"N'attends rien de tes mots, juge de tes actes"
Nous sommes jeudi, il est 16h. En temps normal je sortirais de français pour aller en cours d'espagnol, avec une super prof donc plutôt une bonne fin de journée. En temps normal, bien sûr. Parce qu'en temps normal je n'écris pas sur une feuille "je vous aime madame" pour qu'après elle la lise. Non en temps normal je ne fais pas ce genre de chose, ces choses qui peuvent tout basculer du jour au lendemain. J'ai plutôt l'habitude de suivre le cours de ma vie tout naturellement, sans grands événements, sans chamboulement.
Aujourd'hui est un jour nouveau, mais je ne sais pas si c'est un jour heureux.La sonnerie vient de sonner, j'attends donc que tout le monde sorte pour être seule avec elle. Je frissonne rien que de penser à ce moment. Je n'ai jamais été seule avec elle, il y avait toujours quelqu'un, quelque chose qui pouvait attirer son attention pour que je puisse poser mon regard sur elle sans qu'elle ne s'en aperçoive. C'est un fait, je ne peux pas la regarder dans les yeux, je n'y arrive pas, j'ai le sentiment que si nos regards se croisent, elle pourrait tout lire en moi. Je suis trop faible pour ça. C'est pratique pour ce moment qui va arriver dans les quelques secondes qui suivent, si je ne la regarde pas un seul instant cela va être ambigu. Ceci dit, ça ne sera jamais aussi bizarre que ma phrase sur la feuille.
Je crois que je n'ai jamais été aussi stressée qu'en ce moment. J'ai les mains moites et mon ventre qui se tord. Que va-t-elle me dire? Et comment je vais pouvoir répondre?
Mais pourquoi diable me suis-je mise dans une situation pareille?Nicolas me dit qu'il m'attend dehors, avec un regard dubitatif sur son visage, dans le genre "qu'est ce que t'as fait encore, pourquoi je ne suis pas au courant?". Je pourrais croire que je ne sais pas non plus ce que je fais là, mais c'est tout à fait clair. Il veut toujours tout savoir, il sait quasiment déjà tout mais là ça va être plus compliqué que je ne le pense déjà.
La porte se referme, juste elle et moi dans cette salle si commune. Je ne suis qu'à quelques mètres de son bureau, mais j'ai déjà l'impression d'être trop près, ou peut être trop loin. J'ai ce sentiment de trou dans mon estomac et je ne sais pas si j'ai besoin de la regarder ou non. Ça m'effraie. Je crains le moment où elle va ouvrir la bouche et commencer à parler. J'aimerais tellement ne pas avoir à me dévoiler, j'aimerais tellement qu'elle puisse lire la détresse dans mes yeux, me laisser souffrir en paix, seule. Mais je rêve si je crois que tout va se passer comme je le souhaite. Elle se redresse sur sa chaise et prend enfin la parole.
-Est-ce que tu sais pourquoi tu es là?
C'est une question piège ou? J'ai l'impression d'avoir le crâne qui explose dans ma tête, j'en perds mes mots, que dire?
-Je... Peut-être..
Je pense qu'elle a compris ma gêne et me demande de m'approcher. Je rassemble le peu de cerveau qu'il me reste pour ordonner à mes jambes d'avancer vers elle. Je suis maintenant juste devant elle, la surplombant légèrement vu qu'elle est assise. Cependant je me sens étouffer, j'ai du mal à respirer du fait de cette proximité, mais notre différence de taille me permet d'admirer son visage à la bonne hauteur. Je ne vois maintenant plus que sa bouche, juste en face de moi, comme un supplice.
Elle attrape ma feuille et va à l'endroit fatidique, là où cette phrase est marquée. Ces quatre putain de mots.
-'Je vous aime madame', tu peux m'expliquer?
Elle a cette perplexité dans son regard, cette recherche de réponse qui me déstabilise tant. Ce regard que je n'arrive pas à lâcher, paraissant pourtant impossible à fixer jusqu'à présent. Il est clair qu'elle attend une réponse, une explication à tout cela, à cet acte tellement improbable. Je crains que je n'ai une explication à lui donner, je suis clouée sur place bouleversée par tout ce qu'il se passe dans ma tête à cet instant. Cette révélation, ce tête à tête, cette question, ce regard persistant et son corps tout près du mien. Je n'arrive plus à réfléchir, j'ai les pensées brouillées et plus rien ne se passe normalement à l'intérieur de moi. Subitement, c'est l'explosion. Je n'y vois plus rien en moi, j'ai l'impression d'être dans un rêve, de ne pas être dans la réalité, je me laisse pousser par mon inconscient et pose mes lèvres sur les siennes.
Cette sensation d'étonnement, de surprise présente à cet instant, c'est comme si à ce contact je reprenais mes esprits, et prenais seulement conscience maintenant de mon acte. Malgré ce baiser aussi inattendu qu'espéré, doux et douloureux à la fois, je réalise à présent mon erreur. Ce n'est qu'en une fraction de seconde que tout cela se passe, et je recule aussi vite que je suis arrivée. Elle a un air déboussolé, d'incompréhension totale et complètement perdu qui me fait de suite culpabiliser. Après un bref regard, je réalise et réalise vraiment les faits, et je pleure. Je pleure parce que ma vie est finie. J'ai embrassé ma professeur après lui avoir dit entre autre que je l'aimais. Et ma vie devrait continuer? Je suis perdue, je ne mérite plus rien, je ne peux même plus me contrôler.
Je sors en courant et en larmes de la salle et vais me réfugier où je peux. Là dans cette cage d'escalier, à même le sol contre une porte, je m'écroule. Je gâche tout, toujours tout. De toute façon ma vie n'a aucun sens, aucun but, aucune raison.

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Don't think, just do
RomanceC'est elle. C'est sa voix, son élégance, ses mots, ses paroles, sa beauté, sa personnalité, ses pensées; elle. Mais peut-on vivre ce qu'on rêve? ©Histoire fictive m'appartenant entièrement©