Chapitre Onze

154 9 0
                                    


.

Je ne l'ai pas protégé.

Et tout seul dans le noir, je me demande encore :

Est ce que j'aurais du ?


- J'ai envie de faire une bataille de boules de neiges.

Ivan rit. Un rire grelottant percé par la sonnerie du micro-onde. Il sort nos tasses de café instantané et vient les poser sur la table basse.

Ben me fait du chocolat chaud, le matin, quand le réfectoire est fermé pour le week-end. Je n'aime pas le café. Je prends quand même la tasse brûlante entre mes mains. Ça réchauffe. Et j'aime l'odeur. Je l'assimile à Ivan. Au café qu'il m'achetait à la machine de la salle des profs et que l'on buvait dans l'arrière cour.

- Pourquoi tu es venu, Tristan ? Pourquoi tu es ici ?

Le canapé fait un angle, on est assis de chaque côté. Nos genoux se touchent.

- Parce que tu me l'as demandé.

Et parce que je fais toujours ce que l'on me dit. Je me laisse toujours faire. C'est plus simple. Je ne réfléchis pas, je donne sans poser mes conditions. S'il venait à moi, me déshabiller, il pourrait tout prendre.

Je voudrais qu'il prenne tout.

Qu'il ne reste rien de moi.

- Pourquoi ?

Drôle de mot sans écho. Il demande :

- Pourquoi quoi ?

- Pourquoi tout.

Pourquoi tout. Pourquoi m'avoir aimé, brisé, abandonné. Pourquoi me pardonner aujourd'hui, si c'est ce que tu fais, et qu'est-ce que tu fais, qu'est-ce que tu veux, qu'est-ce que tu vas me prendre ?

Il pose son café sur la table basse. J'ai l'impression d'être devant une immense montagne à gravir. Une montagne en grains de sables qui s'effondre sous mes pieds.

- Qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Pourquoi tu as fait ça ?

- Ça quoi ?

- Tout.

Je n'ai pas envie de le regarder. Son regard a trop tendance à me perdre, à me bousculer. Je retire mes chaussures, m'allonge sur le canapé, un bras replié sous la tête, les yeux dans le vague.

- Tout ce que tu as fait. Pourquoi tu m'as aimé, pourquoi de cette manière. Pourquoi tu m'as dit... Pourquoi tu me l'as dit, pourquoi ensuite tu as fait comme si je n'existais pas.

Il s'agenouille au sol devant moi, entoure mon visage de ses bras. Embrasse ma joue, mon nez. Ma bouche. Murmure :

- Et si tu n'existais pas... Dis-moi pourquoi j'existerais... Pour trainer dans un monde sans toi... Sans espoirs et sans regrets...

- Tu es le pire de tous les manipulateurs.

Le premier bouton de ma chemise saute sous ses doigts.

- C'est toi qui m'as rendu comme ça.

Avec Ben, je pleurerais. Mais dans les bras d'Ivan, je n'ai pas envie. J'ai peur, pourtant. Mon corps est figé. Je voudrais qu'il arrête. Mais pas vraiment. Je voudrais plus.

Ses mains ouvrent les autres boutons. Il touche mon ventre et j'ai l'impression d'être si petit, bercé dans un grand monde pâle qui tourne autour de moi. Je demande :

Sous La GlaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant