O comme Otello

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Yale. Tous mes espoirs s'étaient détruits en une simple annonce.

Mon père allait me défoncer. Je n'étais qu'un bon à rien d'après lui et lui prouver que je pouvais aller à une université réputée était ma seule véritable consolation.

Rien ne pouvait me remonter le moral à présent, chaque fibre de mon corps me hurlait de haïr cette Nausicaa. Je n'étais pas bien, réellement. La rupture de Giana m'avait grisé à un point mais le fait de ne pas accomplir ce que j'avais tant espéré, c'était bien pire.

J'étais un crétin de première classe, je faisais souvent les choses de la mauvaise manière, en énervant tous ceux qui me côtoyaient au quotidien. Mais ce n'était que l'image et les miettes de l'ancien Otello. Le nouveau se préoccupait d'une relation amoureuse sérieuse, de son avenir et de ses parents.

- Quelque chose ne va pas ? Demanda Lykos innocemment.

Quel con. Il ne s'était même pas rendu compte que sa très chère Maïa nous embobinait depuis le départ. Aveuglé par son envie d'arrêter de penser à Iris, il s'était cherché un lot de consolation. Elle tombait à pic. Pitoyable. En sortant de la cafétéria, je bousculai du monde, en laissant derrière moi ma peine.

Il ne restait plus que la rage.

Je me dirigeai instinctivement dans le couloir principal à la recherche de ma meilleure amie. Iris ne devait pas se cacher bien loin, il en était hors de question. Je devais lui parler, j'avais besoin d'elle.

Des boucles blondes ondulaient dans le dos de la fille que je cherchais. Elle collait les baskets de Dante. Rien que de les voir tous les deux me rappelait que ce gars avait piqué ma seule véritable amie et l'existence de la capacité destructrice des humains à abandonner et couper les ponts facilement.

Respire Otello. Respire.

- Otello ? Lança-t-elle en me voyant arriver le visage blême.

Je paniquais intérieurement. Elle avait sûrement dû entendre l'annonce et lui révéler que j'avais fait partie des partisans de Rio pour entrer avec elle à Yale lui semblerait dérisoire.

- Iris, je t'en prie. Arrête de traîner avec ce gars... Tu me manques. Tu manques à Lykos comme si c'était la fin du monde. Il t'aime et maintenant il fait des conneries et j'en deviens la cible. Implorai-je désespéré.

Dante afficha un petit sourire amusé.

- Otello c'est bien ça ? C'est drôle parce que tout le monde est fautif dans ce lycée bidon. Lâcha-t-il avec une lueur de défi.

Il savait. Dante était le genre de gars à tout observer, tout savoir, tout contrôler. Il était supérieur, pour lui, nous n'étions que de misérables pions.

- Je ne pourrai pas aller à Yale Iris. Je n'ai plus le piston dont j'avais mentionné l'existence brièvement par message. Balbutiai-je.

Sa main vint caresser mon dos en signe de réconfort.

- Dante, tu ne voudrais pas pistonner Otello ? Je sais que c'est peine perdue mais depuis qu'on a six ans, lui et moi on n'arrête pas de se promettre qu'on irait dans la même université. Supplia-t-elle auprès de son « ami ».

Le garçon recula de plusieurs pas, avec son fameux air nonchalant et haussa les épaules.

- Je verrai ce que je pourrais faire. Acheva-t-il en grognant.

Les événements depuis ce matin m'avaient totalement dérouté. Je ne savais plus où j'en étais. Tout allait l'air d'aller mieux et pourtant je ressentais quelque chose de bien plus problématique me tomber dessus à chaque fois.

- Je vais te laisser, j'ai maths. Dit Iris en m'ébouriffant les cheveux.

Elle n'allait pas revenir auprès de moi ou Lykos. Je voyais dans ses yeux la lueur qu'animait ce Dante en elle. Elle l'aimait terriblement trop pour s'empêcher de le fréquenter.

- Respire. Lança une voix derrière moi.

Mon regard dériva sur Maïa. Postée face à moi, les mains dans les poches de son jean et non la mini-jupe que j'avais l'habitude de voir, je ne la reconnais pas.

- Excuse-moi pour tout ce que j'ai fait. Avec Nausi' on devait te piéger. On tient un peu trop à la justice. Expliqua-t-elle en rougissant.

Je scrutai son haut. Maïa portait un sweat largement trop grand. Cela changeait radicalement des crop-tops. Elle avait l'air d'être davantage elle-même dans cette tenue toute simple et basique.

- Chouette le sweat. Complimentai-je à la recherche de mots.

En l'espace de deux heures, j'avais été triste, désespéré, énervé, enragé, blasé et maintenant totalement étonné.

Elle écrasa ses lèvres sur les miennes. Le baiser ne s'éternisa pas, la sonnerie nous coupa et les couloirs se remplirent d'élèves à la recherche de leur salle.

- C'est un peu rapide je sais mais disons que je suis devenue habituée à la Maïa de Lykos. On se voit tout à l'heure ! S'exclama-t-elle en m'adressant un sourire rayonnant.

Si Dante ne mentait point et que Maïa voulait réellement de moi, je n'avais plus à m'y faire.

Tous mes espoirs s'étaient ranimés en un simple baiser.

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