CHAPITRES 1 à 3

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                                                                                 CHAPITRE 1


La pluie s'abattait avec un crépitement ininterrompu dans le dos de l'ombre accroupie.Le caniveau pavé suffisait à peine à évacuer l'eau qui débordait abondamment sur la chaussée. Une silhouette s'activait silencieusement sur le perron et émit un faible grognement alors qu'une rafale plus puissante que les autres faisait voler les pans de sa cape. Malgré la protection de l'arche de pierre sous laquelle il se trouvait, Nicovic Drak était trempé jusqu'aux os.

Au milieu du hurlement des bourrasques et du tambourinement de l'eau, Nicovic perçut un bref sifflement en provenance du bout de la rue. Il releva la tête et regarda sur sa droite en fronçant les sourcils pour mieux voir à travers le rideau de pluie qui tombait inlassablement. Deux silhouettes se dessinèrent alors, soulignées par la lumière d'une des rares lampes à huile qui avait résisté à l'averse.

Une patrouille ! Par ce temps et à cette heure, bien peu de personnes n'avaient ni le courage, ni la bêtise de s'aventurer à l'extérieur. Sauf peut-être des gardes. Nicovic rangea lestement ses instruments sous sa chemise, s'enroula dans sa cape, rabattit son capuchon et s'enfonça dans l'ombre du portique. Il sentit le mur de pierre glacé dans son dos et voulu pouvoir s'y fondre.

D'éclaboussures en éclaboussures, les silhouettes se précisaient et se rapprochaient.Nicovic passa sa main droite sur sa hanche et ses doigts se refermèrent sur le pommeau de sa fine dague en acier. Il savait que celle-ci ne lui serait pas d'une grande utilité face à des combattants aguerris mais pas question de se laisser capturer. Ceux qui entraient dans les geôles de la prison d'Angarda n'en ressortaient que pour atterrir dans une fosse commune.

Les deux gardes n'étaient plus qu'à une dizaine de mètres. Nicovic s'aperçut qu'ils étaient de petite taille et se dit qu'il aurait peut-être une chance de se défendre s'ils lui tombaient dessus. Ils se dirigèrent en direction du portique et Nicovic retint sa respiration en serrant les dents. Il pouvait sentir son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. Les silhouettes s'engouffrèrent sous l'arche et Nicovic relâcha une grande goulée d'air en les voyants enfin distinctement devant lui. L'une d'elle poussa un petit cri et l'autre éclata d'un rire sonore et aigu.

-Sonia ! Espèce d'idiote ! S'exclama une jeune femme brune en mettant une claque sur le bras de son amie. Puis elle tourna son visage trempé vers Nicovic.

-Imbécile ! Vous m'avez fait peur ! Je ne m'attendais pas à trouver quelqu'un ici à cette heure.

Nicovic resta sans voix devant les deux jeunes femmes. Celle qu'il avait involontairement effrayé le fixait d'un air boudeur, ses cheveux bruns noués en une queue de cheval détrempée reposaient tristement sur son épaule. Elle revenait manifestement d'une soirée avec son amie car toutes deux étaient vêtues de robes qui coûtaient les yeux de la tête.Elles n'avaient pas plus de vingt ans, certainement filles de bourgeois. Nicovic ferma la bouche, la rouvrit puis se mit en quête de mots à prononcer aux jeunes femmes.

-Euh et bien, je, excusez-moi, ce n'était pas mon euh... mon intention... J'étais juste en train de, euh, et bien je m'abritais de la pluie et euh en fait je euh...

-Mais ne vous excusez pas ! Ce n'est pas de votre faute si mon amie a peur de son ombre !

La demoiselle qui avait ri était une splendide rousse qui parlait d'un ton moqueur,s'amusant du malaise de Nicovic. Elle s'avança et se pressa contre lui en passant une main dans ses cheveux pour rabattre sa capuche en arrière. À son haleine chargée d'alcool, il était clair qu'elle n'avait pas tous ses esprits. Quelle idée saugrenue avait d'ailleurs bien pu passer dans la tête des jeunes femmes pour se risquer seules dehors par ce temps ?

RUNES - Livre 1 : La couleur de la trahisonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant