Les Mythes Fondateurs | TaeKook

- III.

Le vieillard se tient derrière la porte, et sa main retombe doucement contre sa cuisse. Il leur adresse un sourire faux, et dit simplement :

«  Elle est là. »

Jimin le remercie, explique à TaeHyung qu'il a demandé à une guide de la région de les emmener dans les montagnes pour repérer les lieux propices aux tournages et s'inspirer de ce paysage pittoresque. Alors, le jeune homme prend sa veste, lace ses chaussures de marche, attend Jimin dans le couloir à la moquette tâchée, descend à ses côtés.

Il serre la main de la guide, une femme d'une quarantaine d'années aux dents de travers et aux yeux masqués par des lunettes de soleil opaques. Furtivement, TaeHyung jette un œil dehors. Les nuages s'étaient densifiés et aucun rayon ne les transperçait.

Au même moment, la femme pose sa main sur son épaule et l'entraine dehors.

« - Vous êtes sûre que ce n'est pas risqué de sortir maintenant ?

La femme éclate de rire, rejette sa tête en arrière et se tourne vers lui.

« - Vous ne me faîtes pas confiance ?

-  Si, mais il est déjà tard, on a fait plusieurs heures de route, et on dirait qu'il va pleuvoir... »

La guide frappe son dos si fort que son souffle s'échappe. Elle lui sourit toujours quand elle dit :

« - Y'a qu'un seul remède pour les anxieux, monsieur Kim. »

Elle continue comme si c'était une évidence irréfutable :

« - Le sport. »

Et Jimin la suit en souriant, tandis que TaeHyung trépigne en essayant de reprendre son souffle.

Ils contournent l'hôtel, sillonnent le village, dépassent la mairie et s'engagent dans une forêt dense où les feuilles se balancent doucement sur les branches. TaeHyung s'arrête pour photographier deux arbres aux troncs enlacés, mais Jimin et la guide continuent sans lui.

Il les rattrape alors qu'ils empruntaient un sentier minuscule à travers les arbres. Le sang bat dans ses tempes, il sent les cailloux traverser la semelle de ses chaussures, la sueur ruisseler dans son dos, les muscles affaiblis de ses jambes.

Pourtant il garde le silence, se contentant de geindre dans sa tête et de maudir son ami.

Ils parviennent au sommet de la montagne après ce qui lui semble des heures de marche. Les yeux plissés, ils admirent la vallée qui s'étend en un petit creux où se dresse le village et ses maisons de poupées. Au nord, là où se tiennent la guide, Jimin et TaeHyung, les montagnes. A l'opposé, la mer qui bloque l'accès par le sud. Le seul moyen d'accéder au village est une route en mauvais état qui se finit à l'entrée du port. Quelques bateaux y sont amarrés et tanguent sous la houle. 

Le phare, excentré, est insensible aux assauts du vent.

Pendant que TaeHyung photographie le paysage, Jimin demande, son index pointant le bâtiment isolé :

« - Vous pourriez nous le faire visiter ? »

La guide sursaute et se tourne vers lui, et il voit ses yeux écarquillés même à travers ses lunettes noires.

Elle lance, soudainement agressive :

« - Pourquoi ? »

TaeHyung enlève son appareil de son visage, et regarde Jimin lui répondre :

« - Ce serait un lieu de tournage incroyable, avec cette vue sur la mer déchaînée ! »

Elle les considère longuement, jette un coup d'œil furtif sur la mer, ferme les yeux et finit par répondre, les dents serrées :

« - Non. Je ne vous y emmènerai pas. Et je doute que quelqu'un le fasse. »

Puis elle repart, voltigeant entre les arbres en maugréant des choses qu'ils ne comprennent pas. Les deux amis échangent un regard, et avant qu'elle ne disparaisse dans la nuit qui tombe, se mettent à la suivre.

Quand ils arrivent à l'hôtel, les muscles douloureux et les yeux peinant à rester ouverts, il fait complètement noir. Jimin règle la guide, et avant qu'il ne s'éloigne, elle lui agrippe le bras si fort qu'il doit réfréner une plainte de douleur.

Elle murmure, son haleine tiède contre la peau de son visage et l'odeur de sa sueur enflant dans ses narines :

« - Partez. Et ne cherchez pas à vous rendre au phare. »

Puis elle le lâche et s'évanouit dans l'ombre.

Ce qu'elle ne sait pas, c'est que quand Jimin veut quelque chose, il l'obtient.

Peu importe comment, peu importe quand, peu importe les conséquences.

Et tandis que ses mots sont happés par le silence, un besoin insatiable de ne pas l'écouter gonfle dans sa poitrine.