XIII.

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Le soir arriva bien trop vite au gout de Lise, qui angoissait terriblement. De son front perlait de grosses gouttes de sueur, et elle tentait de trouver un mensonge pour expliquer le sang qui se trouvait accroché sur cette clé. L'herboriste n'avait rien pu faire à son sujet.

La Barbe Bleue, alias Henry, alias l'assassin, se tenait sur le bord de la cheminée à regarder les flammes d'un air rêveur. Lise tremblait de tous ses membres, la main posée sur la clé dissimulée dans sa poche.

- Ah, te voilà ! s'exclama le Duc. Je t'attendais. As-tu ce que je t'ai demandé à midi ?

- Oui, répondit Lise.

La Barbe Bleue tendit alors la main en direction de sa femme. Ses yeux pétillaient. Lise déglutit, craignant la crise cardiaque tant son cœur battait fort, et sortit le trousseau qu'elle remit au duc.

Celui-ci ne parut même pas surpris. Il pointa du menton la clé d'or et leva des yeux inquisiteurs vers elle où brillait... de la cruauté. Lise la voyait seulement maintenant, maintenant qu'il était trop tard pour elle.

- Pourquoi cette clé est-t-elle tachée de sang ? quémanda la Barbe Bleue avec un sourire malsain.

- Aucune idée, tenta Lise. Elle devait sûrement être comme cela à votre départ... je n'y ai point touché.

Le duc se leva, la dépassant d'une demi-tête. Il paraissait à la fois furieux et ravi.

- Je vais vous dire ce qui s'est passé, moi. Vous avez voulu faire la curieuse, et vous êtes entrée dans le cabinet alors que vous m'aviez promis, devant moi et cette clé magique, que vous n'y entreriez pas. Vous avez vu ce que je cache depuis dix ans dans ce cabinet, la clé vous a échappé comme aux six autres avant vous. Et comme elle est ensorcelée, elle m'a obéi et s'est teintée sur mes ordres.

- Pourquoi ? demanda Lise, en larmes et aux pieds du duc satisfait. Pourquoi, si vous saviez que j'allais voir tout ceci, ne m'avez-vous pas tué avant ? pourquoi m'avoir épousé, si vous saviez que je n'allais pas rester longtemps ?

- Détrompez-vous, vous avez tenu bien plus longtemps que d'autres, ricana la Barbe Bleue. Mais à présent, vous allez aller rejoindre vos amies. C'est bien ce que vous vouliez en vous aventurant là-bas, non ?

- Non ! sanglota Lise. Non ! supplia-t-elle, gémissante et terrifiée.

Il l'empoigna par les cheveux et la traîna jusqu'au cabanon. Là, dans le silence de la nuit, il la maintint à terre, ne s'émouvant point de ces pleurs qui auraient fait céder une pierre la plus dure qui soit. Mais le cœur du duc était encore cent fois plus dur, aussi il aiguisa son couteau avec un sourire malsain au beau milieu des cadavres.

- Profitez-bien, mes jolies, lança-t-il à la cantonade sans vie. La prochaine n'est pas avant un bon moment !

Il se tourna vers sa femme en souriant toujours, ses yeux brillants violemment à la lumière de la lune. L'odeur pestilentielle des cadavres sans tête emplissaient le cabinet mais Lise n'avait d'yeux que pour la lame qui s'approchait de son cou, venant caresser sa peau fine dans un aller-retour glacé. Sa nuque se raidit et elle ferma les yeux. Un long frisson dévala sa colonne vertébrale. Alors que l'arme allait pénétrer sa chair, Lise se décala sur le côté et donna un coup de tête dans l'estomac de son mari, qui tomba au sol en hurlant de surprise. Vive comme l'éclair, elle s'empara du couteau et le maintint, tremblant, dans la direction de l'homme qui voulait la tuer. Stupéfait par le revirement de situation, et se tordant de douleur, le Duc n'eut pas le temps de comprendre que la lame venait de se ficher dans son cœur avec la précision d'un assassin. La vie quitta ses yeux en peu de temps, le sang s'écoulant autour du coutelas. Lise sourit doucement, et retira la lame avec tendresse.

Elle l'essuya sur un pan de sa robe, le corps de son mari gisant à ses pieds. Dans un élan vengeur, elle découpa sa cage thoracique et retira le cœur encore chaud et frémissant de la poitrine, étalant allégrement le sang sur son propre corps.

Puis, elle saisit une corde qui traînait dans le cabanon et attacha le cou du Duc au bout de la lourde ficelle. Elle attacha l'autre bout autour d'un pieu fiché dans le mur, et contempla le spectacle de son mari mort au côté de ses malheureuses amantes. Son sourire s'élargit.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 08, 2017 ⏰

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