Deux

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J'ai vu les sourires faux, les formules de politesse écoeurantes qu'on ne pense pas, les non-dits hypocrites, la méchanceté gratuite, le sadisme des gens qui regardent la misère des autres d'un air supérieur.
Je volais haut, je regardais le monde m'ignorer, et brusquement, je me suis retrouvée au milieu de cette foule. C'était moi que les gens regardaient avec mépris.  Un gamin paumé, qui ne savait pas où il allait, qui ne savait pas de quoi il parlait, trop faible d'esprit pour connaître la vie, par rapport à ces adultes qui savaient tout, qui avaient tout vu, depuis la fenêtre de leur bureau de travail.
J'ai vu les choses les plus atroces. J'ai vu des hommes si pauvres. J'ai vu des gens qui avaient tout perdu. J'ai vu des gens errer sans savoir où ils poseraient le pied suivant. J'ai vu, si tu savais, des hommes embrasser la mort, comme une compagne de longue date, plus fidèle que cette société qui les rejette, qui les renie comme si leur situation en faisaient des gens mauvais, comme un héritage empoisonné dont une bonne famille voudrait se débarrasser. C'est exactement ça, en fait. Cette société, si belle, si riche, si propre, si "comme il faut" était une bonne famille, une bourgeoise, reniant ceux qui choisissaient de vivre autre chose que leur vie monotone et grise, sans intérêt.
Dans les premiers temps, j'y avais pensé si souvent, à partir, voir le monde en entier, vraiment, avec ses belles couleurs. Mais aujourd'hui, je me sentais comme... trahi. Par ce que je voyais. Je venais de comprendre que si je l'avais fais, je n'en n'aurai pas été heureux pour autant. Par ce que cette société m'aurait pris de haut, m'aurait mis des bâtons dans les roues, aurait essayer de me faire rentrer dans le droit chemin.
Et j'ai commencé à me renfermer. Je ne voulais plus entendre leur insultes, sentir l'odeur âcre de leur mépris, voir leurs regards hautain, avoir sur la langue le goût de la misère et sentir sur ma peau la sensation poisseuse de l'horreur. Alors je restais dans ma chambre. Je ne sortais plus, je m'isolais dans l'illusion d'un monde sans ces couleurs de la Vérité. Au lycée, je ne parlais plus, si les profs m'interrogaient, je disais:
-Je sais pas.
Si on me demandais comment j'allais,  je disais:
-Bien.
Et je m'enfuyais, loin de leur soupçons, de leurs fausses compassions. Par ce que personne ne devait savoir ce que j'avais vu. Ils ne me croiraient pas, diraient que je suis fou et peut être même qu'ils essayeraient de les voir aussi, ces couleurs. Et ça, ça me terrorisait. De savoir que quelqu'un pourrait voir les mêmes choses que moi, subir le même retour brutal à la réalité. Alors je me taisais, et ça inquiétait mes parents. Tellement qu'un jour, ma mère a décider de m'envoyer chez le psy. 
J'y suis aller, pour lui faire plaisir, elle pensait que je retouverais la joie de vivre. Mais j'étais bien décidé à ne rien lui dire. Et puis, finalement, ce n'est pas le psy qui m'a aidé. C'est lui. Lui qui voyaient les couleurs de la Vérité. Et qui avait appris à ne plus en voir que les merveilles.

Je tentais d'apprendre à vivre avec les couleurs de la Vérité.

J'ai vu les couleurs de la VéritéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant