaît la réponse mais je la formule quand même. Parce qu'il s'est occupé de moi, m'a tout appris et surtout parce qu'il est le seul être à m'avoir jamais aimé. Rassurée par cette pensée, j'avance.
Ça y est, j'ai passé la frontière. Je sens une douce euphorie s'emparer de moi mais la raison de ma venue me ramène durement à la réalité. Je cours vers la maison de pierre et ne m'arrête que devant la porte. Je ne sais pas l'ouvrir mais à force d'essayer je finis par appuyer sur la poignée. La porte grince. Je ne prends pas le temps d'observer ce qui m'entoure et pourtant il y aurait de quoi ! J'erre dans quelques pièces et finit par appeler, doucement, mon ami. J'entends un grognement de douleur et m'élance vers ce bruit. C'est alors que je le vois. Blanc, allongé sur ce qu'il appelle un lit. Il tousse et peine à reprendre son souffle.
J'entends l'Enfant m'appeler, mon enfant en quelque sorte. Je veux lui répondre mais ma toux me reprend. Je vois la porte de ma petite chambre s'ouvrir et la fillette apparaître dans l'encadrement. Une autre quinte de toux me plie en deux mais je trouve le courage de lui sourire. J'essaie de lui expliquer que je suis malade mais que je vais guérir. Au fond, je sais que je ne guérirai pas tout à fait mais je ne suis pas mourant alors je la rassure du mieux que je peux. Je lui explique aussi comment m'apporter de l'eau et elle s'exécute sans un mot. Je lui demande de revenir tous les jours jusqu'à ma guérison, c'est important pour moi.
Je suis très inquiète pour Champignon mais je lui fais confiance. C'est lui le plus fort et le plus courageux. Je vais chez lui tous les jours. La lisière ne me fais plus peur et je commence à avoir l'habitude de sa maison. Je lui prépare à manger comme il me l'a appris en faisant du feu devant la maison et lui donne les médicaments que le docteur a apporté. Depuis deux jours il va un peu mieux. Il tousse moins mais il est fatigué. Je n'ai jamais su donner d'âge à Champignon mais je crois qu'il est vieux.
VOUS LISEZ
Pourquoi ? [FINI]
Short Story"L'enfer est tout entier dans ce mot : solitude" (Victor Hugo, La fin de Satan) La rencontre d'un vieil homme et d'une fillette. Merci à @Flolol2 pour sa couverture !