On avait passé de nombreuses nuits ensemble sous les étoiles invisibles. On avait été écrasés par la chaleur, même quand le soleil disparaissait, on avait vu les fleurs devenir fruits, les bourgeons devenir feuilles. On avait été glacés par le vent, écoute la neige craquer sous nos pas et contemplé le fleuve gelé. On avait regardé les murs scintillants, recouvert par le givre. On avait passé toutes nos nuits ensemble, sans aucune exception. Les cernes se creusaient sous nos yeux. Ma mère me demandait si j'étais camé. Ça me faisait rire. On avait jamais bu une goutte d'alcool, ni touché à une taffe de cigarette. On avait pas besoin de ça pour se sentir bien. Les couleurs suffisaient.
Je disais que non, que j'avais un peu de mal à dormir. J'allais voir le psy pour ça. Je lui racontait rien, à ce salaud. Rien du tout. Il disais que ça allait passer pour cacher son incompétence à ma mère, mais moi je savais. Et tout ce qui allait pas, c'est à Samy que je le racontais. Lui m'écoutait. Il me prenait dans ses bras, me réchauffant, me berçant doucement. Il me parlait dans l'oreille, tout bas. Il me disait qu'il avait vu les étoiles et la vie en dehors se ces blocs de béton.
Et un jour, ça faisait tout juste un an qu'on s'était rencontré. Un an que ce garçon qui voyait les couleurs de la Vérité m'intriguais. En un an, j'avais appris à le connaître comme je connaissais personne, et je m'étais confié à lui plus qu'à n'importe qui d'autre. Et chaque nuit de cette année, la plus belle de ma vie, quand je sortais le rejoindre, ce n'était plus l'adrénaline de la nuit qui faisait battre mon coeur, c'était de savoir que c'était lui que j'allais retrouver. Et ce soir là, il faisait doux, mais j'avais un peu froid, avec juste mon tee-shirt. Alors Samy m'a pris dans ses bras, comme il le faisait des fois, en me berçant doucement contre lui. Et puis, quant il a fallu rentrer, il a juste pose ses lèvres sur ma joue. Et il s'est levé. Comme si de rien n'était. Mais moi ça m'a perturbé.
-Tu viens? Il a demandé.
-J'arrive, j'ai dit.
On s'est séparé comme d'habitude, pourtant, en se disant:
-A la nuit prochaine.J'étais tellement bouleversé par ce garçon qui voyait les couleurs de la Vérité.
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J'ai vu les couleurs de la Vérité
Historia CortaJe me souviens avoir vu les couleurs de la Vérité. Celles que les gens parcourent des yeux sans vraiment les voir. Je me rapelle chaque détail de cette expérience, de l'émerveillement à la désolation, jusqu'à ce que je le rencontre, lui qui vivait p...