VII.

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La soirée fut beaucoup plus tranquille que la veille. Lise avait invité sa sœur à la maison pour bavarder un peu de sa nouvelle vie et demander des nouvelles de sa mère et de leurs deux grands frères parts s'engager comme mousquetaire et dragon respectivement. Henry avait invité le comte de Sorel et le repas dut très animé après un bon civet de lapin dégoté par le duc.

Enfin, alors que les deux hommes battaient les cartes au coin du feu, les deux sœurs montèrent à l'étage et s'installèrent dans un boudoir entièrement dédié à Lise, aux tentures à fleurs brodées. Elles s'installèrent sur deux poufs voisins et se lancèrent dans des discussions.

- Alors, cette vie de duchesse ? demanda finalement Anne en se penchant en avant pour entendre la réponse de sa sœur.

Lise tressaillit en repensant à toute l'affaire qui l'avait occupée ce matin. Elle ne savait pas si elle devait en parler à sa sœur ou non. A bien y réfléchir, ce n'était peut-être pas une bonne idée. Du moins pas maintenant.

- C'est très bien. Je lis beaucoup, Henry part à la chasse... je suis traitée comme une princesse, reprit Lise avec un petit sourire en pensant à l'ennui du matin même.

- Les employés sont gentils avec toi ? insista encore Anne.

- Très. Sauf la gouvernante, madame Gislaine, qui est un peu sévère. Mais je suis sûre qu'au fond elle a un cœur d'or...

- Tu as pu entrer dans le fameux cabinet du duc alors ? relança sa sœur, un peu curieuse et excitée.

Lise rougit et perdit son sourire. La question plana dans l'air un instant, au grand désarroi de la jeune rouquine. Après tout, elle allait peut-être le découvrir plus tard. Elle devait se faire des films...

Sa sœur était à présent penchée de tout son buste vers elle, attendant la réponse avec impatience. Les commérages étaient tellement nombreux sur ce cabanon...

- Je n'ai pas pu y aller aujourd'hui, j'étais légèrement souffrante, éluda Lise avec un sourire navré. Mais la prochaine fois que tu viendras, je te promets que tu auras le droit à tous les détails.

- Oh, souffla Anne un peu déçue. Bon, tant pis. Vivement la prochaine fois alors !

Elles rirent encore un peu ensembles puis redescendirent au salon. Les deux hommes de la maisonnée marchaient à présent au cognac et riaient comme des bossus devant leur jeu d'échec. Le comte de Sorel était complètement déluré et se faisait battre à plate couture par le duc.

- Je jamais jouer face à plus sobre que soi, plaisanta Anne en lorgnant sur les deux figures masculines d'un œil presque tendre.

- Je vais gagner ! brailla le comte de Sorel avec un accent traînant qui fit sourire les deux jeunes filles et presque madame Claire.

La soirée se finit vers vingt-deux heures et les invités quittèrent ensemble la maison. Comme la veille, le calme semblait s'insinuer dans les murs de la villa après leur départ. Henry rangea le jeu d'échec d'un air détendu, tranquille. Il alluma un cigare et cracha un nuage de fumée.

- Quelle belle soirée, commenta-t-il en s'installant vers sa femme.

- Effectivement. J'étais heureuse de revoir ma sœur et notre ami le comte, reconnut Lise.

- Ils ont l'air de bien s'entendre..., insinua le duc avec un sourire taquin.

Lise suivit du regard la volute grise qui sortait de sa bouche. Il sentait encore le vin, et elle n'était pas sûre d'apprécier cette odeur et ce personnage. Elle se contenta de sourire d'un air fade pour dissimuler ses questionnements internes.

- Que comptez-vous faire, demain ? demanda Lise.

- J'ai quelques affaires à régler avec un duc de Bretagne, lord Béraud, mais mon après-midi est votre.

- Parfait. Nous pourrions peut-être aller nous promener du côté du jardin...

- Aucun problème.

Ils allèrent ensuite se coucher et Lise sombra dans un sommeil agité, peuplé de clés, cabanons et maîtresses...

La Barbe Bleue #JustWriteItOù les histoires vivent. Découvrez maintenant