Chapitre 5

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Un homme au teint blafard, aux joues creusées et aux yeux exorbités me demande mon sac à main. Le réflexe que j'ai, c'est de le pressé fort contre ma poitrine.
- Vous pouvez aller vous faire foutre.
- Non ma jolie et si tu ne me le donne pas tout suite, je vais prendre autre chose aussi. Dit-il en me caressant la joue.
Je ferme les yeux, une envie de vomir me prend. Il a une odeur effroyable et une haleine qui pourrait tuer les morts.
Une masse sombre bouscule mon agresseur, l'homme tombe à terre. Le deuxième lui dit.
- Dégage avant que je te donne une correction.
Je reconnais cette voix, c'est celle de Matthew. Mais qu'est-ce qu'il fait là, il me suit ou quoi ?
Je ne bouge pas, paralysé par la peur. Il pose une main sur mon épaule mais je recule, mon sac à main contre ma poitrine. Je revois le visage de l'autre homme et j'ai l'impression que son odeur est partout sur moi.
- Abygaëlle, c'est moi Matthew. Le junky est parti, vous n'avez plus rien à craindre.
- Je ........ Je
Voyant que je suis complètement perdu et apeuré, il me sert dans ses bras et me caresse le haut de la tête. J'ai le visage enfoui dans son cou. Son odeur me rassure et me fait planer.
« Qu'est-ce qu'il sent bon »
Je ferme les yeux, bercé par Matthew. Nous restons ainsi quelque minute puis un semblant de lucidité me frappe et je décide de me décaler. Il a un regard triste et compatissant à la vue de ma détresse.
- Je peux vous offrir un café ou un verre ? Sinon, je vous ramène chez vous ?
Je ne sais pas quoi répondre, je suis encore troublé par mon agression mais aussi par l'étreinte de Matthew. Après tout, il m'a quand même sauvé d'un viole certain. Je peux accepter et le remercier en même temps, sans son intervention, je pense que mentalement j'aurai fait un retour en arrière de plusieurs années.
- Je veux bien un verre.
- OK ! Bien.
Il me prend la main et m'entraine à sa suite. Il trouve un bar et nous fait entrer. Il me tend une chaise et je m'assoie. A son tour, il prend place en face de moi. La serveuse arrive à notre hauteur avec un grand sourire charmeur et dévissage Matthew. C'est bizarre, ça me révolte, j'ai envie de lui en mettre une.
Je tremble et Matthew s'en aperçoit, il demande à la serveuse deux grands cafés avec deux verres de whisky. Avec sa chaise, il se rapproche de moi et me met sa veste sur les épaules. Je sens son parfum.
« Mon dieu, j'adore cette odeur »
Pour une fois, je trouve que ma conscience a raison. Je resserre les pans de sa veste et y plonge mon nez discrètement. Je ferme mes yeux, je suis plongé dans mes pensées. Je revois le regard du junky et ça me donne encore plus de tremblement.
- Vous devez être sous le choc pour trembler comme ça. Me dit-il en me frictionnant le dos. Il s'arrête et me dit. Désolé mais c'est pour votre bien.
Je relève la tête vers lui, il attend que je lui donne l'autorisation. Mais il veut faire quoi ? Au grand étonnement de ma conscience, je secoue la tête de haut en bas.
Il passe un bras sous mes genoux et l'autre dans mon dos. Il me soulève comme une feuille et me met sur ses genoux. Il remet sa veste sur mes épaules et appuis doucement sur ma tête pour que je la colle dans son cou. J'essaie de résister mais je relâche très rapidement, subjuguée par son parfum. Il me surprend même à fermer les yeux.
Quand la serveuse revient avec notre commande, je ne la regarde pas mais je sais ce qu'elle doit penser et ça me réconforte un peu.
Mes tremblements se calment, Matthew caresse mes cheveux. Il faut que j'arrête ça. Je me lève et vais m'assoir sur une chaise. Je prends ma tasse de café à pleine mains pour me réchauffer.
- Ça va ? Me demande-t-il tout en posant  une main sur le dossier de ma chaise.
- Je...... Je vous re...... remercie de ce que ..... vous avez fait.
Il se rapproche. Trop. Je sens la chaleur de son corps contre le mien.
- Vous n'avez pas à me remercier, c'est normal. Tenez ! Buvez ça
Il me tend le verre de whisky.
- Non, merci. Je ne bois pas d'alcool.
- Je vous assure que ça vous calmera.
J'hésite, c'est vrai que je suis une vrai boule de nerf. Je saisie quand même le verre et je vois son petit sourire en coin.
Je bois le verre cul sec, parce que je sais que je n'y arriverai pas à le boire sinon. Matthew ouvre grand les yeux.
- Et bien ! Vous n'y allez pas de main morte.
- Comme vous me l'avez conseillé, j'espère que ça me calmera et que je pourrai rentrer chez moi.
