PREMIER

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À tout ceux qui comprendront

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À tout ceux qui comprendront.

« JE N'ÉTAIS PAS né d'une nuit torride et d'un amour passionné mais plutôt d'une première fois qui s'était plutôt mal passée. Deux ans plus tard, le diagnostic était tombé, mon père nous quittait.

Une mère semi-présente et une grande sœur "inexemplaire" (selon les garçons de mon école), je m'étais vite retrouvé jeter dans ce vaste océan appelé "monde" ce qui était plutôt une bonne métaphore vu que je n'ai jamais su nager. J'étais certes le plus jeune mais c'est comme s'il n'y avait jamais eu personne devant moi, Byulyi avait sans-arrêt des histoires et elle n'avait pas de temps à me consacrer.

"Ils ont pas que ça à faire", me répétait ma mère. Elle avait raison, je ne suis qu'un Homme parmi tant d'autre, mes problèmes étaient juste des périodes par lesquelles les plus grandes personnes étaient déjà passées: un défunt, un corps qui nous correspond pas, une famille peu attentionnée, tout le monde l'avait déjà plus ou moins vécu.

Je reprends donc, j'ai toujours eu des complications tout au long de mon chemin avant d'en arriver à ce que je suis maintenant car après tout, une personne n'ayant jamais connu la douleur et la défaite ne peut pas atteindre le bonheur et le succès. Certains se réfugient donc dans la religion, dans les livres, chez un ami, dans un endroit leur inspirant la sécurité, pour ma part, mon endroit favori était la cuisine.

La nourriture, quelle bonheur.

Le goût sucré, j'adorais tout ce qui avait le goût sucré, c'était quelque chose de doux, chaleureux, réconfortant, tout ce dont personne n'a jamais su me donner. Et ça se voyait que la nourriture me donnait vie, elle me rendait tellement heureux qu'elle est devenue ma drogue, avant tout, la nourriture était un besoin vital à notre corps mais pour le mien, elle est devenue son pire poison.

Je me retrouvais alors en surpoids à six ans, "la honte" me disait mes camarades. En sport, je ne pouvais pas courir cinquante mètres sans être à la limite de la crise d'asthme, je finissais les assiettes des gens à la cantine et je farfouillais dans mes placards à une heure du matin. Un enfant normal de six ans s'amusait, riait, jouait, c'était le monde qui lui donnait vie et non pas des biscuits remplis de cochonneries.

Puis ça a continué, je suis peu à peu devenu la cible d'ados frustrés et malheureux qui refoulaient tous leurs complexes sur moi, communément appelé "bizut".

Je marchais en direction de mon lycée, les écouteurs dans les oreilles, j'adorais admirer la ville prendre vie autour de moi, puis j'avais remarqué cette fissure au sol. Je sais que vous allez trouver ça carrément dingue mais je me suis toujours dit que c'était moi qui avait crée cette fissure à force d'emprunter tous les jours le même chemin, j'en venais même à plaindre le sol qui était la seule chose qui pouvait supporter mon poids.

J'étais en filière L, non pas pour les filles comme le peu de garçons de ma classe mais parce que je haïssais les chiffres, mon poids, le nombre de calories dans mes biscuits, mes mensurations, les nombres me rappelaient à quel point j'étais hors-norme. Alors que les mots, juste wow, une simple phrase suffisait à résumer tous mes ressentis, ces trucs ont un pouvoir, car après tout, ce n'est pas avec des chiffres qu'on dit "je t'aime".

À vrai dire j'ai toujours adoré lire, je pense même que je suis né pour ça. Je voyais en les héros de roman tout ce dont je rêvais d'être: courageux, fort, vaillant, beau et fort mais apparemment, le seul mec gros dans les romans c'est le bouffon qui fait rire tout le monde.

Comme si c'était drôle d'être victime de son corps.

Je traversais les couloirs du lycée ce qui était toujours un calvaire vu que nous devions être cent bons élèves par étages et croyez-moi, j'ai déjà failli laisser ma vie uniquement en voulant aller en philosophie.

— Bordel Baozi ! Tu fais la largeur du couloir putain tu bloques le passage à toi tout seul ! S'écria Jongin.

Kim Jongin avait le profil du parfait héros de roman. Un mètre quatre vingt trois de pure beauté, des lèvres à en faire pâlir la moitié des élèves de ce lycée et des bras à en faire fantasmer toutes les pucelles de la ville. Il possédait l'endroit dans lequel il était.

Puis "Baozi" c'est mon sobriquet depuis la primaire, c'était une sorte de gros gâteaux chinois, un peu comme moi. Bon je n'étais pas chinois mais souvent, mes traits portaient à confusion, je ne ressemblais pas tout à fait à la progéniture de deux coréens pur souche.

— D... Désolé !

Puis y avait ce truc aussi. Ce problème d'élocution qui me décridibilisait encore plus. Je bégayais, non pas par stresse ou par timidité mais parce que ce que je voulais dire était coincé sur le bout de ma langue, qu'il fallait que je grimace comme un abruti et que je force afin de prononcer un misérable mot. On peut dire que mon corps et ma conscience ont été traumatisé de A à Z.

C'était frustrant je vous l'accorde, j'avais l'air putain de débile aussi, les gens me regardaient bizarrement quand je parlais et ça m'intimidait plus, le fait qu'on m'écoute et qu'on se dise "il a un sacré problème ce gars, il sait même pas parler".

Arrivé en Droit, je m'asseyais dans un coin de la classe qui se situait pile poil à côté du radiateur, cinq minutes passèrent avant que Ezra ne passe à l'oral pour présenter je-ne-sais-quoi.

Je ne l'écoutais pas, je me contentais d'observer son corps mince et tanné, ce mec était un véritable canon. Je me demandais ce que ça faisait d'être dans la peau de quelqu'un qui se trouvait physiquement dans la norme. Ne pas être obligé de s'habiller dans des rayons réservés à des tailles supérieures ou pouvoir être en maillot à la plage.

Je crois que je n'étais pas allé à la piscine ou à la plage depuis mes dix ans, quand j'ai compris que mon corps était une honte.

Je me contentais de gribouiller sur ma feuille simple en prenant quelques notes de ce que disait mon camarade, je reçus une boule de papier sur ma chevelure rousse et levai la tête.

En croisant le regard de Baekhyun, je me souviens qu'il fallait que je lui donne ses devoirs (j'avais passé deux heures à faire ses maths alors que je n'étais même pas en SP MATHS) je suis d'accord, je n'étais qu'un lâche mais j'avais tellement peur qu'il me tape et rende ce corps encore plus misérable qu'il ne l'était déjà.

C'était là le long début de ma descente aux enfers.

30/01/2017HYPERPHAGIE

hyperphagie ! minseokOù les histoires vivent. Découvrez maintenant