Au bout de quelques semaines intensément formidables en compagnie de la Bête, un événement vient marquer et bouleverser notre délicieux quotidien.
Pour fêter l'arrivée du printemps, un grand ménage a lieu dans le château. L'Armoire retrouve dans ses tiroirs les loques que je portais lors de ma venue au château, les habits de Gaston.
J'étais dans la même pièce qu'elle à ce moment fatidique ; au fond de moi je savais que ce moment se produirait. C'était inéluctable. Je me suis tellement rapprochée de la Bête ces derniers temps qu'une partie de moi avait oublié ces vêtements, mais je n'aurais de toute façon pas pu les retirer du tiroir sans éveiller l'attention.
Les yeux du meuble virent au rouge et tout son vernis clair se fonce. La couleur de la colère.
- Non, attendez, laissez-moi vous expliquer !
Mais mes supplications restent vaines et j'échoue à retenir l'Armoire dans la pièce. Une folle course-poursuite s'engage alors à travers les couloirs du château. Elle court pour retrouver son maître, et moi pour l'en empêcher.
Nous déambulons jusqu'à la salle de bal, telles des petites filles jouant à chat sauf que ce n'est pas un jeu. Les serpillières cessent leur danse synchronisée et se tiennent immobiles, droites, comme attendant un signal pour se remettre au travail. Je m'arrête, chancelante, essoufflée, pendant que l'Armoire continue sa course et franchit la salle rapidement, disparaissant derrière une porte.
Je prends appui sur un pilier et me calme doucement. Mes yeux, presque humides, sont fermement clos.
Soudain, ils sont tous sur moi. J'aimerais fuir mais ils envahissent la salle. Des plumes, branches, mains de toutes sortes se tendent dans ma direction, comme désignant un coupable.
- C'est elle !
- Elle nous a trahi !
- C'est de sa faute !
Les couleurs se mélangent, des tâches violacées apparaissent aux coins de mes yeux et j'ai peur de défaillir. Je me sens bousculée, ballottée dans tous les sens par ces petits êtres, perdue dans ma raison. Même les petites cuillères innocentes, que je croyais inoffensives, se tortillent pour parvenir jusqu'à moi et me frapper. Je me recroqueville au pied de la colonne et reçois tous les coups, agitée de spasmes.
- Il faut la punir !
Un rugissement ébranle les murs. Les objets se resserrent autour de moi, puis s'écartent, cherchant une issue, désirant laisser un passage pour leur maître qui entre en poussant violemment la porte, suivi de près par l'Armoire, un sourire goguenard sur les lèvres.
La porte dérape bruyamment sur le sol et brutalement, ce n'est plus la Bête mais Gaston qui avance vers moi, à pas lourds. Les objets ne semblent pas le remarquer, béats, concentrés sur ce qui va m'arriver lorsque je serai à sa portée.
Je crie.
Je crie, mais ma voix ne parvient pas à dominer l'ambiance tumultueuse et chaotique de la pièce. C'est de nouveau la Bête qui s'avance vers moi, la rage luisant dans ses prunelles.
- Ce n'est pas ce vous croyez ! Je n'ai rien fait !
Il reste sourd à mes plaintes et continue d'approcher.
- Je vous aime...
Un éclair aveuglant me plonge dans l'inconscience et je me sens tomber.
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Et si... ?
FanfictionEt si... Et si Gaston avait gagné le combat contre la Bête ? Et si Belle n'était jamais arrivée au château ? Qu'aurait-il pu se passer ? Une réécriture d'un conte populaire, une fin alternative de l'histoire de La Belle et La Bête Bon appétit !