- Oui.- Et tu n'as pas pensé à me réveiller ? me demande Elijah.
- Non, l'air du dehors m'attirait. C'est comme si celui de la cellule avait été aspiré. Comme s'il n'était plus assez bien pour être respiré. Comme si celui du dehors était plus pur.
- Plus pur ?
- Oui.
- Que veux-tu dire par là ?
- Je ne sais pas trop. Il me manque des mots pour pouvoir exprimer ce que je ressent, mais ce serait comme si l'air dans cette cellule était mauvais.
- Mauvais...
- Comme si mes nombreuses pensées pendant toutes ces années et récemment les tiennes étaient dans l'air et qu'à chaque fois que j'inspire j'ai l'impression de récupérer une de ces pensées.
- Est-ce un mal ?
- Oui ça l'est. J'aimerai pouvoir aller de l'avant et si je recommence à penser à quelque chose auquel j'ai déjà pensé alors je n'avance pas. Je recule.
- Tu n'as jamais pensé qu'en voyant ou pensant une seconde fois à la même chose, peut-être que tu évoluais vers l'avant ? Que justement cela te permettait de faire évoluer ta pensée, de la forcer à explorer une idée plus que tu ne l'avais jamais fait ? Et que c'était seulement ainsi que tu allais de l'avant ?
Je reste silencieuse, à le regarder. Tout ce qu'il a dit fait sens, mais il remet aussi en cause tout ce en quoi j'ai cru. Jusqu'aujourd'hui, je pensais que je ne sortirai jamais de cette cellule. Jusqu'aujourd'hui, je pensais qu'en étant enfermée dans cette minuscule pièce tout était plus grand que moi, plus important que moi, plus intelligent que moi. Même un arbre était plus intelligent, avait plus de valeur que j'en avais car je pensais qu'au moins lui savait ce qu'il faisait, pourquoi il était à cet endroit précis et pourquoi il vivait. J'ai peut-être tord. Peut-être qu'il y a une raison pour laquelle je suis là. Peut-être que quelqu'un, quelque part dans le vaste monde du dehors veut que je pense, que je grandisse seule, que mon identité se forme sans être envahie de tout ce qui aurait pu l'altérer au-dehors.
Je pensais n'être personne avant qu'Elijah arrive. Je pensais qu'il m'avait fait devenir quelqu'un en me donnant un nom. Mais la réalité c'est que j'étais quelqu'un bien avant qu'il arrive.
J'étais moi et je suis moi.
Néanmoins, il est faux de dire qu'Elijah ne m'a pas permis d'aller encore plus en avant vers la connaissance de moi-même. Il m'a donné un moyen de communiquer. De dire ce que je ressent.
Il est toujours devant moi, debout, muet, à me regarder de ses yeux profonds. Il donne l'impression de lire au fond de moi et de comprendre toutes les pensées qui se forment dans ma petite tête. Il y a une chose dont je suis sûre c'est qu'il ne me juge pas et ne me jugera jamais.
- Il y avait une maison, je commence, avec quelqu'un qui me regardait. J'ai eu peur qu'il me fasse du mal alors je suis revenue ici. C'est sûrement difficile à comprendre mais cet endroit fait partie de ce qui me fait sentir moi, alors c'est comme ma maison.
- Je comprends, mais n'as-tu pas envie de découvrir des tas d'endroits excitants, d'apprendre d'autres langues, d'autres savoirs, de rencontrer des gens ? Peut-être même retrouver tes parents ? Et comprendre pourquoi tu es là ?
- Bien sûr que si ! Mais il y a cette peur qui me serre le ventre quand je pense à combien l'extérieur est immense.
- Tu as raison d'avoir peur, mais je ne vais pas t'abandonner comme cela. Pour beaucoup de détails tu me fais penser à mes sœurs, et je pense qu'en peu de temps je t'ai adopté. Tu es ma nouvelle sœur et un frère n'abandonne pas sa sœur.
Elijah fait un pas en avant et me prend dans ses bras. Je crois que l'on appelle cela un câlin. Ma tête repose contre son épaule, et ses bras m'entourent avec force. Nous restons longtemps comme cela.
Il se détache, prend ma main dans la sienne, la serre et s'avance vers le monde avec moi à ses côtés.
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4 murs et une fille.
RomanceElle s'est réveillée un jour entre ces 4 murs. Elle ne sait plus qui elle est mais elle compte, elle compte le temps qu'elle passe dans sa cellule et essaie de ne pas devenir folle. Elle n'est jamais allée à l'école mais un compagnon de fortune, pui...