VI.

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Le lendemain matin, quand Lise s'éveilla, elle constata que sa femme de chambre et une vieille dame l'attendaient devant la porte. Lise poussa un petit cri surpris et remonta la couverture sur son corps à demi-nu, constatant que le lit était déjà froid de l'autre côté. Etrange.

- Monsieur le Duc est parti à son atelier, lui apprit sa nouvelle gouvernante, une femme d'âge mûr au chignon bas encadré de perles. Il reviendra vers midi et a demandé à ce que vous soyez informée.

- C'est aimable de sa part, reconnut Lise en se levant. Je pense le rejoindre dans la matinée pour lui faire une petite surprise : pourriez-vous demander à Céleste de préparer un en-cas ?

Une femme de chambre se précipita sur Lise pour lui ôter son vêtement de nuit et le remplacer par un corset serré et une robe de soie rouge issue de sa toute nouvelle garde-robe. En face de Lise, la gouvernante baissa le regard sur ses chaussures avant d'annoncer :

- C'est-à-dire que... personne n'a le droit d'entrer dans le cabinet de monsieur, même pas sa femme ou ses plus intimes amis.

- Personne ? s'arrêta Lise, repensant aux affreux commérages que produisaient les villageois sur ce cabinet mystérieux.

- Personne, confirma la dame.

Lie tombait des nues. Elle avait toujours pensé pendant ces derniers jours que, si elle se mariait, elle aurait enfin l'occasion de découvrir le cabiner. Mais apparemment, il n'en était pas question.

- Très bien, lâcha-t-elle à contrecœur. Vous pouvez disposer.

La femme s'inclina bien bas et disparut, la femme de chambre sur les talons. Enfin seule, Lise s'avança vers la fenêtre qui donnait sur les jardins. Un chemin de pierre s'enfonçait jusqu'au cabanon de bois qu'elle pouvait voir d'ici. C'était une modeste mansarde qui tenait encore le coup car rénovée régulièrement par le Duc. Ainsi donc, personne n'y était jamais entré. Cela suffisait à attiser les curiosités de Lise, qui descendit dans le salon.

« Mon salon », se réprimanda-t-elle avec un sourire.

Là-bas l'attendait une majestueuse table de déjeuner. Déjà, les décorations de la veille avaient disparues, remplacées par des nouvelles nappes de couleur vert pâle et vert émeraude brodées de fils d'or pour accueillir le printemps comme il se devait. Après un délicieux repas, Lise remonta dans sa chambre chercher un livre et s'installa dans un fauteuil.

Le temps passait, lentement mais sûrement. Elle se surprit à lever les yeux sur l'horloge plusieurs fois pour guetter l'heure où son mari rentrerait du « cabinet ». Pour tout dire, elle s'ennuyait ferme.

Une minute. Deux minutes. Trois minutes. Une heure s'écoula ainsi, elle trépignant d'impatience. Dans la résidence, tout le monde s'activait alors qu'elle lisait et se levait de temps en temps pour se dégourdir les jambes. Son imagination s'emballait. Que pouvait bien faire son mari toute une matinée dans ce cabanon ?

Elle imagina les pires hypothèses. Et sil la trompait ? Déjà un jour après leur mariage ? Si c'était le lieu de rendez-vous des ses catins ?

Ou alors il y travaillait. Oui, sûrement. Mais pourquoi aller s'enfermer là-bas, ou ça devait sentir le moisi et où le froid filtrait, alors qu'il possédait deux bureaux au deuxième étage ?

Toutes ces questions allaient finir par la rendre folle. Pour en avoir le cœur net... elle devrait entrer dans le cabanon, ou interroger son mari.

Celui-ci rentra pile à l'heure, vers midi. Lise l'attendait de pied ferme : elle l'avait observée sortir de son cabinet, le fermer précautionneusement à double tour derrière lui, puis avait rentré sa clef couleur soleil dans la poche de devant de son manteau noir avant de traverser les jardins jusqu'à la maison. Maison où il fut accueilli par un valet respectueux, une cuisinière enthousiaste et une femme un peu troublée par ses questionnements.

La Barbe Bleue #JustWriteItOù les histoires vivent. Découvrez maintenant