Chapitre 6

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L'adolescente empoigna l'arc situé tout à gauche et l'inspecta avec fébrilité. Fait d'un bois sombre mais souple, il était décoré de nombreux morceaux de tissu aux motifs triangulaires et aux couleurs chaudes. Du bout de ses doigts, elle caressa le bois lisse, parfaitement poncé, ne sachant que faire pour que le Comte comprenne son choix. Elle se saisit ensuite du carquois, manquant de faire tomber quelques flèches. Il était ouvragé des mêmes motifs que l'arc et était fabriqué dans le même bois sombre. Tenant les deux objets sans savoir que faire, la jeune fille se tourna vers ses camarades ; Léa était pâle comme un linge, les yeux clos, sa lèvre inférieure tremblant légèrement. Du sang continuait de suinter de sa plaie, malgré la main d'Alice qui tentait en vain de bloquer le flux incessant. Son regard croisa celui de la jeune fille, qui semblait terrorisée à l'idée de perdre sa meilleure amie. Le coeur de Sacha se serra lorsque le visage furtif de Violette passa dans son esprit, malgré le peu d'affinités qu'elle avait avec Alice, l'adolescente ne lui souhaitait pour rien au monde de perdre son amie. Elle posa ensuite ses yeux sur Adrien, dont le front était marqué par de profonds plis, tandis qu'Axel faisait les cent pas, ses tresses sombres s'agitant au rythme de sa marche. Sacha observa de nouveau l'arc, une arme semblant aussi frêle pouvait-elle vraiment transpercer un corps aussi facilement ? Cela semblait si irréel... Elle frôla la pointe d'une des flèches du bout des doigts, parfaitement affûtée. Et puis, soudain, il eut un bruit sourd, et la pièce fut de nouveau plongée dans le noir le plus complet. Alice poussa un petit cri aiguë tandis que Sacha sentit tout son être se contracter, cela ne présageait rien de bon.

"C'est quoi ce bordel !?" piailla Axel.

Sacha se mit à tourner sur elle-même, tremblante, sentant une perle de sueur rouler le long de sa nuque. Elle lâcha brusquement l'arc et se saisit d'une flèche comme d'une arme, ne sachant si le frêle bout de bois lui permettrait de se défendre de quoi que ce soit. L'endroit lui parut alors étrangement silencieux, privée ainsi de la vue, Sacha se sentait plus que vulnérable. Un bruit étrange dans son dos lui fit faire volte-face, était-ce son imagination qui lui jouait des tours ? Elle l'espérait... Hélas, son mince espoir s'évanouit aussitôt lorsqu'elle sentit un souffle chaud lui caresser la nuque. Un frisson glacé la paralysa instantanément, la jeune fille n'osait même plus bouger. Les lèvres tremblantes, elle voulut demander naïvement s'il s'agissait d'Axel ou bien Adrien, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Et, sans qu'elle n'ait le temps de se débattre ou d'appeler à l'aide, deux bras puissants l'étreignirent, un bloquant fermement sa bouche, étouffant le cri qui s'en échappa et l'autre lui bloquant le torse. Une étrange odeur emplit ses narines, elle n'était pas désagréable mais très forte. Son agresseur la souleva sans difficulté. Plongée dans le noir, dans les bras d'une personne lui comprimant la poitrine, Sacha sentit peu à peu la peur s'emparer de son corps tout entier, elle entendit alors la voix d'Axel :

"Sacha t'es où ?"

Dans un dernier espoir, la jeune fille se mit à débattre, hurlant malgré la main de l'homme qui bloquait le son. Elle le sentait, cet inconnu l'emmenait quelque part, mais l'adolescente ne savait pas où, et c'était cela qui la terrifiait. L'odeur était toujours aussi forte, presque écoeurante, Sacha avait du mal à respirer, ses paupières devinrent étrangement lourdes. La jeune fille lutta encore quelques instants, avant de s'endormir, le parfum toujours aussi fort l'accompagnant dans ses rêves. 

