Et si... ?

Belle

Le portail grince alors que je le referme derrière moi. Je m'avance dans l'allée ruisselante, l'eau de pluie est toujours présente après tout ce temps, comme si le sol était encore sale.

Je fais demi-tour et m'approche du portail, un petit tas difforme retient mon attention. Je m'accroupis et ramasse l'objet. C'est le chapeau de feutre de mon père, il l'a fait tomber la première fois qu'il est venu ici mais personne ne l'a récupéré jusqu'à ce jour.

J'entre dans le château et ferme les portes d'entrée qui étaient grandes ouvertes. Dans le hall, un désordre monstre s'impose à moi, c'est pire que dans la maison de Gaston ! J'essaie de rassembler les saletés mais il y en a trop et je suis forcée d'abandonner la tâche.

Je cours dans le château pour fermer toutes les portes, sans faire attention à ce qui se trouve autour de moi, ignorant sans doute un grand nombre d'objets vivants, je n'ai pas le temps.

Après plus d'une heure de course à travers la forteresse, la fatigue se fait sentir et je m'aperçois avec une agréable surprise que je ne suis pas loin de ma chambre. Je longe les quelques couloirs qui m'en séparent à petits pas pressés. Le bruit se répercute contre les murs et résonnent lugubrement dans le château. C'est étrangement vide, je me sens légèrement seule mais il est tard, mes petits amis doivent tous être en train de dormir.

J'arrive à la chambre et à peine me suis-je glissée entre les couvertures que je m'endors profondément.

Un faible rayon de soleil perce à travers les vitres sales et me tire de mon sommeil. Je m'étire et baille, me tournant vers l'Armoire pour qu'elle me choisisse une robe. Sauf que l'Armoire est une armoire ordinaire, en bois, immobile. Je me frotte les paupières et regarde à nouveau mais rien n'a changé. J'essaie de parler pour l'appeler mais je n'y arrive pas, ma voix est trop rauque et... Je ne peux désormais plus parler, tant pis, cela reviendra après un bon thé sucré. Un étourdissement me prend et je retombe sur l'oreiller.

Le soleil m'illumine et je me réveille, ayant presque oublié ce que l'on pourrait considérer comme un cauchemar.

- Bien dormi Belle ?

- Oui, très bien merci.

L'Armoire s'ouvre et me tend une robe orangée.

- Merci !

Je l'enfile, me coiffe ensuite devant le miroir, tressant mes cheveux simplement, puis je pars vers la cuisine pour prendre mon petit déjeuner.

Mme Samovar m'accueille joyeusement et me sert le thé. Zip s'approche de moi et je l'attrape par son anse pour boire. Le thé est encore meilleur que d'habitude ! Je mange quelques biscuits puis sors dans le jardin. Je marche tranquillement dans les allées, admirant les fleurs, sentant les roses, chantant avec les oiseaux. Je caresse du bout des doigts les haies parfaitement entretenues, élevant ma voix mélodieuse, tournoyant sur moi-même, ma robe vole et se déploie autour de moi.

De grosses mains se posent sur ma taille et je sens sa présence derrière moi. Nous dansons ensemble, il me semble entendre la musique mais ce n'est peut-être que mon imagination. Nous avançons, reculons, tournons, nous partageons ce moment, unique et inoubliable, ensemble. Nos gestes sont gracieux, coordonnés, aisés.

Après plusieurs minutes nous nous arrêtons et je me retourne face à lui. Ses crocs étincelants rivalisent avec la lumière de ses yeux et je savoure leur éclat. Nous nous asseyons à l'ombre d'un noyer et les objets du château nous apportent de quoi pique-niquer.

Le repas est excellent et la conversation délicieuse. Après ce petit moment, je m'appuie contre l'arbre et ferme les yeux pour faire une petite sieste. Avant de m'endormir, je sens qu'il m'imite, de l'autre côté du tronc et il tend sa main pour recueillir la mienne.