III.

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Lise et Anne se hâtèrent sur les berges du lac. Leur mère minaudait juste derrière avec le Duc et un jeune comte de Sorel qui avait été invité pour la balade en barque. Barbe Bleue s'approcha des deux jeunes filles et leur tendit la main tour à tour pour les aider à grimper dans l'embarcation qui tanguait dangereusement. Lise, qui n'était jamais monté sur un bateau, remonta sa robe jusqu'à mi-mollets et avança un pied hésitant. Le Duc rit légèrement en la prit par la taille pour la soulever. Ils entrèrent à deux dans la barque et Lise rosit légèrement. Sa sœur s'installa face au Comte de Sorel et leur mère à la proue du bateau. Un villageois qui s'occupait des balades en barques détacha la corde qui retenait leur véhicule flottant et les poussa d'un coup de pied modéré pour que le bateau avance.

Il faisait beau et chaud, la surface du lac réfléchissait comme un miroir moderne les visages des plaisanciers. Lise inspira une grande bouffée d'air frais, toute heureuse et sans arrière pensées. Les arbres se penchaient vers la petite famille réunie dans l'embarcation, le soleil brûlant, plus brûlant que jamais illuminait le lac entier qui scintillait comme paré de diamants. Lise ajusta ses jupons aérés et se tordit le cou pour voir ou les emmenaient le Duc, qui pagayait comme s'il n'avait fait que cela de sa vie.

Ils s'avancèrent enfin vers une sorte d'îlot qui se dressait, seul et fier, au beau milieu des flots. La barque s'encra dans le sable herbeux et la Barbe Bleue en descendit prestement. Les femmes puis le comte l'imitèrent, puis les deux hommes remontèrent le petit bateau sur les berges afin de ne pas le perdre de vue. La Barbe Bleue sortit également de sous les banquettes humides un beau panier d'osier, qu'il ouvrit joyeusement. Dedans reposaient mets succulents et simples à manger.

Ils commencèrent par la viande, puis terminèrent très rapidement le repas. La mère de Lise et Anne s'écarta d'eux pour aller s'allonger à l'ombre d'un petit arbre, où elle s'endormit. Anne et le Comte Sorel s'éclipsèrent sur les bords de l'île, laissant Lise et la Barbe Bleue seuls sur la nappe qui se dressait entre eux et le sol. Gênée, Lise défroissa machinalement sa robe et se concentra sur un ourlet.

- Le repas vous a plu ? demanda subitement le duc en tournant son regard bleu glacier vers elle.

- Il était parfait, assura Lise. Les œufs, le poulet... tout était délicieux, j'ai adoré.

- Content de vous l'entendre dire. Cela vous plairait-il une balade dans les bois ?

Lise leva la tête vers les arbres qui étaient les seuls créateurs d'ombre sous ce soleil de midi. Certes, ses dentelles étaient espacées et légères mais elle mourrait de chaud, alors elle accepta.

Ils discutèrent un peu alors qu'ils évitaient les arbres en riant. Lise dévisagea son compagnon ; décidemment, elle le trouvait de plus en plus séduisant. Ou sa barbe de moins en moins bleue. Elle ne la choquait plus tant que ça, les villageois exagéraient beaucoup sur ce détail de personnalité.

La Barbe Bleue paraissait très à l'aise avec elle, il riait et bavardait allègrement sans se soucier d'être entendu. Lise avait de plus en plus chaud et se sentait rougir alors qu'il faisait beaucoup plus fais à l'abri des chênes et peupliers que sur la plage ou sur le bateau.

Finalement, les deux s'arrêtèrent sur un rocher. Ils étaient essoufflés, et riaient à n'en plus finir.

La Barbe Bleue #JustWriteItOù les histoires vivent. Découvrez maintenant