Je sens que j'ai la tête qui tourne et les yeux qui se ferment et puis ......... plus rien.




J'ouvre difficilement les yeux, j'ai un mal de crâne pas possible. Je mets mes mains sur mon front et me rallonge. Heureusement qu'on est samedi. J'ai jusque dimanche soir pour m'en remettre. Je tâtonne le lit, rien c'est bon signe. Je me redresse à l'aide de mes mains et observe la pièce. Première constatation, ce n'est pas ma chambre.
« Oh mon dieu !!!! Qu'est-ce que j'ai fait et avec qui ? »
Je suis prise de ma première panique, j'essaie de descendre du lit mais mes jambes ne me tiennent pas et je m'affale par terre. J'entends des pas et la porte s'ouvre brusquement. Je colle mon dos au lit et baisse la tête pour me cacher, j'entends.
- Abygaëlle ? ........ C'est Matthew, je peux entrer
« Pff ! J'ai reconnu sa voix. Oh ! Je suis chez lui. Merde je ne me souviens pas. C'est dommage »
Deuxième panique, je tâtonne mon corps pour voir si j'ai mes vêtements et je check le tous mentalement.
« Culotte      OK
Soutient gorge       OK
Robe      Robe    PAS OK »
Je tire sur ce qui me sert de haut, c'est un t-shirt.
Troisième panique. Qu'est-ce qu'il a fait ?
Qu'est-ce qu'on a fait ? Je ne me souviens vraiment de rien sauf mon agression, son sauvetage et le bar. Mais oui, le bar, le verre de whisky que j'ai bu cul sec. Quelle cloche !
« Et si, il en a profité et qu'on est couché ensemble ? »
- Aby ! Je sais que vous vous posez pleins de questions et je serai ravi d'y répondre. Mais avant toute chose je dois vous donner un médicament pour votre mal de tête.
J'entends la porte s'ouvrir un peu plus.
- Non ! n'entrez pas ! Vous .............. Vous m'avez déshabillé ?
- Oui, désolé ! Dit-il sur un ton rieur.
- Attendez ! Je remonte sur le lit et me cache sous les draps.
- D'accord, dites-moi quand vous êtes prête.
Je me passe les mains dans les cheveux pour les recoiffer du mieux que je peux. Je passe mes index sous mes yeux pour estomper le maquillage coulé et je me frotte le coin de la bouche pour enlever d'éventuelle trace de bave.
- Vous pouvez entrer.
- Bien !
Il tient un plateau avec beaucoup de chose dessus qu'il dépose sur mes cuisses.
- Prenez ça d'abord. Il me tend un cachet.
- C'est quoi ?
- C'est simplement du paracétamol.
- Oh ! merci. Je saisie le médicament dans le creux de sa main et le porte à ma bouche. Il me tend le verre de jus d'orange que je saisie, j'avale le tout en le fixant.
- Vous devez avoir des questions à me poser ?
- Oui effectivement ! fais-je en tirant sur le t-shirt.
Il sourit. Il est trop craquant.
« Hum !! J'en ferai bien mon petit déjeuner »
Je dois rougir comme une ado, je sens mes joues chauffées.
- Vous vous souvenez de quoi exactement ?
- Le verre de whisky et c'est tout.
- Oui je m'en serai douté. En fait, Vous vous êtes évanouie, le stresse de l'agression et l'alcool ne font pas bon ménage avec vous. Donc j'ai appelé un taxi et je vous ai porté jusque chez moi, puisque je ne connais pas votre adresse. Je ne voulais pas fouiller dans votre sac. Pour votre robe, elle était tâchée, j'ai préféré vous prêter un t-shirt pour que vous soyez plus à votre aise et aussi d'éviter de salir mes draps. Dit-il en rigolant.
- Quelle délicatesse de votre part.
Un peu, beaucoup, vexé. Je pousse le plateau et me lève du lit. Il me regarde intensément, voir même un regard plein de désir. Je me souviens que je porte son t-shirt et qu'il m'arrive à mi-cuisse et je tire dessus.
- Où est ma robe ?
- Je l'ai donné à laver. Que faites-vous ?
- Je pars, je ne voudrai pas salir vos draps plus que ça.
Il rigole à gorge déployé.
- Oh non ! Vous restez. Votre robe n'est pas encore revenue du nettoyage et je ne voudrai pas que vous sortiez comme ça. Il n'y aurai pas que les junkys qui vous sauterez dessus, mais tous les hommes que vous croiserez. Et ça je ne le souhaite pas.
A la simple évocation du junky, j'ai les jambes qui fléchissent. Matthew me rattrape juste à temps et me serre contre lui.
- Je suis désolé, je ne voulais pas vous y faire repenser.
- Non, non
Je me mets à trembler. Est-ce que c'est son contact qui me fait trembler ou l'évocation de mon agresseur qui me fait trembler ?
