Chapitre 2

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Je me relevai, en sueur par la besogne que je venais de terminer. Mes mèches onyx se plaquaient contre ma tête, comme une seconde peau. La température de saison relativement froide n'était plus vraiment un obstacle, et j'hésitai même à retirer mon vêtement d'hiver. Je repoussai le bloc de pierre taillé avec une ultime poussée. En face de moi, le dénommé Antoine n'avait pas plus fière allure, avec ses cheveux humidifié de transpiration lui arrivant au bas de son cou. Il devait d'ailleurs étouffer, mais avait eu la sagesse de retirer son chèche au bout d'un certain temps. Je m'appuyai contre la rambarde, estimant avoir eu droit à un peu de repos. Antoine se releva difficilement, et prit appui sur le réverbère. Il passa une main sur son front en soupirant. 

« Jamais j'aurais pensé que ça prendrait autant de temps, lança-t-il.
— Vu l'épaisseur de la chaîne, dis-je, c'est plutôt normal.
— Je n'ai pas choisi de la camelote, et ça s'est retourné contre moi...
— Et maintenant ? Qu'allez-vous faire ?
— Moi ? Je vais retrouver mon vieil appart', pour payer mon loyer, ajouta-t-il avec un sourire triste.
— Je vous souhaite une bonne continuation alors », répondis-je en me rapprochant de ma valise et m'éloignant de lui. 

Alors que j'allais empoigner la hanse de mon bagage, il m'interrompit :

« Une minute, je vais pas laisser partir le seul gars qui a eu assez pitié de moi pour me filer trente billets ! allez viens, j't'invite.
— À cette heure ? Aucun bar n'est ouvert.
— Ne sois pas stupide, j'ai des bières chez moi.
— Vous êtes sûr ? 
— Arrête de faire ton effarouché, sourit-il, t'aime la bière hein ? 
— Évidemment », répondis-je en souriant.

J'empoignais définitivement mon bagage et le traînai à nouveau. Je passai les marches et Antoine commença à me guider. Bien rapidement, nous nous engageâmes dans de petites ruelles pavées. Les roulettes de ma valise s'enfonçaient dans chaque rainure des pierres et remontaient ensuite, forcées par mon bon vouloir. Je retournai de temps en temps la tête, ayant l'idée de voir encore les deux parpaings gisant lamentablement sur le pont. Mais cette vision avait été bien vite remplacée par celle des façades des appartements environnants, si hautes qu'on se croyait dans un puits. Je levai la tête. Le ciel m'apparaissait comme une immense peinture que l'on aurait peinte à l'intérieur d'une chapelle, recouvrant les toits des maisons comme une bulle protectrice. Je restais muet face au charme cosy des rues que je n'avais finalement que trop peu visitées.

Mes yeux redescendirent vers l'horizon, entrecoupé d'habitations diverses. Je suivais tranquillement le Français et remarquai quelque chose d'étrange avec sa jambe droite. Sa jambe, qui précédemment, était enchaînée. Même si c'était subtil, je voyais bien qu'elle ne supportait pas son poids, ou du moins, pas longtemps. 

« Vous boitez, Antoine ? demandai-je.
— Un peu, ce n'est rien, assura-t-il.
— C'est vous qui le dites, vous pouvez à peine poser votre pied à terre. Avez-vous de la glace à disposition ? 
— Il me semble, mais j'promets rien... »

Il fallait vraiment qu'il se déteste pour nier un fait aussi évident. Cela ne devait effectivement pas être grave, mais c'était suffisant pour que le jeune homme affiche une faiblesse. Il me guida dans une énième ruelle vers la droite et s'arrêta finalement devant une porte en bois sombre. Tout près, une plaque bleue cerclée de blanc indiquait le numéro « 19 ». Il saisit dans sa poche un trousseau de clés qui émit un cliquetis métallique et inséra dans la serrure la clé correspondante. Il la fit pivoter et abaissa la poignée. La porte s'ouvrit dans un léger grincement propre à sa matière. 

Sa main se posa sur un interrupteur et l'ampoule du plafond s'illumina. La pièce était carrée, et contentait le nécessaire pour accueillir les habitants du vieil immeuble. Une fausse plante était disposée dans un coin, non loin des boîtes au lettres qui présentaient les noms des résidents. Parmi l'une d'eux, était une du nom de « Desmond Antoine ». Cette dernière était d'ailleurs pleine à craquer de papiers en tout genre, et une pile garnie de magazines publicitaires en dépassant menaçait de tomber à tout instant. D'un geste rapide, il s'encombra de tout ce qu'il pût porter et referma la petite porte en métal. Devant nous se dressait un escalier - également fait de bois - en colimaçon. Il me fit signe.

Clichés.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant