C'était par une nuit d'automne. Je longeais d'un pas lent les rues étroites d'une petite ville française. Plongée en plein cœur des ténèbres, seuls quelques lampadaires aux lumières vacillantes et frémissantes éclairaient comme ils le pouvaient les alentours. Dans le ciel, les célèbres boules de gaz scintillaient de leur éclat épatant, parsemant la nappe sombre céleste de taches lumineuses.
J'inspirai, l'air frais de saison emplit mes poumons, me donnant la claque mentale dont j'avais besoin pour me maintenir éveillé. J'expirai, une panache de fumée vaporeuse et blanchâtre se forma devant moi, et disparut l'instant suivant. La nuit, la ville était bien triste. L'épais silence environnant n'était brisé que par un long et monotone son produit... par quoi déjà ? Ah oui. Par ma valise, que je traînais nonchalamment derrière mon passage. Ses vieilles roulettes usées frottaient le béton tout aussi mal en point des trottoirs dans un bruit qui était tout autant désagréable pour les oreilles. Elle serait désormais mon seul bagage, vieille mais indispensable.
Quelques gouttes s'écoulaient des gouttières et venaient s'éclater d'un coup sur le sol, où elles se ressemblaient en plusieurs flaques dans lesquelles le reflet de la lune miroitant apparaissait embelli. À plusieurs reprises, certaines d'entre elles vinrent me mouiller le crâne, traversant ma barrière de cheveux pour m'agacer encore plus.
Mes chaussures glissaient ainsi, sur les trottoirs mouillés par une pluie récente, en pleine nuit. De temps à autre, une voiture passait, éclairant de la puissante lumière de ses phares la route elle aussi trempée. À chaque passage, je me retrouve d'ailleurs aveuglé. Le froid mordant de l'extérieur commence à m'atteindre et me fait frissonner. Je remonte le col de mon manteau, avec l'espoir de ne pas passer l'intégrité de la nuit dehors, et encore moins assis aux côtés de ma valise - à patienter pour une vie meilleure.
Je plonge mon regard vers la montre qui ceint mon poignet. Le cadran numérique m'indique une heure bien tardive pour jouer les touristes : trois heures quarante. Combien de temps vais-je encore errer, traîner mes pieds dans ces quartiers déserts ? C'est une question à laquelle je souhaiterais volontiers une réponse... Ce fut tellement rapide, c'en était presque dément. Hier encore, j'avais un toit sur la tête. Maintenant, je suis à la seule merci du ciel. D'un rythme toujours lent, je déambulais dans ces rues qui allaient devenir mon seul foyer, accompagné de ma fidèle valise pour transporter avec moi six ans de vie et de souvenirs. Je m'engageai dans un carrefour qui me conduisit dans de plus larges allées. Non loin de là, un pont en forme d'arc enjambait un cours d'eau assez conséquent pour qu'il s'agisse d'un canal. Je décidai de m'en approcher.
J'entendais déjà le bruissement enchanteur et mélodieux de l'eau effectuant son éternel et répétitif parcours, s'écoulant d'un endroit vers un autre, lui semblant plus accueillant. Peut-être cela m'apaisera-t-il ? ne serait-ce qu'un minimum. Mais soudain, alors que j'entamais ma marche vers le pont, je vis une silhouette se détacher de la noirceur de la ville. Pourtant disposée derrière la lumière d'un réverbère, la forme était nul doute celle d'un homme.
Pris de surprise, je reculai furtivement pour venir me calfeutrer auprès d'une façade de pierre. Aucun mouvement n'animait la silhouette. S'agissait-il vraiment d'un être humain ? Je me sentis brusquement ridicule : pourquoi avoir besoin de se cacher ? Avec un malaise dissimulé - et la grande espérance d'être passé inaperçu -, je repris ma route vers le pont.
Doucement, je fis monter ma lourde valise sur les quelques marches qui le précédaient et me penchai finalement vers le cours d'eau au-dessus de la barrière de fer peint. J'avais lâché la poignée de mon bagage pour toucher la rampe mouillée de gouttes légères. Un frisson parcourut mon échine. Un frisson procuré par l'idée que derrière mon dos, à quelques pas de moi, se trouvait l'ombre d'une personne qui n'avait même pas daigné bouger la tête lors de mon arrivée. Le silence avait regagné les environs, plus écrasant que jamais.
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Clichés.
Short StoryBasil, un jeune Anglais expatrié va faire la connaissance d'Antoine, un Français en dépression à peine plus âgé que lui. Le britannique va alors découvrir que celui-ci est bien plus surprenant qu'il ne le laisse paraître...