On est.

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-Salut Petra, ça va?

-Oui et toi?

-On fait aller... Comment va-t'elle?

-Au vu de ce qu'elle a traversée, je dirais qu'elle va bien.

-C'est tellement horrible quand même... Mais qui l'aurait cru... On savait tous qu'il était dégenté, mais pas à ce point là!

-Je pense qu'elle, elle savait, mais elle voulait pas l'admettre...

-En même temps c'est normal, son premier amour...

-J'espère juste qu'il va moisir en prison.

¶¶¶

-Salut beauté, tu as bien dormis?

-Oui et toi? Je calque le portable entre mon épaule et mon oreille, pour m'extirper de mon lit avec plus de facilité. J'arriverais probablement plus tard aujourd'hui, hier j'ai pas fini mon travail de science appliqué... Et on doit le rendre pour cette aprem.

-Mais tu avais dit qu'on se verait ce matin.

-Je sais Dylan, mais je ne peux pas me permettre de perdre des points dans cette matière là aussi... Dylan?

Il a raccroché.

¶¶¶

-Bonjour Kyla, me salue le docteur Ginger en entrant dans la pièce, son bloc note dans la main droite, on va refaire une radio pour regarder comment se porte tes côtes d'accord?

Je hôche la tête et il m'enmène, tirant sur mon lit pour me faire circuler dans les couloirs. Je garde les yeux fixés vers le plafond, voyant défiler les diffèrents néons et je pense à mon rêve.

Dylan...

"Sale traînée "
"Tu vas le baiser aussi celui-là?! "

Il m'installe sur une table froide avant de me faire rentrer dans une machine ronde qui fait plein de bruit. Il me dit de ne pas bouger, et que ça ne va pas prendre longtemps, que je dois rester calme et bien respirer.

Rester calme.

Dans deux jours, il y aura la sentence de Dylan, et je devrais raconter ce qui c'est passé. Je devrais leur dire comment le mec le plus mignon et romantique du monde, qui m'aimait comme un fou, en est venu à vouloir me violer dans une allée sombre après m'avoir tabassé.
Comment je suis censée faire ça?

-Respirez Kyla, votre respsiration est trop rapide, pensez à quelque chose d'apaisant, un moment heureux.

Max...

¶¶¶

-Je crève la dalle! Je pourrais manger un opossum!

-Désolé mademoiselle, on ne sert pas ça ici, me sourit le serveur.

-Et de la gazelle ? De l'antilope?

Il fait non de la tête et nous rions en coeur.

-Bon et bien, je tente de lire le prénom sur son t-shirt, Maximilien servez-moi quelque chose de consistant et que je peux me m'offrir pour 7,50€.

-Toute suite ma belle.

¶¶¶

On me ramène à ma chambre. Ils auront les résultats dans quelques heures qu'il a dit.
De toute façon je suis fatiguée. Maman m'a amenée mon carnet de dessin, mais je ne me sens pas dans l'envie de colorier aujourd'hui. J'ai envie de rien aujourd'hui.
Je me sens vide.
Comme si il y avait un gros trou à l'intérieur.
Vide.

-Je vais aller faire des courses et aller chercher ton frère à l'aéroport, je serais de retour dans quelques heures, ça ira? Demande ma mère en me caressant le front.

Je hoche simplement la tête et elle s'en va. Enfin la solitude.
Je regarde le plafond, et le jeu d'ombre qui s'y joue. Elle grossis, s'affine, s'allonge, disparait.

-J'ai cru, qu'elle ne partirait jamais. S'exclame Max en rentrant discrètement dans la pièce. Je te jure y a des moments où je me suis même demandé si ça lui arrivait d'aller au toilette!

Je ne bouge pas. Les yeux fixés sur le plafond. Je ne veux voir personne. Parler à personne.

Mais Max approche tout de même de moi, il m'attrape la main, me remets une mèche derrière l'oreille et va même jusqu'à caresser mon visage.
Il s'est installé sur le fauteuil que ma mère occupe depuis maintenant presque cinq jours, et ne fait que me regarder en souriant bêtement.

-Comment tu te sens?

-...

-D'accord... Mais faut qu'on parle, tu m'as dit de...

-Mer-ci de m'av-oir sauvé la vie.

Il m'a sauvé la vie.
Il m'a sauvé de mon ex petit-ami, qui essait de me violer.
Il m'a sauvé.

-Mer-ci.

Ma voix recommence petit à petit à reprendre ses fonctions, mais j'éprouve toujours quelques difficultés à faire évacuer certains mots de ma bouche. Je suis comme un robot mal programmé; je bug.

Il me réponds par un sourire et resserre un petit peu la pression sur ma main.

-Dis, enfaite c'est okay que je te touche ou c'est trop?

C'est la première personne qui me pose actuellement la question. La première personne qui donne vraiment l'impression de se soucier de comment je peux ressentir les choses après les coups dont j'ai été victime.
Et juste pour ça. Juste parce que lui il fait attention.
Je ne lui dis pas que ma peau me brûle, que j'ai envie de pleurer, que ça me fait mal. Qu'à chaque geste trop près de moi j'ai la sensation que l'on va me frapper.
Je ne lui dit pas. Et à la place je pose mon autre main sur la sienne.

Silence gêné.

-Je suis venue pour te parler... Dans deux jours il va y avoir la sentence, et ils vont tous nous appeller à la barre, pour expliquer ce qui s'est passé cette nuit là. Et à un moment ou à un autre, la question de "Quel relation entretenez-vous avec la victime" va arriver et je ne me sens pas de mentir au juge. Alors qu'est-ce que je suis censé faire?

-J-e suis ven-ue mang-ée à de n-om-br-eus-es repr-ises dans t-on rest-aur-ant, on a fi-ni par li-er d-es l-iens d'a-mi-tié.

-Kyla... On est bien plus qu'ami et tu le sais. Je veux bien mentir à ta mère au tant que tu le veux, et à la juge aussi si c'est ce que tu souhaite, mais un jour, il faudra que tu assume la vérité.

-On est qu-oi?

On a jamais vraiment mis de nom là dessus. On est et c'est tout.
On est.
Mais on est quoi?

Max n'a pas l'air d'apprécier ma question car il se lève furieux et s'en va sans un mot.

EnchainéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant