DANS MES PÉRIODES de noirceur, je rentrais immédiatement chez moi sans même prendre le temps de saluer mon professeur. Je sortais de la salle de classe à toute vitesse et traversais cette marée d'adolescents complexés avant d'atterrir chez moi.
J'enlevais instinctivement mes chaussures et me dirigeais vers ma chambre avant de balancer mon sac sur mon lit, à peine avais-je eu le temps de reprendre mes esprits que ma mère m'appelait déjà pour le "dîner" mais expliquez-moi quel genre de mère préparait à manger à six heures du soir.
Je soupirais avant de regarder mon ventre, je m'empressais de me mettre en pyjama avant que mon ventre ne gonfle après le "repas" de ma mère, histoire de ne pas être terrorisé en voyant ce ballon d'organes qui me gâchait la vue sur mes jambes. Je traînais les pieds jusqu'à la cuisine où ma sœur était déjà entrain de se servir, j'observais son assiette, comment pouvait-elle manger si peu ? Comme si la nourriture n'avait aucun pouvoir sur elle.
Je m'asseyais, je regardais le plat de gratin de pâtes de devant moi, l'assiette d'ailes de poulet, l'immense bol de riz, du poisson, tellement qu'on ne pourrait jamais finir l'assiette. C'était ça les repas de ma mère, même à la fin de sa Retraite de Nyoung-Né*, mon oncle ne faisait pas de tel festin. (*NDA: La Retraite de Nyoung-Né est grosso-modo un jeûne partiel dans la religion bouddhiste.)
Je ramenais les plats à moi avant de prendre une grosse cuillère de gratin, deux, trois, en fait, jusqu'à ce que mon assiette déborde, s'en suivit quatre ailes de poulet mais je décidais d'être soft avec le riz, je n'en pris qu'un petit bol. Byulyi mangeait, tout doucement en regardant son smartphone, elle torturait le peu de riz qu'elle avait avec sa fourchette, en me comparant à elle, j'étais un ogre. Rectification, pas besoin de me comparer à mon aînée pour savoir automatiquement que je n'étais qu'un estomac sur pattes.
J'attaquais mes pâtes puis tombai sur le regard insistant de ma génitrice.
— Allons mon chéri, tu ne veux pas de poisson ? Tu n'aimes pas ce que j'ai préparé ?
Ah ça, c'était du madame Kim tout cracher. Pour ma mère, la nourriture était synonyme d'amour, quelqu'un qui ne nourrissait pas ses enfants était un parent indigne. Mais on ne prouve pas ses sentiments en gavant une personne comme une oie, j'en étais certain, tout était lié à la mort de mon père. Byulyi avait sept ans quand il est mort, son estomac était déjà habitué à ne rien manger, moi j'avais deux ans, et bientôt dix kilos en trop.
Ma sœur me fixa du coin de l'œil, son fard à paupière rendait son regard particulièrement sombre ce qui me mettait légèrement la pression. Ah oui, à cette époque, je me négligeais totalement alors inutile de vous préciser que je ne me maquillais pas (bon OK j'ai eu ma période "mascara" mais vu mes cils, je peux vous assurer que ça ne se voyait pas).
Je cédais prise, j'aimais beaucoup trop ma mère pour oser lui dire non, j'étais la seule chose qui lui rappelait papa, selon elle, il avait le même air "abordable et gentil" sur le visage, j'avais l'air aussi niais ? Byulyi me ressemblait beaucoup également, les yeux, le nez, les lèvres, sauf qu'elle en avait marre des pétages de plombs de ma mère et s'était élevée toute seule: la voilà lesbienne en école d'Art.
J'avais finalement tout manger, même le riz de ma sœur. J'étais tout le temps le dernier à table donc c'était à moi de faire la vaisselle, en voyant mes bras gigoter au rythme de mes mouvements, une larme roula sur ma joue, mes poignets étaient plus dodus que les bras de ma sœur.
Je lavais de plus en plus vite, je voulais être avec elle, je voulais tout simplement être elle.
Je m'asseyais sur le bord de son lit pendant qu'elle se changeait, j'admirais tout simplement le corps grand et maigre qui se mouvait devant moi, Byulyi était certainement la plus belle femme que je n'ai jamais vu.
— Ton mascara a coulé, évite de pleurer à chaque morceau de viande que tu manges, remarqua-t-elle.
— Pourquoi tu mets une robe ? Tu comptes sortir ? Je préférais l'ignorer.
— Ouais, l'ambiance est lourde à chaque fois que je reviens ici, j'ai besoin de prendre l'air. Tu veux venir ?Mon aînée m'invitait souvent à des soirées universitaires mais je n'ai jamais osé venir de peur de terminer dans un coin de la pièce, traumatisé par les différentes scènes typiques de soirée. Je m'en rappelle maintenant, quand elle était au lycée, une sorte d'association d'élèves organisait des soirées "SKINS", Byulyi rentrait complètement déchirée, autant dire que je n'avais jamais vu ma mère autant pleurer.
— Allez Minseok ! J'te promets que celle-là est grave chill, on est cinq et c'est chez Louis, t'sais le petit bourge dont je te parle à chaque fois ? Poursuivit-elle.
— Pas de conneries alors ?
— Promis, personne terminera drogué ou avec les bras en sang ! Jura-t-elle.Ah oui, n'ayez pas peur. Dans les écoles d'Art, y a toujours cette fille un peu bizarre qui peint ses tableaux au rouge de son sang, du moment que c'est pas celui de ses règles ça me va.
— OK, soupirai-je. De toute manière, je vois pas comment cette journée pourrait être pire.
C'est alors vingt minutes plus tard que je m'étais retrouvé dans un vieux vanne où l'infernal musique GOD SAVES THE QUEEN des Sex Pistols battait son plein, mélangés à ça les fous rires incessant des trois dégénérés se trouvant avec moi -dont ma sœur, je peux vous assurer que j'avais eu les tympans à moitié brisés durant une bonne semaine.
— Elle est où Maïa ? S'écria un garçon aux cheveux bouclés.
— Elle m'a dit qu'elle était déjà chez Louis, la manière dont Aaron conduit lui fout les j'tons ! Répondit une fille avec des dreads violettes.C'est vrai que depuis tout à l'heure, j'avais l'impression d'être dans une machine à laver, ce Aaron devait avoir trouvé son permis dans un paquet de Chocapic. Je commençais à ressentir mes tripes faire un aller-retour entre le bas de mon ventre et ma gorge, ils avaient empesté le vannes de weed , on aurait dit un brouillard artificiel.
Arrivés à destination, nous étions descendus du véhicule, j'étais face à un grand immeuble et même s'il faisait noir, je pouvais constater que la banlieue avait l'air chic, je me sentais déjà plus en sécurité. Je me souviens encore de l'appartement de Louis, c'était vide, je ne sais pas si c'était pour donner un côté moderne ou si ce mec était complètement barjot.
Mais la chose dont je me souviendrais toute ma vie, c'était Maïa.
02/02/2017 + HYPERPHAGIE !
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hyperphagie ! minseok
Fanfiction« L'hyperphagie est un trouble de l'alimentation, la différence avec la boulimie est qu'elle ne se contrôle pas juste en se faisant vomir ou par le biais de laxatif. » [SÉRIE 1 - ÉPISODE 1] jaepoete | 26 Janvier - 26 Février 2017.