La rentrée

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Mon réveil sonne. Je suis toujours aussi sereine pour ce nouveau grand jour, je me réveille 1h plus tôt pour me lisser les cheveux et me faire un maquillage un oeu plus poussé, sans prendre compte des réprimandes de ma mères.
J'ouvre mes volets : Une fine pluie tombe sur la forêt, accompagnée d'un petit vent frais. Je décide de laisser tomber le lissage et je file prendre ma douche. Avoir sa propre salle de bain, c'est vraiment cool. Pas de Martin pressé qui m'insulte en toquant à la porte en me disant que je prends trop de temps à me préparer, pas de maman qui me hurle de ramasser ma serviette de bain que j'ai laissé par terre. Je prends tout mon temps, puis j'enfile un jean basique et un pull beige sur un t-shirt noir. Je n'oublie pas de mettre ma bague, cette bague que Charly m'a offerte pour mes 15 ans. Je la porte tous les jours, comme une alliance. J'aimerais beaucoup me marier plus tard, je trouve cette idée féerique.
J'attache mes cheveux en un chignon rapide pas très élaboré et laisse retomber quelques fines mèches sur mon visage. Je vais discrètement dans la salle de bain de ma mère chercher sa trousse de maquillage, et je mets du fond de teint sur mes taches de rousseur, ainsi que mon mascara et mon crayon à sourcils habituels.
Je souligne ce style simple par ma paire de Van's blanche que je traine depuis deux ans et qui est maintenant nuancée de gris.
Je descend et prépare le petit déjeuner pour tout le monde, puis en attendant que maman et Martin se lèvent, j'appelle Lili, parce que j'ai besoin de parler à ma meilleure amie. Je sais qu'elle sera réveillée, elle se prépare toujours à l'avance.
- Allô Abby ?
- Oui Lili, tu vas bien ?
- Tout va pour le mieux, j'ai passé le week-end chez Madison, elle m'a pris en photo pour envoyer à un casting. Et toi ?
- Tout va bien, j'ai passé le week-end à faire des activités en famille, j'ai obtenu un stage en tant que serveuse dans un café. Un casting ? C'est trop cool ! Un casting pour quoi ?
- Pour un second rôle dans une comédie française, je suis vraiment trop pressée de savoir si je suis prise ! Les critères correspondent parfaitement, je pense que j'ai mes chances.
J'entends ma mère et Martin discuter en descendant les escaliers.
- J'espère que tu seras prise, Lili, je dois te laisser, on s'appelle bientôt, bisous !
- Bisous, je t'apellerai pour te dire tout ça, bonne rentrée !
Je suis contente d'avoir Lili dans ma vie. Des fois, elle est un peu trop sure d'elle mais elle n'a pas beaucoup de défauts. Elle est très appréciée au lycée.
Ma mère me regarde, l'air endormi, malgré son maquillage et son brushing parfaits et sa belle robe. Ma mère est toujours bien apprêtée, elle pourrait jouer dans une série américaine. Martin a hérité de ce don pour la perfection.
Nous mangeons, nous nous lavons les dents et c'est parti. Nous déposons d'abord Martin au collège, un petit bâtiment avec une petite cour, il doit y avoir environ 300 élèves. Martin a l'air un peu dégoûté, lui qui aime tant les grands espaces. Il descend de la voiture à contrecœur, il me regarde et je lis l'appréhension sur son visage. Je lui souris pour le rassurer, il me sourit à son tour et s'en va.
Mon tour arrive, je descend après avoir embrassé ma mère et j'arrive dans une petite cour avec quelques arbres, des bancs et le réfectoire au dessus d'un préau. Ce petit extérieur est entouré par trois batiments. Je me sens seule, le temps avant le début des cours commence à paraître long, quand une fille brune au regard noisette pétillant s'approche de moi.
- Excuse moi, c'est toi Abigaëlle ?
- Euh... oui c'est moi, tu peux m'appeller Abby.
- Enchantée Abby ! Je m'appelle Diane. Nous sommes dans la même classe, ça fait plus d'une semaine que notre professeur principal Mr. Haddock nous a parlé de ton arrivée, et je me suis dit que ça devait être dur pour toi et que je n'allais pas te laisser seule !
