4 murs et une fille.

Jour 5915

Il fait nuit. Je ne dors pas, je regarde l'autre. Il est allongé sur le lit qu'ils ont apporté et me tourne le dos. Il n'a pas parlé. Je ne sais pas si il dort, mais je ne pense pas, personne ne pourrait dormir. Cela fait 677 minutes que je l'observe. Comme dans mon rêve, il me fait peur. Tout s'est déroulé comme dans mon rêve, absolument tout. À une exception, son visage et son apparence ne disparaissent que par la faute de la luminosité descendante. Il est grand, enfin plus grand que moi, je n'ai que moi comme référence donc c'est difficile. Il a un corps assez fin, maigre je crois qu'on dit mais je ne suis pas sûre, il a des vêtements noirs, que noir, avec le vert de l'herbe, le bleu du ciel, le jaune orange rouge du soleil, le blanc du givre, le gris des murs et le rouge de mon sang, c'est une des rares couleurs que je connais. Il a des épaules larges, bien plus que les miennes, et il n'a pas de poitrine, donc c'est un homme. Il se tourne. Il dort ou il fait semblant, toujours est-il que ses yeux sont fermés. Je ne connais pas leur couleur, je les ai vus mais j'étais incapable de nommer leur couleur, elle n'était comme rien que je connaissais. Je profite que son esprit se soit absenté pour le détailler. Il a une bouche plutôt grande, mais pas trop, juste plus que la mienne. J'ai l'impression que ses joues sont colorées, mais la pénombre qui règne m'empêche de le certifier. Ses cheveux sont très courts et très foncés, presqu'autant que les miens. Tout le bas de son visage est plus sombre que le haut. Je ne comprends pas. Comment cela est-il possible ? Il a de la peau comme la mienne, je l'ai vu quand je lui ai retiré le sac, mais je n'ai rien remarqué de particulier. Ce n'est que maintenant.

J'ai envie de me lever, d'aller voir, de vérifier par mes propres yeux ce que je crois apercevoir dans le noir. Mais j'ai peur. Si je m'approche de lui, je suis à sa merci. Je ne veux pas. Mais j'ai besoin de savoir. Mon esprit s'échauffe. Ma peur et ma curiosité s'affrontent dans un duel hargneux. J'hésite. Je ne veux pas le regretter. J'ai peur de regretter, mais ma curiosité l'emporte. J'ai besoin de savoir. Je me lève. Je vais jusqu'à son lit et m'agenouille en silence. Je le regarde et détaille tout son visage. Je suis assez proche pour observer les plis de sa peau. Une fois encore j'ai envie d'en savoir plus. Je ne peux le contenter de ce que je vois, et pour m'assurer que lui est bien réel, je lève la main et l'approche lentement. J'effleure du bout de mes doigts sa peau. Elle est lisse, agréable à toucher, plus que les murs, plus que le sol, un peu comme la mienne. Mais quand je descends là où tout est plus sombre, sa peau devient râpeuse, comme si elle allait m'écorcher les mains, mais je suis convaincue que ce n'est pas possible. Je suis tellement occupée à l'explorer que je ne remarque pas ses yeux qui m'observent et me détaillent eux aussi. Mes doigts remontent et arrivent à ses pommettes. Mes yeux les suivent et rencontrent les siens. Je ne bouge pas, je reste là, à l'observer. Puis soudain, ma peur qui s'était endormie se réveille et je fais un bond en arrière. Je m'enfuis aussi loin que me le permet la pièce et comme prévu la veille, je me recroqueville dans un coin de mon lit.

Il n'a pas bougé. Il me regarde toujours. Je suis incapable de définir son expression, je suis persuadée qu'elle a une signification, mais je n'en sais rien. Je ne sais pas à quoi je ressemble et du coup je ne peux pas définir mes expressions en rapport à mon humeur. Il ne détaille pas que mon corps, il détaille aussi mon corps que je tente de cacher du mieux que je peux. Je n'ai pas peur qu'il pense des choses de moi, juste qu'il définisse quelles sont mes faiblesses, et qu'il ai complètement avantage sur moi. Je ne veux pas être plus faible que lui, question de survie. Je n'aspire qu'à vivre. Il s'assoit, toujours en me regardant, et je me note mentalement ce 5915ème jour de ma vie, jour où quelqu'un me parla pour la première fois.

NDA : j'espère que vous aimez bien l'histoire et je vous remercie grandement, vous qui commentez, lisez et notez.
Bisous...