Il me fait basculer pour me porter jusqu'au lit et m'y installe. Je me mets en position fœtale. Je n'ai pas la force de le repousser ou bien de partir. Ma conscience n'est pas contente, je la laisse faire une crise de « et si » comme « et si tu t'attaches à lui, il va lui arriver des bricoles ». Je me sens bien dans ses bras. C'est fou, on ne se connait pas et pourtant j'aimerai être moi-même avec lui, lui raconter tout mon passé. Non, il prendra peur à coup sûr et se serait normal de sa part. Je sens le lit s'affaisser à côté de moi. Il me prend dans ses bras, c'est rassurant. Stupide de le laisser faire mais rassurant. Je n'ai jamais connu un sentiment de sécurité aussi fort.
- Vous êtes en sécurité ici, et puis ...... je suis là.
Il me caresse délicatement les cheveux. C'est tellement agréable que je m'endors dans les bras de mon chevalier.



J'ouvre les yeux plus facilement cette fois-ci. Il n'est pas là. Je suis déçu. Je secoue ma tête pour remettre mes idées en place, dès qu'il est proche de moi, je ne réfléchis plus et puis il ne faut pas que je sois déçu de son absence, nous ne sommes rien l'un pour l'autre.
Je vois ma robe poser sur le dossier d'une chaise. Quelle heure est-il ? Où est mon sac ? Je parcours la pièce du regard et en profite pour la détaillé et essayer de connaître l'homme qui habite ce lieu.
C'est une chambre très spacieuse, aussi grande que mon salon. Les murs sont blanc-beige et gris. Il y a une commande moderne blanche laqué avec sur le dessus une télévision énorme. Le lit king-seize est en plein milieu de la pièce. Du côté droit du lit, il y a trois portes, j'ai repéré que celle de droite est la sortie, par contre les deux autre doivent être la salle de bain et son dressing. Mais je n'ose pas ouvrir de peur de me faire surprendre, et puis je ne suis pas chez moi. Je me dirige vers la chaise à côté de la commode, j'enlève le t-shirt et mets ma robe. J'ai très envie de garder son t-shirt.
« On dirait une psychopathe accro à l'odeur de ce mec »
Je le garde dans ma main et je sors de la chambre. Tout est silencieux. J'avance à l'aveugle, je longe le couloir puis j'entends un léger fond musical. Je me dirige vers celle-ci, passe devant plusieurs portes. Je l'entends de mieux en mieux. J'ai l'impression que c'est du jazz et que c'est quelqu'un qui joue. Au bout du couloir une gigantesque salle. A ma gauche une porte d'ascenseur.
« Note pour plus tard, c'est par là qu'il faudra prendre la fuite. »
En face de moi un petite table ronde avec un magnifique bouquet de fleur et mon sac. Sur les murs plusieurs tableaux modernes. Et sur ma droite une baie vitrée.
- Mr Holl ? Je crie presque
La musique s'arrête et j'entends des pas. Je le vois et j'en reste bouche bée. Il est extrêmement beau. Je n'ai pas eu le temps de l'observer tout à l'heure mais lorsqu'il se rapproche de moi, j'en profite. Il  porte un pantalon beige avec un pull léger blanc qui lui serre le torse, il montre sa musculature parfaite  pour moi. J'avale difficilement ma salive. Cet homme est vraiment un dieu grec. Il faut que je reprenne mon sérieux et ma froideur légendaire.
- Abygaëlle ! Comment allez-vous ?
- Mieux. Merci pour ce que vous avez fait. Je ne veux pas que vous vous méprenez. Votre réconfort a été agréable mais nous devons garder une relation professionnelle.
Il s'approche dangereusement de moi, je baisse la tête. A l'aide de son index sous mon menton, il relève mon visage doucement.
- Je ne peux pas
Une main sous mon menton et l'autre dans mon dos, il me rapproche de lui. Il se penche et dépose ses lèvres sur les miennes. Elles sont douces et chaudes, elles ont un goût fruité. J'ai des sensations bizarres dans le bas du ventre, comme si je planais. Brusquement je prends peur et je recule. Il a le regard triste et presque suppliant. A ce moment, j'ai l'impression qu'on m'arrache le cœur.
« Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel, CE N'EST PAS POSSIBLE »
Je me dirige vers la table ronde et prends mon sac.
- Je suis vraiment désolé, je ne suis pas bien pour vous. Vous devez vous éloigner de moi.
J'appuis sur le bouton de l'ascenseur, Matthew s'approche de moi je le sens dans mon dos.
- Aller, aller ! Dis-je à voix basse.
Il me retourne doucement par les épaules.
- Dites-moi pourquoi ?
- Je ne peux pas. Dis-je la tête baissée.
- Bien ! Dit-il sur un ton très vexé.
La porte s'ouvre, je m'y engouffre et le regarde les larmes aux coins des yeux. Je n'ai pas pu les retenir.
- Désolé
La porte se ferme.

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