Je la regarde et lui sourit. Je ressens de l'affection pour cette fille qui ne me connait pas et qui pourtant cherche à m'aider.
- Enchantée Diane, merci d'être là, ça me touche.
La sonnerie retentit. Nous allons nous ranger et nous entrons en classe. Le professeur est un monsieur qui doit avoir la quarantaine, il porte la barbe de trois jours et ses cheveux sont coupés courts. Il porte un pantalon de smoking noir avec une chemise grise parfaitement repassée. Il a un regard profond. Il m'attrappe le bras pendant que les autres élèves s'installent, ce qui le force à rester debout face à une classe d'environ 30 lycéens me fixant avec l'air endormi. Diane est assise tout devant, au milieu, elle me sourit. Tout le monde a les yeux rivés sur moi, sauf un garçon assis tout au fond, avec personne à côté de lui, qui fixe le plafond. Le professeur se racle la gorge :
- Bonjour à tous, aujourd'hui nous accueillons parmi nous une nouvelle élève, Abigaëlle Meraud, qui sera parmi nous jusqu'à la fin de l'année au moins. Votre professeur principal Mr. Haddock compte sur vous pour l'accueillir comme il se doit. Enchanté Abigaëlle, je suis Mr. Jerry, ton professeur de français. Tu peux aller t'asseoir à côté de Diane ou de Justin.
Vu les yeux brillants de Diane je ne réfléchis pas et je vais m'asseoir à côté d'elle, devant, quand une voix grave et douce me perturbe :
- Encore une intello, on en avait pas assez d'une ?
Je me retourne et croise le regard du garçon du fond. Il me fixe de ses yeux bleus, et il me dit :
- Quoi ? C'est de toi que je parle, ouai !
Le professeur crie.
- Tais-toi, Justin, tu ne vas pas t'y mettre dès la première heure ! Ne t'en fais pas Abigaëlle, ce garnement se nourrit de tes tourments.
Je ris intérieurement. C'est bien un professeur de français.
La récréation arrive vite, Diane en profite pour me raconter plein d'anecdotes, que je n'arrive pas à écouter car je suis concentrée sur ce garçon sous le préau, avec un sweatshirt à capuche. De la fumée s'échappe de sa bouche. Je ne distingue pas son visage. Soudain il tourne la tête vers moi, et je croise son regard bleu. Justin. Je ne le connais pas, mais il a l'air vraiment malsain. Il a quand même un beau regard. Je coupe Diane pour lui poser une question.
- C'est qui, le garçon, là, sous le préau ?
- Justin ? Il a 18 ans, il a redoublé deux fois, il n'a aucun ami ici. Il voit des gens en dehors du lycée, une fois une fille du lycée a dit l'avoir vu avec une bande de dealers, et ils l'auraient menacée avec un coûteau.
- Menacée de quoi ?
- De la violer si elle ne leur filait pas sa carte bleue.
Je suis choquée d'apprendre ça, j'ai immédiatement peur de lui. Il me jette un regard furtif, j'essaie de détourner mon regard mais je n'y arrive pas. Je distingue un sourire sur ses lèvres, et je remarque qu'il a une faussette. Je ne peux pas m'empêcher de sourire bêtement, quand Diane me dit :
- Ne le regarde pas comme ça, je t'en prie.
- Je ne le regardais pas.
Je ne me vois pas mais je suis sure que je suis rouge de honte. C'est vrai, pourquoi est-ce-que je le regarde ? Il n'est même pas beau ! Et puis le seul garçon qui m'intéresse, c'est Charly. Charly ! Je l'avais oublié. Non, je ne peux pas oublier Charly !
Mes pensées vont à toute vitesse, quand soudain :
- Est-ce-que tu vas bien ?
Je reviens à mes esprits. Justin est devant moi, il a retiré sa capuche, ce qui laisse apparaître ses cheveux blonds en bataille. Il tient une cigarette dans sa main. Il a une prestance incroyable, grand d'une tête de plus que moi. J'ai peur. Je commence à paniquer intérieurement, je le fixe comme une enfant se faisant gronder par un adulte
- Oui et toi ?