Lorsqu'elle immergea des bras de Morphée, l'esprit de Sacha était confus. Elle ne savait pas où elle était ni ce qui s'était passé, ses souvenirs et pensées virevoltant sans trouver de sens dans sa tête. La bouche pâteuse, elle voulut se lever, mais ne trouva même pas la force de bouger ses bras. L'adolescente ne savait même pas où elle était, complètement embrumée. Ses pensées mirent de longues minutes à trouver un ordre, tandis qu'elle fixait le miroir, juste en face d'elle. La jeune fille remarqua alors qu'elle était attachée à une chaise, c'était donc cela qui l'empêchait de bouger... Les mains dans son dos, le torse maintenu contre le dos de la chaise, les jambes liées aux pieds, ses mouvements étaient très limités. Ses souvenirs lui revinrent alors, une vague déferlante qui frappa son esprit avec force ; la blessure de Léa, le choix des arcs, la pièce plongée dans le noir, cet inconnu s'emparant d'elle, l'odeur entêtante... Son rythme cardiaque accéléra soudainement, sentant la panique l'envahir, Sacha tenta de desserrer ses liens, en vain, cela lui faisait plus mal qu'autre chose. Elle essaya de nouveau de se lever, mais les cordes lui bloquant les chevilles l'en empêchaient. Elle soupira, ne sachant que faire, se contentant d'observer son reflet dans le miroir juste en face d'elle. Ses joues étaient creusées et son teint blafard, elle faisait peine à voir. 

"Bonjour Sacha."

La voix grave qui résonna la fit sursauter sur sa chaise. La jeune fille pivota sa tête dans tous les sens, cherchant qui avait prononcé cela, mais il n'y avait personne à pars les murs blancs l'entourant. L'adolescente en vint à se demander si elle n'avait pas imaginé cette voix, mais la déclaration qui suivit balaya bien vite cette idée de son esprit : 

"Je suis juste en face de toi. Tu ne peux pas me voir, mais moi je te vois très bien, ta mine est affreuse...
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle, la voix éraillée.
- La personne qui t'accueille chez elle."

La jeune fille frissonna avant de durcir son regard en observant la vitre teintée en face d'elle. L'homme qui avait tué son amie et elle étaient séparés par une simple vitre... Sa mâchoire se contracta, elle espérait qu'il verrait le regard haineux qu'elle adressait actuellement à son reflet. 

"Qu'est ce que vous me voulez ? cracha l'adolescente. 
- Et bien ! Je vous ai posé une énigme pour sauver votre amie, et tu as perdu."

Ces mots qui semblaient si anodins glacèrent le sang de la jeune fille. Son visage se décomposa aussitôt, une pensée sombre s'insinuant dans son esprit : allait-elle mourir ? Maintenant ? Cela ne semblait pas croyable... Le rire sinistre du comte la fit tressaillir, que pouvait-elle faire ? Rien. Simplement attendre, et espérer. La lumière diminua peu à peu jusqu'à complètement disparaître, Sacha se retrouvait de nouveau plonger dans le noir. La respiration courte, Sacha entendit une porte claquée, la tête basse, des bruits de pas sonores se rapprochèrent d'elle. Elle sentit une main se poser sur sa chaise, puis sur son épaule, l'empoignant fermement jusqu'à lui arracher une grimace de douleur. Il la fit tourner sur elle même, jusqu'à la placer dos au miroir, ou ce qui s'en rapprochait pour la jeune fille. Il fit glisser la chaise sur le sol créant un grincement désagréable mais qui sembla futile pour Sacha, paralysée par la peur. Il lâcha la chaise, et ouvrit une porte, se trouvant en face de la jeune fille, qu'elle n'avait pas remarqué. La lumière blanche l'aveugla légèrement, elle plissa les yeux, tandis que l'homme continuait de faire glisser la chaise, passant par l'entre-bâillement de la porte. Sans savoir pourquoi, l'adolescente se sentit basculer en avant, le comte poussa la chaise d'un geste énergique et elle se mit à chuter. La porte ne menait sur rien, mise à part le vide, là voilà dans une descente étrange, où elle ne trouva même pas la force de crier. Ce n'était pas la chute qui comptait, mais l'atterrissage, et l'homme venait de la conduire à un atterrissage mortel. Avant que Sacha n'ait eu le temps de réaliser, son corps heurta le sol dans un bruit sourd. La chaise en bois se rompit sous son poids et sa tête bascula en arrière, ses cervicales heurtant une barre métallique avant de toucher le sol tandis que sa jambe se tordait en une position étrange dans un craquement sourd et inquiétant. Sa tête retomba en arrière, un mince filet de sang s'écoulant le long de son front. Le regard soudain vide, la jambe formant un étrange angle droit, le corps tordu, la jeune fille venait de se briser les cervicales avant de se briser la jambe. Le hurlement strident d'Alice résonna dans l'armurerie en découvrant le corps sans vie de Sacha tandis que la porte au-dessus se refermait silencieusement. 

SACHA EST MORTE

Tu t'es trompé(e) de choix. Retourne au chapitre 5 pour découvrir la vraie suite ou recommence l'aventure au chapitre 1.

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