L'inconnu et moi

Chapitre 7

Elle

Deux heures pour attendre les résultats d'examen de mon père, Dieu merci, il n'a rien. Seulement une jambe cassée et un hématome à la hanche. Cela aurait pu être pire, mais on aurait très bien pu l'éviter s'il n'était pas aussi têtu.

— Papa, je ne veux plus te voir sur une échelle, dis – je en sortant de l'autoroute.

— Il faut bien que j'entretienne la maison, s'énerve – t – il sur la banquette arrière.

— Si on avait un gendre, il pourrait nous aider, plaide ma mère.

Et voilà qu'elle remet ça sur le tapis.

— On ne va pas revenir là – dessus maman.

Je me gare dans l'allée gravillonnée de la maison de mes parents. Nous aidons mon père à descendre de la voiture et je lui tends ses béquilles. Il n'arrive pas à marcher avec, et la situation est assez drôle. Il grogne dessus tout le long du chemin pour entrer dans la maison. L'odeur du jasmin m'emplit les narines et me rappelle mon enfance. J'accompagne mon père pour l'installer sur le divan pendant qu'il continue de pester contre ses satanées cannes. À peine rentrée, ma mère se met immédiatement aux fourneaux malgré l'heure tardive. Je la rejoins dans la cuisine et je saute sur l'îlot central comme quand j'étais enfant.

— Je vais rester ici quelques jours pour t'aider, je lance à ma mère qui sort un saladier du placard.

— Ce n'est pas utile Brook, on peut s'en tirer seul.

— Non, et tu le sais, papa ne peut pas conduire. Comment vas – tu aller faire tes courses ?

Elle n'ajoute rien, et se concentre sur sa préparation. Je sors mon portable de ma poche et j'écris un rapide SMS à Lexie.

Je ne rentre pas ce soir et je vais certainement rester quelques jours chez mes parents, je passerais prendre des affaires plus tard, bisous.

Je suppose qu'elle n'est pas en état de répondre, mais au moins elle verra le texto demain matin à son réveil.

— J'ai envoyé un message à Lexie pour qu'elle ne s'inquiète pas, elle va être contente d'avoir l'appartement pour elle et Logan.

— Et toi ? demande ma mère en cassant les œufs.

Elle me jette un regard qui voulait dire : tu le sais très bien. Oui, je sais de quoi elle parle, mais je désire qu'elle change de sujet.

— Quoi ? Moi ?

— Quand est – ce que tu te mettras avec quelqu'un ?

— Maman ! dis – je d'un ton las.

Elle lâche le rouleau à pâtisserie qu'elle vient de sortir d'un tiroir et se tourne vers moi.

— Quoi ? Si tu ne veux pas d'une relation sérieuse, fait toi au moins ramonée la cheminée, bon sang !

— Maman ! Ça ne te regarde pas. Dis – je en sentant le rouge me monter aux joues.

Elle reprend son rouleau et commence à étaler ce qui ressemble à une pâte sablée.

— Bien, ça ne me regarde pas, mais n'empêche que tous les hommes ne sont pas aussi néfastes que Greg.

Entendre son prénom me donne froid dans le dos.

— Je le sais.

Elle arrête de nouveau sa pâtisserie pour se tourner vers moi.

— Tu sais, ton père et moi, nous nous en voulons terriblement de ce qu'il t'a fait vivre.

Les larmes me montent aux yeux, repenser à cette période de ma vie est très douloureux. On m'avait dit que je serais heureuse avec lui. Qu'il était fait pour moi, que chaque instant ensemble serait joies et amour, je les avais crues, je lui avais fait confiance à lui et à ses belles paroles. Je n'aurais jamais pensé que ses mains qui autrefois me dorlotaient puissent un jour former des bleus sur ma peau. La douleur est ancrée profondément en moi. Une larme coule et vient s'échouer sur ma joue, ma mère la remarque et s'approche immédiatement pour me prendre dans ses bras.

— Ma chérie je ne savais pas que c'était encore si douloureux pour toi, souffle – t – elle.

Je renifle peu élégamment, la tête posée sur son l'épaule.

— À vrai dire moi non plus, avouais – je d'une voix tremblante.

Elle me berce pour apaiser les bruyants sanglots qui m'échappent. Soudain, un bruit sourd retentit, suivi d'un grognement.

— Satanées cannes de malheur, hurle mon père.

Ma mère et moi échangeons un regard complice, avant de nous mettre à rire. La tension dans mon corps se détend tandis que je ris sans plus pouvoir m'arrêter. Plus tard dans la nuit, mes parents vont se coucher et moi je me retrouve dans ma chambre d'adolescente. Rien n'a bougé, tout est resté identique depuis que je suis partie, il y a trois ans. Ma mère refuse que quiconque entre dans ma chambre à part moi. Elle a même refusé de laisser dormir ma tante Elsa quand celle – ci était de passage à Los Angeles, la pauvre a dû se contenter du divan. Ma mère n'a jamais vraiment accepté que je ne vive plus ici. Pour elle, partir vivre seule ou dans mon cas avec une amie est irresponsable. Tu devrais partir vivre avec un homme me répète – t – elle sans cesse. Je me souviens de la joie sur son visage quand je lui ai présenté Greg, malheureusement la joie a été de courte durée quand celui – ci a commencé à devenir violent. Après ça, ma mère m'a laissé tranquille avec les hommes, pendant deux ans, mais voilà que depuis quelques mois elle remet ça. Il y a un mois, elle m'a dit : ta cousine m'a annoncé le mois dernier qu'elle allait se marier, tu vas devoir trouver quelqu'un pour t'accompagner ! Mais quand je lui ai simplement dit que Lexie m'accompagnerait, j'ai bien cru qu'elle allait me tuer sur place. Je ne sais d'ailleurs toujours pas avec qui je vais me pointer à ce mariage. Si je m'y rends seule, je vais de nouveau être la cible de critique de toute la famille : elle est encore seule à vingt – trois ans, c'est à se demander si elle n'est pas lesbienne avec son amie. Et j'en passe et des meilleurs. Ils ne sont pas désagréables, juste très critiques surtout quand il s'agit de moi. Quand ils ont appris que mon travail consistait à lire des manuscrits, ils ont dit que ce n'était pas un véritable travail. Plus tard, quand je leur ai présenté Greg, il ne le trouvait pas très beau, bref mon entourage est très exigeant. Je me demande ce qu'ils penseraient de monsieur cheveux en bataille. Beaucoup trop bien pour moi c'est certain.