J'essaie de paraître naturelle, et sympathique. Ce à quoi il me répond:
- Tu me fixes depuis tout à l'heure, je voulais juste savoir pourquoi. Ne me pose pas de questions comme ça, on ne se connait pas.
Je suis brisée par cette réponse. À quoi bon être touchée par un connard qui n'a aucune vie et des mauvaises fréquentations ? Il s'en va, disparaît sous le préau et ne se retourne pas. Diane me regarde, l'air incompréhensif.
- Wow, estime toi heureuse qu'il ne t'ai pas égorgée !
Je ris jaune. La journée passe lentement. Entre les monologues de Diane et mes pensées qui voguent vers Justin, les regards furtifs que je lui jette discrètement. Je dois me l'avouer: je le trouve terriblement beau et attirant. Mais bon, je suis déjà amoureuse de Charly, je ne peux pas être amoureuse de lui !
Le soir je sors du lycée, puis j'attends ma mère. J'attends, j'attends, j'attends... Si bien qu'il ne reste plus personne devant le lycée, seulement moi. Je lui envoie un sms.
"-Keske tu fais maman ? Je suis toute seule devant le lycée depuis trois quarts d'heures"
J'attends sa réponse, qui arrive eux minutes plus tard.
"-Je parle avec le professeur principal de Martin, j'arrive dans 15 minutes."
Je lâche à voix haute un :
- Putain elle pouvait pas prévenir ?
Je suis abritée sous l'abribus, assise sur une banquette, quand soudain quelqu'un s'asseoit à côté de moi, doucement. Je reconnaît cette douce odeur de parfum que j'ai sentie le matin même, l'odeur de Justin.
- Alors comme ça tu es nouvelle ?
Il est marrant, lui, je pensais qu'on ne devait pas parler.
- Ce n'est pas toi qui ne voulait pas me parler ?
- Ne pose pas de questions, c'est tout.
- Et pourquoi ?
- J'ai dis pas de questions.
Il me regarde, il sourit. Il est encore en train de fumer. Je suis vraiment heureuse de lui parler. Je ne sais même pas pourquoi.
- Oui, je viens de Paris.
- C'est bien, là bas ?
- C'est rapide, c'est oppressant parfois, mais j'aimais bien être là bas.
- C'est normal, si ton petit copain y est.
- Comment tu sais que j'ai un petit copain ?
- La bague à ton doigt. Cadeau typique du petit copain chiant et parfait.
Je vois la voiture de ma mère arriver. Je me lève, et je lui dit:
- Peut être qu'il est chiant et parfait, mais je l'aime.
Il rit et je distingue ses dents, elles sont si blanches pour un garçon qui fume ! Son rire est rassurant et me fait oublier ma peur de lui.
- À demain Abigaëlle, je suis désolé de t'avoir mal parlé ce matin. Si tu as des questions, n'hésite pas.
Je suis surprise qu'il soit gentil, il ne doit pas avoir l'habitude de se comporter avec sympathie, alors je lui rend la pareille.
Tu peux m'appeller Abby, si ça t'arrange.
Je lui souris. Il me regarde d'un regard bleu, non, azur, un regard vide et en même temps si expressif, des yeux brillants, des yeux enflammés.
- Pourquoi raccourcir un si beau prénom ? Je préfère t'appeler Abigaëlle.
Son compliment me touche, il essaie d'être gentil avec moi. Il me drague ? Oui, peut être. Non, je ne crois pas.
Dans la voiture, j'envoie un message à Diane, car j'ai pris son numéro de téléphone.
"- J'ai parlé avec Justin. Il s'est excusé pour ce matin. Il est gentil, en fait. Ce que tu m'as dit de lui, ce doit être des rumeurs.
- S'il te plaît fais attention à lui. Je sais de quoi il est capable."
Je suis contre les préjugés, et ce qu'elle me dit me vexe. Je ne sais pas pourquoi ça m'atteint.
"- Je pense que ce que cette fille a dit, elle l'a inventé pour lui nuire.
- Cette fille, c'est moi."

AbbyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant