VI

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Brooke

  - Brooke ! Descend s'il te plaît.

    Voila venu le moment que je redoute depuis ce matin. Je range soigneusement Le Petit Robert dans un tiroir de mon bureau et sors de ma chambre. En stressant. Mais, à quoi bon ? Je sais déjà ce qu'il va se passer alors, pourquoi angoisser ?
    J'arrive au bout du couloir et vois mon père, toujours habillé en tenue de travail, une tasse de café à la main, les sourcils froncés en lisant un document. Oh non... Pourquoi il avait fallu que je laisse ma fiche de colle sur la table ? Je n'aurais pas pu la ranger ? Maintenant il va croire que je voulais la lui cacher !
    Il relève sèchement la tête et regarde dans ma direction, son regard aussi dur qu'une pierre.

  - Qu'est-ce que c'est que ça, jeune fille ?

    Ça sentait mauvais, tout ça. Vraiment mauvais. Lorsque mon père utilise "jeune fille", en fin de phrase, cela ne présage rien de bon. Me triturant les doigts, je lâche, tel un murmure :

  - Je me suis fait coller.

    Ses yeux s'agrandissent brutalement, lançant des flammes, à présent.

  - Peux-tu me répéter ce que tu viens de me dire, mademoiselle Brooke Tomas ?

    Oulala... La façon dont il vient de m'appeler, toujours en fin de phrase, ne dit rien qui vaille. J'arrête de me tripoter les doigts et le regarde dans les yeux. Ou du moins, j'essaye. Sans réussite...

  - Eh bien, je me suis fait coller.

    Je parviens enfin à porter mon attention sur mon père. Ce que je distingue là, m'ébahit. Les prunelles de ses yeux, aussi grosses qu'une boule à facettes semblent étrangement perdues. Ses doigts tiennent toujours fermement la tasse de café. Quand je les regarde un peu mieux, je remarque qu'ils... tremblent ? Mais... Pourquoi ? Un faible son se fait tout à coup entendre dans le salon. Les pieds de mon père. Les pieds de mon père qui se mettent soudainement à sautiller. Enfin ! Pourquoi se m'était il dans cet état là ?
    Les minutes semblent durer des heures bien que cela ne fait à peine cinq minutes que je suis sortie de ma chambre. Cinq minutes que mon père ne réagit pas. Pas du tout, même. Et je trouve cela franchement inquiétant ! Lui qui, d'habitude se serait mit à me hurler dessus. Lui qui, m'aurait sûrement interdit ceci ou cela. Lui qui, d'ordinaire étant une personne très impulsive, dure et exigeante, m'aurait déjà sorti toutes sortes de phrases blessantes. Chers amis, je vous présente mon père. Monsieur David Tomas.

    Voyant qu'il ne se reprend pas, je décide de regagner ma chambre. Grosse erreur de ma part. À peine ai-je fait un pas, qu'il m'interpelle :

  - Où penses-tu aller ? On n'en a pas fini. Explique-toi ! Et tout de suite !

    Je sursaute, plus de peur que de surprise. Je me retourne aussitôt, voulant éviter le pire.

  - Eh bien.. Je..je me suis...
  - Arrête de bégayer. Ça a le don de m'énerver.
  - Collée. Le proviseur m'a mise en retenue, parce que...
  - Mais je le sais, ça, que tu étais en colle ! Je veux savoir pourquoi ! Le pourquoi du comment ! Tu comprends ça ?

    C'est à cet instant là que je m'emporte :

  - Si tu cessais de crier, tu aurais entendu ma justification !
  - Comment oses-tu lever la voix contre ton père ? Ce n'est pourtant pas ce que je t'ai appris, Brooke Tomas !
  - Et tu m'a appris quoi ? Depuis toutes ces années, tu n'as fais que travailler ! Tu n'as jamais été là, pour moi, ta fille. Mais bon, c'est à croire que tu m'a oubliée ! Comme elle. Tu l'a oubliée aussi, n'est-ce pas ? Elle, qui t'attendais tendrement le soir de tes réunions tardives. Elle, qui te préparait ton petit déjeuner, et qui te l'apportait même au lit quelques fois. Elle...
  - STOP ! Ça suffit, maintenant ! Tu en as assez dit ! On s'éloigne trop du sujet, là !
  - Non, je ne m'arrêterai pas ! Tu ne te rends pas compte de ce que tu fais. T'as vu un peu comment tu peux être ?

Et si c'était possible 1- Les contraires font paireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant