La terre, gardienne des secrets du monde, est foulée depuis bien longtemps. Les poussières remplissent le temps, la saleté le monde. Faites-donc la ronde ! Riez au printemps ! Oubliez la terre, celle qui vous supporte depuis le temps.
Pourquoi la méprise-t-on ? Car les vers y ont trouvé leur nid ? Méprisez-vous les vers, qui garnissent de soie vos habits ?
Pourquoi la méprise-t-on ? Dites-moi donc, mes amis ! Est-ce sa couleur qui est laide, lorsque l'eau fait d'elle de la boue ? Est-ce parce que la terre salit vos joues ?
Elles devraient rougir, vos joues. La terre les rend plus modestes. Avez-vous oubliés qu'au temps de la paix, vous y faisiez des siestes ? Et même pendant la guerre, vous vous y cachiez en moins d'un geste !
Ah ! Ingrats, présomptueux ! L'homme rit l'air de rien et heureux. Qu'on foule cette terre, qui depuis sa naissance le nourrit. D'elle germent les graines, et on lui arrache ses fruits. L'homme ne manque de rien, ni de blé, ni de riz. Comme l'homme est ingrat, regardez-le qui sourit !
Pauvre terre, gardienne de nos secrets. N'as-t-elle pas vu l'histoire ? De son début, à cette journée ? Comme elle a vécu, comme elle a senti. Toute la peine de ce monde, est dans ses entrailles enfouie.
Elle a ressenti jusqu'au fond de son cœur, la douceur des mères, qui bercent et chérissent, et qui espèrent au vent. Elle a vécu, avec elles, les tourments, d'être une mère, de surveiller des enfants. Un jour, une vie. Et la pareille commence. Que n'a-t-elle donc pas souffert, en voyant tous ses enfants ? S'entre-tuer les uns les autres, répandre le sang. " Arrêtez ! ", leur dit-elle, mais son cri est étouffé. Ses pleurs sont vains. Personne ne l'écoute, la mère qui les a élevé.
Honte à eux ! Qu'y a-t-il ici qu'ils ne lui ont pas encore fait ? Elle a assistée à tout. Aux émeutes, aux trophées. Aux tempêtes dévastatrices, aux esclaves malmenés. Elle a assisté aux Pharaons, aux barbares et aux Mongoles. Les grands bains de sang, les injustices et les viols. La corruption, l'hypocrisie de certaines gens. L'utilisation des religions, qui étaient pourtant, lumière bien avant ! Elle le sait bien, mais que savent les hommes ? Ils se croient maîtres des airs, du ciel et du vent. Mais ne regardent-ils pas sous terre, où ils s'en vont à chaque instant ?
La terre pourtant, d'elle naquit la beauté. Ne dis-t-on pas que les hommes sont faits de terre ? Regardez sa beauté ! Il en existe, comme elle, de toutes les couleurs, et à chacun son portrait ! Ne dit-on pas aussi que la nature est sa chaire ? La nature est bien sa chaire. Vous entendez ? Si vous ne vous battez-pas, elle sauvera les condamnés. Elle s'occupe des roses fanées, garde les feuilles. Elle se fait un tapis, qui sourit et accueille. Elle enveloppe les morts, les garde au repos. Elle se tait, triste, d'un silence qui fait écho.
La terre est noble, éprouvée mais si forte. Malgré elle, elle est douce, elle contemple le monde de la sorte. Demandez aux Kabyles, ces hommes aux pots d'argile ornés de bas en haut. Si simples, mais si beaux. La terre n'est-elle pas belle ? La simplicité a fait d'elle ce qu'elle est: témoin d'un monde qui recèle bien des beautés. Seuls les innocents les voient, de leurs yeux vifs et malins. Doux aussi, comme les odeurs de romarin, de thym, et même de menthe, de quelque fraîcheur attrayante. De musc, d'encens, que la terre garde en secret. De quelque trésor, qui dort en elle, à tout jamais.
La terre, pauvre malheureuse ! Vieille spectatrice d'un cirque qui fait rire les pierres et pleurer les damnés...
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Petite grande Nature
PoetryNos espoirs sont comme les vagues qui miroitent la Lune, majesté céleste, beauté nocturne, reine intouchable. On les contemple, mais on sait, au fond, que les reflets argentés disparaîtront. A quand le Soleil, mes chers ?