J'ai vu les couleurs de la Vérité

Cinq

On s'est revus le lendemain, et le surlendemain et tous les jours qui ont suivis. A minuit, toutes les nuits, il était là, sous la grande statue, à m'attendre. Au début, j'étais réticent, je savais pas quoi en penser, de ce garçon qui voyait les couleurs de la Vérité. On n'en parlait pas, de ces foutus couleurs. On s'allongait sur le béton dur et lui regardait les étoiles qu'on ne pouvait même pas voir à cause de cette putain de ville. Moi, c'était lui que je regardais. Je voulais comprendre pourquoi il les voyait, ces couleurs. A force de le regarder, j'ai fini par comprendre. A la façon dont il parlait de ce monde, dont il ne voyait que le bien, la beauté. On aurait dis moi, dans les premiers jours. Sauf que lui, ça faisait des années qu'il les voyaient ces couleurs. Et il avait appris à ne plus voir le mal. Il ne voyait que ce qui valait la peine. Il ne voyait que le toucher agréable du vent sur la peau, l'odeur de la liberté, le bruit de la pluie sur le sol et les murs. Je l'enviais. Beaucoup. Un jour, je lui ai dit. Que j'aimerais voir le monde comme lui. Il a sourit et à dit:
-C'est simple. Je ne vois que le monde. Pas la société. Par ce que, tu vois, c'est la société qui à sali ce monde. C'est elle qui à créé la haine, la tristesse. Le monde, lui, il est beau. Tu ne verras jamais rien de comparable avec les océans, le ciel. Rien est aussi doux que l'herbe. Rien n'est meilleur que la pluie. Rien n'est plus beau que le chant du vent dans les arbres. Rien ne sent meilleur que la terre.
Je l'écoutais, fasciné et bercé par ces paroles. La nuit suivante, il m'a reparlé du monde, et encore et encore. Et plus je le regardais, plus j'aimais la façon dont il regardais le monde, dont il parlait, dont il bougeait. Je le trouvais beau, j'aimais quand il me parlais, juste quand on était ensemble. Il me demandais souvent à quoi je pensais. Avec lui, j'avais l'impression d'exister.

J'avais été ensorcelé par ce garçon qui voyait les couleurs de la Vérité.