La nuit de tous les dangers

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Deux jours après l'arrivée en Thaïlande, le soir.

Louise

Je cours dans la forêt, aussi furieuse que honteuse. Summer vient de me pousser violemment d'une pente de sable. J'ai les cheveux en bataille, un trou dans mon débardeur et deux bleus sur la cuisse gauche qui me font horriblement souffrir. Mais malgré ma colère, je ne peux m'empêcher de me dire que je l'ai bien mérité.

Le problème avec moi, c'est que je suis odieuse. C'est dans ma nature ; je me comporte souvent en vraie garce. Pourtant, je n'ai pas voulu blesser mon amie, mais mes mots ont dépassé ma pensée, et maintenant, il est trop tard. Je songe un instant que je pourrais faire demi-tour, aller m'excuser, et en quelques secondes, tout serait pardonné. Nous rentrerions au camping, puis nous ferions griller des marshmallows en riant, avant de nous glisser dans nos lits moelleux. Mais mon orgueil et ma fierté me dictent de rester dans cette sombre forêt, et je les écoute.

J'ai de plus en plus froid, et la nuit commence à tomber. Pourtant, je marche encore. Je ne sais pas vraiment où je vais, mais une chose est sûre, j'y vais. Je pénètre dans une petite clairière, qui est faiblement éclairée par la lune, pâle dans le ciel sombre. Je me laisse tomber sur une pierre, mais je me redresse en sursautant ; il y a quelqu'un d'autre ici. Un bras sort de l'ombre, puis une jambe, et enfin un visage que je connais déjà apparaît. Je recule, choquée.

« -Toi, je murmure.

-Moi, rétorque-t-il.

-Qu-qu'est ce que tu fais là ? je bégaie, effarée.

-Je pourrais te retourner la question », dit-il en plongeant ses yeux dans les miens.

Ce calme glacial n'annonce rien de bon. Je recule légèrement. Il prend une petite pierre entre ses mains, et la lance en l'air, puis la rattrape en me fixant d'un air neutre. Mon cœur bat à cent à l'heure.

« -Je t'ai aperçu tout à l'heure, je dis en tentant de paraître calme et maîtresse de moi-même. Tu étais derrière les arbres.

-Possible », répond-il.

Je reprend doucement ma respiration.

« -À propos de ce qu'il s'est passé l'autre jour... »

Il ne prononce pas un mot. Je continue, sachant pertinemment que je m'aventure sur un terrain glissant.

« -Je suis désolée. Pour tout ce que j'ai dit. Je sais que j'ai pu être blessante, et je... (je ferme les yeux.) Je m'excuse, O.K ? Je regrette vraiment. Je n'avais pas l'intention de te faire autant de mal. D'ailleurs, je n'avais pas l'intention de t'en faire du tout. Je veux dire... Je suis désolée. Comme ça tu le sais. »

Je commence à tourner les talons pour m'en aller, raide comme un piquet. J'espère qu'il va lâcher l'affaire, mais ce n'est pas le cas. Derrière moi, j'entends un léger rire. Je me retourne. Il est bien en train de rire, de s'esclaffer, de plus en plus fort. Son rire devient oppressant, presque terrifiant, puis il se calme et lève la tête vers moi. Ses yeux n'ont jamais été aussi sombre, et toute trace de gentillesse ou de sourire a disparu de son visage. Pour la première fois, j'ai peur devant lui.

« -Tu es... désolée ? Parce que tu crois qu'il suffit d'être désolée pour être pardonnée ? Tu es encore plus stupide que je ne le croyais. »

À présent, ses yeux sont noirs de fureur. Soudain, il bondit et me prend par la gorge, puis me soulève haut. Je tente de lui faire lâcher prise, mais il continue à serrer de plus en plus fort. J'étouffe. Je tente de crier mais seul un petit gémissement s'échappe de ma bouche. D'un coup, il me lâche. Je tombe par terre en criant. Mes longs cheveux blonds me fouettent le dos, mes dents s'entrechoquent, et je sens le goût du sang dans ma bouche ; je me suis mordu la langue violemment. Il me dévisage, et dans son regard, je lis un mépris et une haine non-dissimulés.

