Chapitre 2

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Je marchai dans les rues de Paris sans but précis, me laissant porter par la douceur du printemps.

Cela faisait des jours que je tentais tant bien que mal d'oublier cette soirée mais tout repassait en boucle comme un mauvais film.
J'avais passé la nuit de mon anniversaire à essayer de joindre les garçons, mais aucun n'avait répondu à mes appels. Je savais parfaitement qu'ils cherchaient à m'éviter après avoir compris que leur "surprise" m'avait absolument déplu.

Une semaine que je n'avais aucune nouvelle.

Je sortis mon calepin et relus les quelques phrases griffonnées ces dernières heures. Il n'y avait absolument rien de potable là-dedans, pas même un mot satisfaisant. Comme si toute mon inspiration avait franchi cette porte d'hôtel avec elle, absorbée par les paillettes rouge vives de son costume deux pièces.

Je passais mes derniers jours à me poser une multitude de questions, à me demander si la quasi-totalité des êtres humains étaient destinés à être malheureux et à apprendre à le cacher. En l'observant, je compris que tout le monde n'avait pas la chance que les gars et moi avions eue. Et même si j'en avais déjà conscience au préalable, une sorte de gifle dont on ne se remet pas m'a été infligée ce soir-là.

Les hommes étaient condamnés à faire des choses qui les rebutaient pour pouvoir s'en sortir et devaient se taire et faire semblant de sourire ? Pourquoi ? Par simple éthique, par pur conditionnement. Parce qu'il était devenu normal, pour eux, de croire et faire croire que leur situation était parfaitement convenable. Je trouvais ça absurde et absolument dégueulasse.
Une espèce de culpabilité s'était emparée de moi à ce moment-là. Je culpabilisais d'avoir réussi là où d'autres ont échoué et échoueront. J'étais arrivé à un stade de ma vie où tout allait pour le mieux. Je connaissais l'ascension au fil du temps et rien ne pouvait plus m'arrêter.

Et elle dans tout ça ? Elle qui n'a sûrement pas demandé à être dans cette chambre d'hôtel, ce soir-là. Elle qui était clairement exécrée par ce qu'elle faisait et qui était paralysée par notre présence et nos regards portés sur elle et son corps. Qu'a-t-elle ressenti en nous voyant la regarder de haut en bas ? En entendant les mecs rire et applaudir à chaque mouvement osé qu'elle enchaînait et en sachant qu'elle avait le simple rôle de femme-objet, de poupée et de meuf "baisable". Qu'a-t-elle ressenti pendant que nous étions tous les quatre sans retenue, à l'humilier plus encore avec nos regards que si l'on avait insultée directement ?

Je soupirai en me dirigeant, d'un pas décidé, vers l'appartement de celui qui a certainement eu l'idée de louer une gogo danseuse pour ma soirée d'anniversaire.

Quelques minutes plus tard, je sonnai à l'interphone et attendis impatiemment que l'on me réponde enfin.


-          Euh ouais ?


La voix mal éveillée qui résonnait à l'interphone me fit lever les yeux au ciel et trépigner sur place.


-          Ouvre-moi.

-          Ah frère, c'est toi !

-          Vas-y ouvre moi ou j'te jure que-


La porte d'entrée se déclencha avant que je ne finisse ma phrase et un petit bruit, sortit de l'interphone, me fit comprendre que l'enfoiré qui me servait de pote avait raccroché.

Je poussai la porte et montai les marches quatre à quatre avant d'entrer sans frapper.


-          Bah mec ça fait une semaine que j'essaie de te joindre, qu'est-ce tu foutais ?


Je m'avançai en contractant la mâchoire tandis qu'il me regardait de manière totalement innocente, affalé sur son canapé, seulement vêtu de son bas de jogging et les mains dans les poches.


J'avais aucune chance Où les histoires vivent. Découvrez maintenant