[LIVRE-JEU] Prisonniers

Chapitre 10

Le groupe d'adolescentes resta de longues secondes à observer les deux poèmes, debout, silencieux. Si certains comme Ethan avaient complètement abandonné, observant les grandes étagères avec un regard ennuyé, d'autres continuaient à chercher, comme Corentin. Le regard soucieux, le jeune garçon tentait en vain de percer le secret des deux livres. Et puis, il y'avait Sacha, oscillant entre les deux, tantôt observant la bibliothèque, tantôt essayant d'aider Corentin. La jeune fille était un peu perdue. A chaque fois qu'elle se penchait sur les deux poèmes, son esprit se mettait à divaguer vers Violette, l'autre groupe parti à l'armurerie, la possibilité que l'un d'entre eux meurt, qu'elle meurt, là, maintenant, ou bien dans trois jours, ou une semaine. Cela la faisait trembler de peur, d'imaginer qu'elle ne verrait peut-être plus ses parents, que les parents de Violette ne reverraient plus jamais leur fille...

L'adolescente tenta de chasser ses idées noires,se concentrant sur les poèmes, les relisant et encore et encore sans parvenir à comprendre. Le premier poème lui semblait sournois, elle avait l'impression d'être cette hirondelle, tentant de s'échapper de ce manoir maudit. Le second lui rappelait Violette, il était aussi doux que l'était la jeune fille, presque rassurant. Elle parcourut la page du bout de ses doigts, et si Lucas se trompait ? A première vue, la forme de ces deux poèmes n'aidait en rien, un sizain et un septain tout ce qu'il y'avait de plus classique. Alors si elle se penchait sur le fond ? Sacha n'appréciait guère le premier texte contrairement au second, comme-ci il s'agissait du bon choix à faire.

"Tu te trompes peut-être, Lucas." déclara alors la jeune fille, brisant le silence régnant dans la pièce.

Le garçon aux cheveux châtains se tourna vers la demoiselle, attendant visiblement qu'elle poursuive.

"Je veux dire... Rien ne les différencie sur la forme, expliqua-t-elle en se passant une main dans les cheveux, gênée, d'accord il y'en a un qui a un vers en plus, et alors ? Je pense pas que cela est un impact sur ce que nous demande le comte. Par contre si on les lit... Franchement, vous n'avez pas l'impression que c'est nous l'hirondelle ? Que l'on tente de s'enfuir ? Ca semble louche...

- Et pourquoi ça serait pas l'autre qui serait louche ? intervint Evan.

- Je sais pas... il semble plus... tranquille. J'ai presque l'impression qu'il parle de Violette."

La remarque de la jeune fille jeta un froid sur les adolescents. Sacha croisa le regard triste de Julie, qui baissa légèrement la tête.

"Tu te bases sur un ressenti ? déclara Corentin, tu es bien sûre de toi ?"

L'intervention du garçon soulagea quelque Sacha, lui permettant de détourner la conversation de Violette. Elle planta son regard dans celui de Corentin.

"Tu as une meilleure idée ?

- Non, mais ça me semble dangereux de se baser sur une interprétation bateau.

- De toutes façons, on ne peut pas attendre plus longtemps ! rétorqua Evan en s'approchant, tant l'autre taré va finir par en avoir marre d'entendre et va tous nous buter ici !

- Vous voulez vraiment baser notre choix sur ça ? Une lecture personnelle d'un poème ? Très bien, mais ce n'est pas moi qui annoncerai le choix, se résigna Corentin.

- Tafiole..." siffla Evan.

Corentin l'ignora, se contentant de s'éloigner de la table pour se mettre à côté de Julie. Evan s'approcha de Sacha, qui, soucieuse, essayait pour la énième fois de peser le pour et le contre dans le choix qu'elle s'apprêtait à faire. Elle n'avait jamais été proche d'Evan. Durant leur année scolaire, leurs brèves discussions s'étaient limitées à "passe moi une feuille" ou encore "on a quoi à faire pour demain". Savoir qu'il la soutenait dans son choix la rendait presque mal à l'aise mais la conforta également dans son idée.