Chapitre 8

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L'arc que Sacha venait de saisir était de couleur sombre et semblait luir dans la lumière artificielle de l'armurerie. Des sortes d'oiseaux sculptés dans le bois étrangement très léger lui donnait un air assez impressionnant, presque intimidant. La jeune fille frissonna, presque mal à l'aise d'avoir choisi celui-ci. Le carquois était tout aussi sombre et possédait d'étranges reflets violets. Les quatre flèches rangées à l'intérieur étaient très fines et décorées de plumes d'un violet vif. L'adolescente observa les deux autres carquois, elle avait hésité à un instant à choisir celui d'un bleu glace où cinq flèches étaient rangées à l'intérieur. En songeant à cela, ceci lui parut comme une évidence ; elle ne s'était pas trompée. Un large sourire fendit son visage, il manquait une flèche à son carquois, celle utilisée pour blesser Léa. L'adolescente se tourna vers ses camarades, le même sourire éclairant son visage. La jeune fille blessée était encore très pâle mais le sang avait arrêté de suinter de sa plaie. Alice l'observait avec inquiétude, tout comme Adrien tandis qu'Axel faisait les cent pas, semblant à la fois impatient, irrité et inquiet. Ils attendirent ainsi de longues secondes, Sacha tenant toujours l'arc dans une main et le carquois de l'autre sans savoir quoi faire exactement. Finalement, dans long grincement, les portes de l'armurerie s'ouvrirent sur Marie-Madeleine. La gouvernante affichait un léger sourire sur ses lèvres minces, un étrange éclat brillant dans ses petits yeux vicieux. Elle s'avança vers les adolescents et posa son regard sur Léa avant de renifler négligemment en observant sa plaie.
"Vous vous êtes amusés avec les armes de Monsieur je suppose ?"
Sa voix était sèche et pleine de mépris
"N'importe quoi ! s'emporta Adrien, c'est votre taré de comte qui...
- Comment osez-vous parler ainsi de Monsieur alors qu'il vous héberge chez lui pour les trois semaines à venir ? L'insolence de votre génération m'étonnera toujours !"
Adrien serra les poings, le regard mauvais mais Alice posa une main sur son épaule en secouant la tête, nul besoin de la provoquer, ils ne savaient pas ce qu'elle pourrait bien faire...
"Passons, suivez-moi, nous allons rejoindre vos amis et panser votre blessure."
Sans plus de formalités, Marie-Madeleine tourna les talons. Adrien et Alice aidèrent la blessée à se relever et tous se dirigèrent vers la grande porte.
Quelques instants plus tard, ils retrouvèrent leurs camarades dans le hall d'entrée. Sacha fut soulagée de tous les voir. Après tout, la dernière fois qu'ils avaient tous été séparé Violette était morte. Son coeur se serra une fois de plus, mais elle secoua la tête, il ne fallait pas qu'elle y pense, elle pleurerait son amie une fois ce cauchemar fini. Les lycéens discutèrent pendant quelques minutes sous le regard de Marie-Madeleine et Edgard. Finalement ce dernier toussota légèrement pour attirer l'attention des adolescents.
"J'espère que vous avez passé une bonne matinée."
Sacha entendit Alice jurer entre ses dents. Elle coula son regard vers Léa, qui avait du mal à tenir debout. Son état commençait vraiment à devenir inquiétant. Edgard s'approcha de la blessée et lui tendit la main sous le regard empli de colère d'Alice. Soutenant Léa tant bien que mal, elle resta quelques secondes impassibles, ne voulant pas confier son amie au majordome, mais finit par céder, espérant qu'il la soignerait bel et bien. L'homme en queue-de-pie prit Léa dans ses bras et fit volte-face.
"Le déjeuner sera servi à midi, tâchez d'être à l'heure, vous avez quartier libre pour le reste de la journée."
Il quitta donc le hall, suivi de près par Marie-Madeleine. Sans un mot, Alice glissa sur le sol, les mains tremblantes, le regard soudain empli d'angoisse. Sacha entendit Axel pousser un long soupir tandis qu'Adrien s'approchait d'Alice, la main posée sur l'épaule de sa soeur. L'adolescente ne l'avait pas encore remarqué, mais ils avaient tous l'air extrêmement fatigué. En à peine deux jours passés ici, Violette était morte et Léa gravement blessée. Ils avaient trois semaines à passer ici. La jeune fille frissonna à cette pensée, allaient-ils faire face à ces épreuves barbares chaque jour ? Et si elle était la prochaine à mourir ? N'y avait-il réellement aucun moyen de s'échapper de ce manoir ? Ce flot de questions donna le tournis à Sacha qui se massa frénétiquement les tempes.
"Qu'est ce qu'on fait maintenant ? demanda alors Corentin, brisant le silence.
- Une petite fête ? proposa Evan.
- Léa est blessée et tout ce que tu penses à faire c'est une fête ?! piailla Alice, t'es vraiment un connard !
- J'y peux rien si elle est blessée ! rétorqua-t-il, tu préfères rester là comme une conne sur le sol en attendant de savoir si elle est vivante ? Et bien vas-y ! On n'est même pas sur de se réveiller demain, je compte pas passer la journée à me morfondre en me demandant comment ce taré de comte va s'amuser à me torturer. On était venu ici pour s'amuser ben on va s'amuser, qui m'aime me suive !"
Alice pesta entre ses dents mais ne répondit pas, croisant ses bras sur sa poitrine. Au fond, Evan n'avait pas tord, Sacha comprenait son point de vue, rester là assis à ne rien faire ne les aiderait en rien. Ainsi, lorsque le grand blond se dirigea vers les escaliers menant aux chambres, Sacha le suivit, tout comme Lucas, Axel et Corentin. Adrien hésita quelques instants, jetant un coup d'il à sa sur qui soupira avant de se relever, imitée par Julie qui semblait au début réfractaire à cette idée avant de se joindre aux autres.
Ils passèrent donc la journée ensemble, rassemblée dans l'une des chambres, oubliant pendant quelques heures l'endroit où ils se trouvaient, riant ensemble et profitant pour la première fois depuis leur départ de ces "vacances". Sacha sentit une sorte d'apaisement l'envahir pendant quelques heures, lorsque personne ne parla de ce que l'on pouvait naïvement qualifier d'aventure, se contentant de se remémorer les souvenirs de leur dernière année de lycée, de rire et de plaisanter. Tout le monde avait fait taire l'inquiétude, comme un bref moment de répit avant de retomber dans ce jeu malsain où ils étaient les pions, tombant un à un.

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