Soudain, une certitude s'empare de moi : celui qui se tient en face de moi est un aliéné fou furieux. Et en même temps, une autre pensée me traverse l'esprit, me remplissant d'effroi : il ne me laissera pas repartir d'ici vivante. Je me relève, non sans difficulté, tandis que je réfléchis à toute vitesse.

Gagne du temps, je pense. C'est ta seule issue.

« -Qu'est-ce que tu veux, exactement ? je demande du ton le plus venimeux que possible.

-Ce que je veux ? répond-t-il. C'est pourtant simple, Honey ; avant, je te voulais, toi. Maintenant, je te veux toujours... Mais morte, crache-t-il avec un sourire qui n'annonce rien de bon. »

Je respire fort. Ma peur se confirme, mais je ne dois pas flancher.

« -Et une fois que tu m'auras tuée, que feras-tu ? »

Je demande cela sur le même ton que si je lui demandais quel temps il fera demain.

« -Après, ce ne sera pas terminé. Je veux que tes proches souffrent aussi. Je tuerais aussi ta meilleure amie, cette blondasse avec qui tu t'es disputée tout à l'heure. »

J'ai l'impression qu'il vient de me gifler. Est ce qu'il est en train de parler de Summer ? Summer, ma meilleure amie depuis que je suis toute petite ? Summer, ma confidente, ma sœur, mon autre moitié ? Summer, celle qui vient de me pousser dans le sable avant de me laisser partir sans ajouter un mot ?

« -Tu... tu ne peux pas faire ça », je bégaie.

Il se contente de sourire étrangement.

« -Bien sûr que je peux. Et tu sais quoi ? Je ne m'arrêterai que lorsque je serais mort. »

Mon sang se glace dans mes veines. Je n'ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. Il se rapproche alors de moi et me fixe longuement. Son regard est indéchiffrable. Puis il chuchote dans un rictus effroyable :

« -Ce sera la dernière fois, chérie... avant que tu ne meures. »

Il se penche et m'embrasse. Je suis aussi surprise que dégoûtée. Je tente de me débattre mais il ne me lâche pas. J'ai un goût amer dans la bouche, et dans un accès de violence, je lui donne un coup de genou entre les jambes. Il s'écarte en criant, et j'en profite pour lui asséner un coup de chaussures à talons dans le ventre. En gémissant, il se plie en deux. Je me mets alors à courir en direction de la sortie, mais quelque chose me bloque ; il me retient par la cheville. Je hurle et tombe sur une pierre coupante, avec la sensation de m'ouvrir le menton en deux. Il met alors tout son poids sur moi pour que je ne puisse plus bouger, me prend le bras et coince ma jambe sous la sienne. Son beau visage est déformé par la haine et la douleur.

« -Sale petite garce ! s'écrie-t-il. Tu vas payer ! »

C'est à peine si je l'entends. C'est à peine si je vois ses lèvres remuer, sa main libre attraper une grosse pierre. En fait, c'est à peine si je suis encore consciente. J'ai échoué. Je n'ai pas réussi à m'enfuir à temps, et maintenant, je vais le payer de ma vie.

Bizarrement, je ne suis pas terrifiée, ni même triste à l'idée de mourir. Je ressens plutôt une sorte de résignation déterminée. J'ai simplement de la peine pour mes proches et ma famille. Je pense que ça sera très dur pour eux.

Comme je sais que c'est bientôt la fin, je tente de ne pas penser à mon assassin. Je fais un vœu pour mon père, ma mère et mes frères. Je pense très fort aussi à Gizem et Summer. Elles vont tellement me manquer. La dernière personne à qui je pense, c'est Summer. Je revoie en pensée son visage, ses yeux pétillants, ses cheveux blonds, et je me concentre sur cette image. J'y pense si fort que je ne vois même pas Zack lever la lourde pierre, avant de l'asséner violemment sur mon crâne.

Deadly SummerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant