II.

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C'était le grand jour, leur premier jour à la campagne. Lise avait été ravie de découvrir cette étendue encore plus grande que celles qu'elle pouvait apercevoir depuis sa maison. Les brins de blé mordorés avaient éveillé en elle beaucoup d'espoir et de béatitude, elle espérait que cela allait durer, que c'était de bonne augure.

Elle se leva et écarta les rideaux pour contempler le lever du soleil, drapée dans ses couvertures molletonnées.

Elle ressentait une certaine appréhension face à ces jours qui allaient se dérouler. Elle allait côtoyer le Duc pendant huit jours et ensuite, elle et sa sœur devraient se départager pour un mariage arrangé entre bonnes familles.

Sans prendre le temps de s'appesantir dans ses réflexions, elle se leva et sonna sa femme de chambre personnelle le temps du voyage. Celle-ci arriva en vitesse, la salua et s'empressa de l'habiller sans un mot. Quand Lise descendit dans la salle de diner, elle se rendit compte qu'elle était la seule déjà levée, mis à part le Duc qui sirotait une infusion brûlante bien installé dans son canapé.

La maison de campagne était moins grande que la demeure principale de Barbe Bleue, mais déjà très imposante et de style beaucoup plus rustique et moins recherché. Lise s'y sentait plus à l'aise.

Elle rejoignit l'homme des lieux qui leva les yeux vers elle.

- Bonjour. Bien dormi ?

- Excellemment bien, répondit Lise de manière maladroite. La literie était d'une douceur incroyable.

- Content de vous l'entendre dire, sourit mystérieusement la Barbe.

Il porta la tasse en faïence à ses lèvres et avala deux gorgées. Il tourna la tête et la fixa de son regard azur :

- Je suppose que vous voudriez connaître le déroulement de la journée...

- Oh ! seulement si vous le voulez, répliqua Lise.

Elle était bien décidée à ne pas se laisser démonter, ni manipuler. Pourtant, les iris couleur ciel qui la fixaient la rendaient mal à l'aise. Lise se tortilla pour s'écarter légèrement sans éveiller les soupçons. La Barbe Bleue ne remarqua apparemment rien de son petit manège et poursuivit :

- Aujourd'hui, j'avais plutôt pensé à une balade sur le lac. Et demain, pourquoi pas une sorte de bal avec pour invités les villageois du comté ?

- Très bonne idée, assura Lise.

- Et pourquoi pas un pique-nique sur les bords de Saône ? Je connais un endroit parfait pour ce genre de petite sauterie.

Lise hocha la tête, consciente qu'elle devait paraître aussi charmante, loquace et vive d'esprit qu'un escargot. Pire, un têtard. Le Duc ne semblait pas s'en apercevoir, terminant son monologue :

- Et enfin, pour le huitième jour, une journée complète avec vous. Que voudriez-vous faire ?

- Moi ? réagit subitement Lise.

- Oui, puisque votre sœur sera avec moi la veille. Voulez-vous échanger les deux dates ?

- Oh, non ! J'étais surprise voilà tout. Je pensais que le mariage serait clos avec ma sœur alors voyez-vous...

- Ne jamais rester sur ses premières impressions... les gens sont très versatiles vous savez. On ne sait jamais à qui ni à quoi on a affaire.

Il avait dit cette dernière phrase avec tant d'amertume et d'un autre sentiment que Lise ne sut interpréter qu'elle sentit une goutte de sueur perler sous sa robe de mousseline.

Presque au même instant, Anne pénétra dans la pièce avec engouement. Quand elle vit sa sœur et le Duc si proches l'un de l'autre, elle cligna de l'œil vers Lise avec un petit sourire ravi.

Lise rougit violemment.

La Barbe Bleue #JustWriteItOù les histoires vivent. Découvrez maintenant