Pendant qu'il marche le long de la jetée, durant un de ces soirs où Jimin s'enferme dans sa chambre et où l'envie de vivre n'est rien de plus qu'un vague souvenir, TaeHyung contemple la mer déchainée.
Il a plu dans la matinée, et le ciel est lourd, bas, orageux. Il se demande quand le soleil percera enfin la chape de nuages opaques. Il a encore dans la tête les restes d'une musique, mais il n'ose pas les fredonner.
Il a peur de perturber le chaos et qu'il l'engloutisse.
Ou que la mer qu'il longe l'avale et fasse disparaitre son corps.
Il frissonne quand il se rend compte que de son âme ne restera que des photos et un nom sur un scénario.
Il secoue la tête, soupire. Il se dit qu'il ne faut pas penser au mal.
Au loin, il distingue la façade de l'hôtel et ses étroites fenêtres grises. Peut-être voit-il l'ombre de Jimin dans sa chambre, le visage tourné vers la vitre et l'esprit obsédé par le phare. Mais il est presque sûr de l'imaginer, alors il continue de marcher avec les pieds mouillés par les vagues.
Il sent l'odeur des embruns, de sel et de pierre humide qui s'imprègne dans son corps.
TaeHyung arrive au bout de la jetée avec plus d'eau dans les chaussures que dans la mer. Il contemple l'étendue tumultueuse, les remous angoissés et les gouttes qui s'éparpillent pour se fondre entre elles.Il reste ainsi, le dos droit, les yeux au loin, à songer que les acteurs et l'équipe de tournage arrivent dans deux jours et qu'il ne s'est jamais senti aussi isolé.
Depuis qu'ils sont arrivés, ils n'ont pût sortir qu'une seule et unique fois du village. Les autres fois, soit il pleuvait à flot et la route était inondée, soit Jimin ne voulait pas sortir, car il avait entendu des habitants qu'il y avait un problème sur la départementale.
Ils sont retournés dans les montagnes deux fois, mais la guide ne leur adressait plus que des monosyllabes et refusait d'engager toute conversation.
Alors, ils ont commencé à passer tout leur temps à l'hôtel, entre quatre murs mal peints. Aujourd'hui, TaeHyung n'en peut plus. Il inspire trois fois l'odeur marine, lentement, en gonflant sa poitrine et écartant les bras.A sa droite, le phare guette et attend, solide, fier, presque royal dans son chapelet d'écume.
Sans vraiment s'en rendre compte, il avance doucement.
Un pas après l'autre, il se rapproche inexorablement du seul site où il ne doit justement pas aller. Mais son esprit est comme embourbé dans une masse gluante, et ses pensées s'agglutinent aux portes de son cerveau sans y pénétrer.Il a les mains engourdies au creux de ses poches, les doigts repliés contre sa paume et un goût amer de fer dans la gorge.
Il croit sentir des regards sur lui, deux yeux perçants qui fixent son dos et trouent ses poumons. Il a l'impression que quelqu'un le suit en attendant qu'il entre dans le phare, pour se faufiler derrière lui comme une ombre et lui faire du mal pour avoir oser profaner un lieu devenu presque sacré.
Alors qu'il ne reste plus qu'une centaine de mètre entre lui et le bâtiment qui effleure les vagues, une femme s'avance vers lui et pose sa paume à plat contre son torse. Il y a un long silence avant que TaeHyung ne détache ses yeux du phare et ne les pose dans ceux de la vieille dame.
Il la reconnait après un autre silence, tout aussi pesant. C'est l'épicière qui tient le petit magasin d'alimentation générale à côté de la mairie. Il ne l'a pas souvent croisé, seulement deux fois depuis qu'ils sont arrivés dans le village.
Sa main est toujours posée contre le tissu de sa veste et il a soudainement très conscience de la situation dans laquelle ils se trouvent. Il s'écarte doucement, les mains en l'air, comme si la personne en face de lui était instable.
Elle ne bouge pas, le regarde de ses yeux cernés.
Elle ne dit rien, ne parle pas. TaeHyung ne l'entend même pas respirer.
Puis elle se retourne, jette un coup d'œil au phare sans tourner son corps, le jauge encore un instant, s'écarte, marche, disparait. Il voit son dos s'effacer dans une ruelle.
Derrière lui, le phare tremble.
Comme s'il riait.
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Les Mythes Fondateurs | TaeKook
أدب الهواةLorsque le tournage d'un film réveille d'anciennes croyances et que les habitants d'un village développent des comportements hostiles.