Y comme Yann

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Cela faisait dix minutes qu'Horace et moi avions quitté cette fête pour le jardin. Dix minutes qui avaient suffi pour me rappeler à quel point sa voix, ses yeux, ses cheveux m'avaient manqué. Dix minutes que je repensais à Rio et tout ce que nous avions traversé pour en arriver là.

- Qu'est-ce que tu me veux ? Demanda-t-il de but en blanc, l'haleine alcoolisé.

Je m'attendais à des retrouvailles du genre, je l'avais blessé, renié et torturé moralement. Cependant, il avait l'air d'être assez indulgent pour me laisser un peu de temps pour m'expliquer.

- Je te dois des explications. Ne m'interromps pas, ça pourrait me couper dans mon élan. Répliquai-je en le fixant.

Une partie de mon cœur se recolla lorsqu'il hocha la tête de haut en bas. Horace m'écoutait.

- J'ai tellement de choses à te dire et je ne sais même pas par quoi commencer tant il y a à dire. – mon rire nerveux s'accentua – Tout d'abord, tu m'as terriblement manqué. Ça fait longtemps que je ne t'avais pas vu face à face. Je sais, c'est clair que mes statuts facebook ne donnaient pas trop envie de se rapprocher. Mais j'avais fait un choix que je regrettais beaucoup en partie : celui de préférer Rio. Si mon esprit me dictait d'aller vers elle, mon cœur battait pour toi. Putain, ça fait trop nunuche tout ça. Mais voilà, je ne te mens pas sur le coup, plus en tout cas. Mais j'ai mes raisons. Rio, je l'aime. Ce n'est pas facile d'y croire mais ouais je l'aime. S'il y a une personne que je chéris plus que n'importe qui, c'est cette jolie fille à la carrure d'un top model. Elle est si jolie, si belle mais si frêle. Je ne suis pas sûr d'avoir le droit de révéler ses problèmes mais si seulement tu savais Horace, elle va tellement mal et si je l'avais lâchée ce jour-là quand je t'ai menti en face en disant que tout ce qui s'était passé n'était qu'un accident, elle céderait à faire tout ce qu'elle se fait déjà à elle-même. Toutes ces plaies à vif qu'elle se laisse baigner dans le sang, tout ce malheur et désespoir qu'elle ressent... Je... - mes larmes coulèrent doucement – je ne pouvais et ne le pourrai jamais le supporter. Rio c'est mon trésor Horace, c'est celle qui crée une image d'elle-même devant les autres pour finalement se heurter à sa maudite existence. Alors, oui, si je l'avais choisie, elle, j'avais mes raisons et ce n'était pas parce que j'étais un gay refoulé qui ne s'assumait pas avec toi. – je m'interrompis un instant –

» Si seulement tu savais Horace, si seulement. J'ai que dix-sept ans et j'ai l'impression de jouer le mélodrame de ma vie. Je veux te tenir la main, je veux soutenir ton regard dans les couloirs, je veux t'embrasser jusqu'à crever en étouffant, je veux me laisser t'aimer comme je t'aime. Maintenant, c'est possible, je le peux. Rio m'a fait comprendre que ça ne servait à rien qu'on reste ensemble, encore et encore. Parce que j'ai l'esprit ailleurs et puis, je suis tellement malheureux sans toi Horace. Tout à l'heure, quand je suis allé la voir, il y avait cette atmosphère qui voulait tout dire, qui me murmurait comme je t'aime, comme on était sur le point de rompre avec elle. Elle a rompu pour que toi et moi ça marche. Et je l'espère de tout mon cœur, que ça puisse marcher. Je t'ai blessé, abandonné, manipulé. La confiance... Cette douce confiance qui devrait rester a dû totalement succomber. Alors, excuse-moi, Horace, pardonne-moi. Il n'y a pas de mots pour décrire comme je t'aime et ta fuite m'a marqué. C'est dans les moments où la personne que l'on chérit n'est plus à nos côtés que l'on se rend compte à quel point on l'a aimé.

Je n'avais plus de souffle, la tirade terminée. J'avais même arrêté de pleurer pour me concentrer sur ses beaux yeux et son expression désemparée. J'aimais le Horace sérieux, celui que peu connaissait. Je l'aimais tout court en réalité. Je le connaissais par cœur et je savais qu'il avait envie de m'embrasser. Il louchait péniblement sur mes lèvres, se retenait de le faire.

Après un long silence, il lâcha :

- Yann Stanivost, t'es vraiment un crevard pour m'avoir sorti un truc pareil. Si je ne t'épouse pas après ça, j'ai bousillé ma vie.

Mon rire s'entendait presque avant d'être étouffé sous ses lèvres. Embrasser plusieurs bouches distinctes n'avaient rien de différent mais embrasser LA personne pour qui chavire votre pauvre cœur, c'était une toute autre affaire.

Quelques personnes à l'intérieur nous fixaient, se demandaient sûrement comment deux énergumènes de notre genre, du même sexe pouvaient s'embrasser.

J'avais tout faux. Tout.

Les personnes sortirent une par une, les minutes se découlant largement plus lentement. Ce fut Dante qui fit sonner le premier « clap ». Puis ce fut mon frère, mon meilleur ami et le monde entier.

Des tonnerres d'applaudissements s'abattirent dans le jardin.

Tout le monde nous souriait, nous encourageait, nous soutenait.

J'eus l'image d'une Rio heureuse et fière de ce que j'avais accompli à l'esprit.

Et je le rembrassai à cette fameuse soirée des vérités.

AlphabetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant