''Ces choses-là sont comme des tempêtes : on est d'abord transi, foudroyé, impuissant, puis le soleil revient ; on n'a pas complètement oublié l'expérience, mais on est remis du choc''
Kressmann Taylor
Du noir. Du silence. Je ne ressens plus rien. Suis-je (enfin) morte ? Mes membres sont engourdis. Une vive lumière m'aveugle. Une odeur de sang me prend à la gorge. Non, je suis toujours vivante. Je me rends compte qu'une voix familière me parle. Je ne sais pas ce qu'elle me dit, mais je reconnais cette voix. Une main affectueuse passe et repasse dans mes cheveux tandis que l'autre me serre le poignet pour faire cesser l'écoulement de sang. La voix continue à débiter un flot incessant de paroles rassurantes. Cette voix, c'est celle de Jess, ma meilleure amie. Je ne sais pas comment je suis arrivée à avoir une personne comme elle pour meilleure amie, mais c'est extraordinaire. Elle est, d'après moi, la première (et la seule) à avoir vu ma vraie personnalité sans s'enfuir et à ne pas prendre en compte les rumeurs contre moi. Ah, Jess. MA Jess.
Je l'ai rencontrée en traînant un soir, alors que j'étais occupée à repérer où étaient les coins sympas de cette ville. C'était quelques jours après la rentrée de cette année. Je l'ai croisée et ai continué à marcher, sans plus me préoccuper d'elle. Mais elle s'est arrêtée, a fait demi-tour et s'est mise à courir pour me rattraper. Puis elle m'a hélée :
- Hé ! J'te connais toi ! T'es dans ma classe ! Mais tu fais quoi toute seule comme ça dehors ? T'as pas peur ?'
-Non. ai-je répondu, ça m'arrive souvent.
-Moi aussi, j'aime bien, ça me vide la tête. me répondit-elle d'une voix étonnamment douce
Je suis étonnée, c'est la première fois que quelqu'un de mon âge me parle aussi gentiment, sans arrières pensées semble-t-il. Personne ne m'a jamais parlé sur ce ton. En général, tous ceux qui m'adressent la parole me parlent sèchement, d'un ton qui semble signifier que je suis une moins que rien, qu'il n'y a pas de place pour moi dans ce monde. Jess, elle, me parle d'un ton doux, sa voix est posée. Elle me parle gentiment. Ça me fait bizarre, je ne suis pas habituée à ce que l'on me parle aimablement.
- Ça te dit qu'on marche un peu ensemble ? me demanda-t-elle au bout d'un moment
- Heu... répondis-je, sur la défensive. Je sais pas...
- C'est comme tu veux, mais moi j'aimerais bien. insista-t-elle
- Si tu veux vraiment, pourquoi pas.
Et nous voilà parties toutes les deux, à bavarder tranquillement en marchant. Malgré mon envie de lui faire immédiatement confiance, je n'y arrive pas. Après tout, elle est peut-être comme toutes les autres ! Même si je refuse d'y penser, ça peut être un stratagème de plus pour me ridiculiser et me rabaisser ! Du genre ''nan mais t'as vraiment cru que je voulais qu'on devienne amies ?? Nan mais j'traîne pas avec des gamines dans ton genre, moi !'' Le lendemain, je retourne au même endroit, à la même heure, dans l'espoir ridicule de la revoir. Elle n'est pas là. Évidemment. C'est complètement débile de croire que j'ai une chance d'être à nouveau appréciée. Dans un infime espoir, je me mets à faire des allées et retours dans cette rue. Je reste là un quart d'heure. J'en ai marre de l'attendre, il faut que j'arrête de me faire des illusions, elle ne viendra pas, ni aujourd'hui, ni un autre jour. Je m'apprête à partir, dégoûtée de ne pas l'avoir revue et énervée contre moi-même de m'être encore une fois fait avoir quand j'entends quelqu'un m'interpeller : ''Hé ! Jeny ! Tu vas bien ? Je savais bien que je te trouverai là ! Je suis désolée, mon beau-père ne voulait pas me laisser sortir.'' Je me retourne, prête a donne une baffe à l'imbécile qui me demande ça car je sais pertinemment qu'il n'en a rien à faire. Mais, en me retournant, je m'aperçois que c'est Jess. Je baisse ma main et lui réponds joyeusement que oui, je vais bien. Et on recommence à discuter comme le jour précédent. Ça a continué pendant une semaine comme ça. Ensuite, elle m'a donné son numéro. On a alors commencé à se parler par SMS de temps en temps. Puis de plus en plus régulièrement. Et un jour on a commencé à s'appeler quand on ne pouvait pas se voir le soir. Évidemment, on reste tout le temps ensemble au collège. En plus elle est dans la même classe que moi ! Et puis, un jour, lors de notre sortie nocturne quotidienne, elle m'a annoncé qu'elle me considère comme sa meilleure amie. J'y croyais pas !! Elle et moi, meilleures amies !!! Ma vie aurait été parfaite si les autres élèves ne redoublaient pas d'ingéniosité pour me ridiculiser et me rabaisser. Au début j'avais peur que Jess ne me laisse tomber, comme tant d'autres avant elle. Mais mon inquiétude s'est révélée infondée. Nous sommes maintenant au début des vacances d'octobre et elle est toujours ma meilleure amie.
![](https://img.wattpad.com/cover/89391141-288-k571085.jpg)
VOUS LISEZ
Un destin entre deux pages
Teen FictionIl y a des jours avec. Il y a des jours sans. Un paquet de jours sans même. Depuis que j'ai eu l'âge de comprendre la vérité, je n'ai plus jamais souri. Moi, c'est Jeny Lee. Et je vais mourir, qu'importe le moyen. Et ce n'est sûrement pas un livre q...