• Chapitre 16 •

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''Vivre c'est foncer ou s'enfoncer''
Roseline Cardinal

- Êtes-vous Yvan ?

- Lui-même.

- Celui qui envoie des lettres et des photographies à Lynn Lee ?

- Oui. Pourquoi ? Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

Sa voix est devenue sèche, notre interlocuteur semble être sur la défensive. Léo me caresse la main, m'encourageant à parler à nouveau.

- Je suis sa fille. Et il y a des choses qu'il va falloir mettre au clair.

- Sa fille ? Mettre au clair ? Mais que me voulez-vous ?!

Il paraît complètement paniqué désormais. Je regrette de l'avoir mis dans cet état, mais je ne suis pas du genre à dévoiler ma vie privée par téléphone, encore plus quand je m'adresse à quelqu'un que je n'aie jamais vu. Je ne peux pas lui en dire beaucoup plus, mais j'espère qu'il acceptera de me rencontrer pour m'expliquer pourquoi il envoi des lettres à ma mère. Je sais que, face à lui, je parviendrai à voir si il dit la vérité, et ce sera plus facile d'obtenir des réponses si je lui parle de vive voix.

- Juste des réponses, Monsieur. J'ai besoin de combler le silence qui m'entoure. Si je dis samedi prochain, 16h au pont, cela vous convient-il ?

- Je ne crois pas avoir quelque chose de prévu. Mais pourquoi refusez-vous de m'en dire plus ?!

 Je sens qu'il commence à s'énerver, il est tant de mettre fin à cet appel. J'espère qu'il viendra réellement samedi, sinon mes doutes resteront intacts.

- Parfait. Nous nous y retrouveront donc, et j'aurai mes réponses. Merci encore.

Je me tais quelques instants, hésitante, puis ajoute quelques mots avant de raccrocher.

- A samedi, Papa.

Je raccroche sans lui laisser le temps de répliquer. Je laisse cogiter mon interlocuteur sur la signification de ce surnom. Comme j'ai appelé en masqué, il ne pourra pas me joindre à nouveau pour me demander des explications, et je suis fière de mon initiative. J'ai donc rendez-vous dans deux jours avec celui qui semble être mon père.

Léo s'est effacé, bien que son bras soit autour de ma taille depuis qu'il s'est déplacé plus près de moi. Il ne parle pas, me laissant gentiment le temps de rassembler mes pensées, d'éloigner mes doutes et de m'accrocher à l'espoir d'avoir mis la main sur l'homme qui est à l'origine de ma conception, qui qu'il soit. Le silence m'enveloppe et m'apaise, tant et si bien que je finis par m'endormir, la tête reposant sur l'épaule de mon petit ami et bercée par la respiration de celui-ci.

***

Je rêve.

Je rêve. C'est certain. Je ne peux pas réellement être ici. J'espère en tout cas. C'est confus. Ce qui m'entoure est totalement masqué par une sorte de brouillard très dense. Je ne parviens pas à voir où je suis. Mon cœur s'emballe et mes muscles se tendent. Je suis prête à bondir, à fuir le plus loin possible de cet endroit. Fuir, mais où ? Je sens que quelque chose m'attache à cet endroit. Sans savoir pourquoi, j'ai l'impression de devoir faire quelque chose avant de partir. Je tourne sur moi-même pour tenter de percer l'étrange brouillard. J'inspire à pleins poumons pour me calmer. Une odeur âcre envahit immédiatement mes narines. L'odeur de la fumée. Elle s'insinue en moi, inonde mon corps, et pourtant je ne suffoque pas. Elle m'apaise même. En me concentrant, j'arrive à distinguer deux formes rectangulaires en face de moi. Je ne sais pas ce que c'est. Je ne suis pas sûre de vouloir le savoir. Et pourtant, je me sens comme obligée d'aller voir. La curiosité, sans doute.

Un destin entre deux pagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant