Alphabet

N comme Nausicaa

Quelques fois, les occasions pouvaient sembler rares dans ce lycée. Pourtant, Maïa venait juste de m'accorder l'occasion du siècle. En entrant dans le local, c'était un Otello abasourdi que je retrouvai.

Je ne pensais pas réellement en arriver là, le coincer jusqu'à un temple de produits ménagers pour préparer le coup monté. Tout semblait insensé.

- Écoute-moi bien, je suis Nausicaa et je ne vais pas tourner autour du pot. Je sais que tu as trafiqué avec Rio. Débutai-je en le foudroyant du regard.

Le garçon releva son visage de manière à me surplomber du regard. Cela ne servait à rien, j'avais un ego trop surdimensionné pour me laisser intimider.

- Je ne vois pas de quoi tu parles. Répondit-il en me fixant davantage.

J'avais anticipé cette réponse depuis quelques jours. Qui ne l'aurait pas dit pour se couvrir ?

- Je t'ai bien observé Otello et je crois qu'il est clair que nous devons avoir une sérieuse discussion avec le proviseur, toi et moi. Mais j'aurais préféré ne pas dire la vérité sur les votes falsifiés donc je tente maintenant d'arranger les choses et faire porter le poids sur les épaules de la chienne que t'as aidée. Crachai-je sûre de moi.

Ma réplique l'avait déstabilisé.

- Je ne peux pas trahir Rio, Nausicaa, elle me mène à Yale bon sang ! Avoua-t-il presque en rugissant de colère.

Une question et j'aurais toutes les phrases nécessaires.

- Otello, ce n'est qu'un simple concours bidon pour la déléguée. Elles avaient combien de points d'écart pour que ce soit si flagrant pour que tu transpires autant ? Demandai-je en essayant de prendre un ton semi-rassurant.

Il hésitait.

- 90% des votes au total étaient pour Aurora. Voilà. Lâcha-t-il les yeux dans le vide.

Je sortis du local le laissant dans un état misérable. Rio sonnait véritablement bien avec ordure. Le morceau bien enregistré et le micro bien dissimulé dans ma poche, je m'approchai de la pseudo déléguée entourée de nombreuses personnes aveugles à souhait.

- Je vous adore, prenez un cookie mes chers supporters ! Lança-t-elle rose de plaisir.

J'en pris plusieurs et les fis tomber par terre.

- Oups. Marmonnai-je avec un sourire faux.

Un silence s'abattit sur le couloir et je chuchotai à son oreille :

- Ma chère Rio, j'ai des preuves pour te dénoncer et exclure du lycée. Si tu veux que rien ne se sache, tu as intérêt à bien te porter et suivre toutes les indications que je vais t'envoyer par message.

Je partis sur le même rythme et avec les mêmes pas foulés. La scène qui venait de se dérouler ressemblait exactement à celle que je désirais engendrer. Tout allait pour le mieux.

Mon message tapé, je l'envoyai, sûre de moi.

« De : Moi-même

À : Rio la pétasse

Pièce jointe : Enregistrement au micro

Contenu : Voici Rio LA preuve qui te nuira pour toujours. Voici les indications pour que seule ta fierté en prenne un coup et non ta réputation :

1° Arrête tes cookies de merde.

2° Va faire ton caca nerveux.

3° Démissionne et ne cite aucun nom sinon je balance l'enregistrement sur internet.

Tu as jusqu'à la reprise des cours de cet aprem'.

C'est tout. »

Satisfaite, je rejoignis Maïa assise auprès de son nouveau groupe de faux-amis. Otello lança un regard qui interrogeait clairement mon amie d'enfance. Pourquoi venais-je à cette table ?

- C'est ma meilleure amie. Bredouilla-t-elle en rougissant.

J'ouvris ma bouche subitement, comme illuminée par une nouvelle évidence. Je dirigeais ma tête dans les directions d'Otello et Maïa de façon répétitive. Comment avais-je pu ne pas remarquer ce détail si important ? Ah oui c'est vrai, je ne traînais presque jamais avec eux deux réunis.

Je lui fis une bourrade dans les côtes.

- Vous sortez ensemble depuis quand ? Interrogeai-je en entamant les carottes de ma salade composée.

Lykos intervint.

- Maïa et moi on ne sort pas tout à fait ensemble.

Mon petit ricanement ne passa pas inaperçu.

- Oh je parlais de ton meilleur ami et de ma meilleure amie. Ils sont faits l'un pour l'autre. Répliquai-je pendant que ma voisine de table s'étouffait avec un morceau de pain.

Otello lâcha limite sa fourchette. Où était le problème dans ma réponse ?

- C'est gênant Nausi'. Insinua Maïa les oreilles toutes rouges.

Je lèvai les yeux au ciel.

- Mon surnom rappelle la nausée. Je ne peux qu'être malaisante. Achevai-je blasée.

Le reste du repas se déroula de façon assez spéciale. Les trois se lançaient des regards sous-entendus comme pour se comprendre entre eux à distance.

- Donc en gros Lykos c'est ton ex-plan cul. Remarquai-je en direction de ma meilleure amie.

Je sais la réponse. Je connaissais assez mon amie d'enfance pour voir que quelque chose clochait lorsqu'elle disait qu'elle maîtrisait la situation avec les deux plus gros porcs du lycée.

- Pourquoi « ex » ? Demanda l'intéressé.

Le populaire du bahut m'adressa un regard noir.

- Parce que je suis là maintenant ; qu'elle ne joue plus de rôle et que je dois les mettre ensemble ces deux cons. Terminai-je une nouvelle fois avec un petit sourire malicieux.

Je n'étais pas douée pour mettre à l'aise avec mes questions. Je n'étais pas faite pour ça. Je préférais largement rendre des moments banals gênants.

Les enceintes firent un bourdonnement sourd avant de laisser court à la voix grotesque du proviseur.

« Suite à la démission imprévue de notre actuelle déléguée, Aurora Vicoult devient notre nouvelle déléguée. Reprenez vos cours dans le calme. »

Des cris de joie retentirent malgré un foudroiement du regard otellonien.