XII

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David

    Comment faire comprendre à son enfant le sens des mots "obéir", "écouter" et "être sage" ?
    J'ai essayé toutes les possibilités, aucune d'entre elles n'a fonctionné.
    J'ai essayé "privation du téléphone portable pendant une semaine".
    Résultat : Rien.
    J'ai essayé "privation de sorties pendant deux semaines".
    Résultat : Rien.
    J'ai essayé "coupure d'Internet pendant trois semaines".
    Résultat : Rien.
    J'ai même combiné les trois punitions ensemble. Et devinez ce que ma fille m'a répondu :

"Super ! Je vais pouvoir me consacrer entièrement à mes études !"

    Honnêtement, ce jour-là, j'ai compris le sens de l'expression "tomber des nues". Franchement.

Mais c'est décidé : cela allait changer. Brooke allait m'écouter, quoi qu'il arrive.

Brooke

    Traînant lourdement des pieds et manquant à plusieurs reprises de m'étaler comme une crêpe, je tente de rentrer chez moi, meurtrie.
    Mes joues sont toujours striées de larmes tandis que ma respiration se fait rapide, saccadée par des hoquets sonores. Mes pensées sont plongées dans le noir total. Quelque part, dans une peine colérique.
    Un sentiment d'énervement partagé avec de la tristesse est toujours mauvais : au beau milieu de la rue, seulement éclairée de lampadaires instables, je crie :

  - POURQUOI ELLE ? Pourquoi ELLE ?

    Après quoi, je m'effondre sur le sol, encore. Je pleure, pleure, pleure. Les larmes ruissellent à n'en plus finir, mes poings sont rouges à force de cogner sur le ciment. J'ai besoin de me calmer, d'arrêter de pleurer, de ne plus penser à ça, d'avancer.
    Mais pour l'instant, ça m'est humainement impossible, vu la situation dans laquelle je me trouve. Je suis à genoux, les yeux bouffis, le menton tout chiffonné et le cœur lourd. Très lourd.
    Je me relève piteusement, et essaie de garder la tête haute afin de marcher droit. À peine ai-je fait deux pas, qu'un petit "bip" me sort du brouillard : mon téléphone vibre.
    Comment ça, mon téléphone vibre ?
    Étant au bord du suicide, je décide de le laisser sonner. Une fois. Deux fois. Trois fois. Au bout de la quatrième tentative, je décroche, me retenant de m'énerver encore une fois. Pourquoi insistait-on à me téléphoner, à une heure pareille, à un moment pareil ? On ne pouvait pas me laisser tranquille ? Juste un petit moment, non ? Bah non.

  - Allô...

    Aux premiers abords, seul un silence résonne dans mon oreille. Puis, quelques secondes plus tard, de petits reniflements entrechoqués de bribes de voix font surface.

  - A-all-ô ? Br-brook-e ?
  - Jenna ? Mais qu'est-ce qu'il se passe ?

    C'est avec un étonnement que je constate que ma voix paraît tout à coup plus assurée. Pourtant, avant même pas deux minutes, j'étais dans le même état que mon amie.

  - J-je.. c'est...
  - Jenna. Calme-toi. Ne bouge pas de là où tu es, j'arrive.

    Je raccroche, en soufflant. La connaissant parfaitement, je sais exactement l'endroit d'où elle m'a appelée. Je marche assez vite après avoir fait un demi-tour. Je regarde fixement le sol, sans manquer de shooter dans un caillou. Caillou qui atterrit à au moins trois mètres plus loin. Bien qu'avant ma colère était mélangée avec ma tristesse, à présent, je suis bien trop remontée.
    Encore une fois, on avait besoin de moi.
    Encore une fois, Jenna faisait appel à moi pour la sortir de là, de la réconforter.
    Encore une fois, j'allais devoir laisser mes sentiments de côté, ma peine et tout ce qui va avec, pour réconforter mon amie, au lieu du contraire.
    Quand Brooke à des problèmes, tout le monde s'en contre fiche, n'est-ce pas ? Mais quand c'est Jenna, qui en a, qui, vient la consoler ? Qui ? Brooke, voyons ! "Brooke le bouche-trou !" ; "Brooke j'ai besoin de toi seulement quand je ne suis pas bien !" ; "Brooke, tu m'énerves avec tes ennuis mais quand j'en ai, j'ai vraiment besoin de toi !"
    Pfff.

Et si c'était possible 1- Les contraires font paireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant